Le cinéma en Tunisie a bel et bien été célébré cette année lors de la 32e édition des Journées cinématographiques de Carthage. Les spectateurs ont largement répondu présents comme à l'accoutumée : de tout âge, en famille, en amoureux, en groupe ou en solo, la manifestation reste, sans doute, celle qui fédère le plus de spectateurs annuellement. La programmation cinématographique reste foncièrement pour adultes, mais pour les enfants, qu'en est-il ? Hors JCC, le cinéma reste-il attractif ou édifiant pour ces derniers ? Lors de la projection attendue de « Captain Of Zaitari » d'Ali El Arabi, une jeune maman est aperçue en plein milieu d'une foule impatiente de découvrir le film. Elle essayait tant bien que mal de gérer ses deux enfants, intenables et agités. Elle s'appelle Salwa, trentenaire, et nous a confié furtivement : « Je n'ai pas pu assister depuis longtemps aux JCC. Cette année, j'y reviens avec mes deux enfants. L'organisation se déroule bien, mais j'ai eu du mal à tomber sur des films pour enfants, moins difficiles à saisir, et divertissants. J'aurais aimé surtout qu'ils découvrent l'ambiance, les gens, la magie d'une salle de cinéma : j'ai opté pour des courts métrages. J'ai dû partir avant le dernier : ils ne tenaient plus en place. (rires). L'amour des salles de cinéma, ça se transmet et je devrais penser à les emmener plus souvent même en dehors du festival ». Hors JCC, les salles de cinéma proposent en effet des films pour enfants, généralement en début de journée. La programmation reste purement commerciale et étroitement liées aux sorties mondiales. Les films d'animation et leurs héros prennent d'assaut les salles et y persistent des semaines durant dans les salles obscures. Les héros Marvel sont souvent les plus visibles : Justice League, Superman, Harley Quinn et cie font les belles heures des enfants. En 2D ou 3D, dans une nouvelle ou une ancienne salle, les enfants généralement en sortent ébahis. Accompagnés de leurs enfants, les films de superhéros sont le plus souvent à l'affiche. Cette semaine, la sortie du énième Reboot de Spiderman ravira les bambins. Quelques semaines auparavant, « Dune » de Dennis Villeneuve, et « Cruella » de Graig Gillepsie, le dernier long métrage en date de Disney, a fédéré grands et petits. Dans la liste des films proposés, les longs métrages d'animation occidentaux font fureur : « Ron Débloque » réalisé par Sarah Smith et Jean Philippe Vine et « Eternals » de Chloé Zaho, dernièrement à l'affiche, restent prisés par les enfants et leurs parents. Des parents désireux de sortir leurs enfants de leurs bulles, de leur éviter l'emprise des écrans, des tablettes et de Netflix. Tous veulent voir leurs bambins nourrir un intérêt autrement pour des films et que les petits soient plus en contact sur le plan humain. Opter plus pour une projection réussie en 3D a pour but d'attiser davantage cette passion pour les films. Yasmine B., trentenaire, reste réaliste et déclare : « A Tunis, il y a des films pour enfants programmés dans nos salles, mais le choix reste restreint. Les films sont redondants. Il n'y a pas un éventail de titres plus attractifs. Les films sont des blockbusters récents, et s'il n'y a pas de nouvelles sorties, revoir les mêmes titres n'est pas intéressant. Il n'y a pas d'activités autour du cinéma, de l'écriture, d'ateliers... On n'en entend pas parler en tout cas. Le public ne peut même pas revoir d'anciens films sur grand écran et les discuter», regrette-t-elle. Les projections dans les établissements éducatifs sont presque inexistantes. Au collège, au lycée ou écoles primaires, pas de cinéclubs, pas de projections occasionnelles. Des salles ouvertes et qui programment autant de films pour les enfants ou pour adultes n'existent qu'à Tunis. Dans les régions, pas de projections ni de salles de cinéma convenablement aménagées pour attirer les spectateurs : la salle « Le Majestic » à Bizerte est ouverte, Pathé Sousse aussi, et quelques projections s'organisent spontanément dans des lieux avec les moyens du bord. Un constat regrettable et alarmant. Quelques festivals de cinéma se font dans les régions et durent quelques jours, une fois par an. Ils permettent d'une manière éphémère aux enfants et au large public de découvrir la magie du cinéma. Mais pas assez...