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Taoufik Rajhi, ex-ministre chargé des grandes réformes: «La Tunisie a raté la reprise technique en 2021 »
Publié dans La Presse de Tunisie le 29 - 12 - 2021

Au moment où la croissance mondiale s'affermit, la reprise économique en Tunisie demeure timide. Dans tous les cas de figure, avec un taux de croissance inférieur à 8%, l'économie tunisienne ne peut pas retrouver son niveau pré-crise. Sur le plan économique, 2021 serait une année ratée. Dans cet entretien, l'ex-ministre chargé des grandes réformes, Taoufik Rajhi, revient sur les freins qui étouffent l'élan de la reprise économique et nous livre ses perspectives pour l'année 2022.
Selon les estimations de diverses institutions internationales, la croissance pour l'année 2021 devrait s'établir aux alentours de 3,5%, un niveau estimé faible au moment où l'économie mondiale est en pleine phase de rebond. Pourquoi l'économie tunisienne n'a pas su profiter de la croissance mondiale, et en particulier celle de l'Europe?
Il faut tout d'abord attendre la publication des derniers chiffres et statistiques parce que je ne suis pas sûr que l'économie tunisienne atteindrait ce niveau de croissance. Je pense qu'en 2021, la croissance s'établirait à un niveau inférieur. Maintenant la question fondamentale c'est pourquoi la Tunisie a raté sa reprise économique au moment où les pays, voisins et européens, ont renoué avec la croissance ? Je pense qu'on a subi de plein fouet l'effet négatif de la crise sanitaire covid en 2020. Si on avait adopté les politiques appropriées, la reprise économique aurait pu avoir lieu. Et là on ne parle même pas de relance mais plutôt de reprise technique qui devrait avoir lieu en 2021.
On a raté cette occasion de renouer avec une croissance vigoureuse parce qu'on avait des problèmes de conception de politiques de reprise. Rappelons, à cet égard, que la majorité des mécanismes qui ont été décidés pour soutenir l'économie et en particulier les entreprises et le tissu industriel n'a pas été finalisée, et ce, à cause de la crise politique. Le fonds qui est censé financer les entreprises privées n'a pas correctement fonctionné. Il aurait dû démarrer au cours de l'été 2020 Il n' y avait pas, également, de politiques de relance appropriées, faute d'espace fiscal. Puis, il faudrait dire que depuis 2020 le pays est entré dans une crise à la fois politique et de gouvernance économique qui a empêché toute mise en place de politiques appropriées de reprise (je ne parle pas de relance). Cette situation est à l'origine de la baisse des investissements privés, étrangers et même publics. En examinant le budget, on trouve que le budget consacré à l'investissement public était la variable d'ajustement. Cette situation s'est soldée par la baisse des investissements privés et publics qui sont les principaux moteurs de croissance et, par conséquent, la reprise économique n'était pas au rendez-vous. Je pense que ce sont les éléments fondamentaux qui expliquent pourquoi la Tunisie a raté la reprise technique en 2021.
Comment s'est comporté le marché financier
en 2021?
Il faut dire que le marché financier en Tunisie est plus ou moins déconnecté de la réalité des fluctuations économiques, contrairement aux marchés internationaux où les marchés financiers sont des indicateurs clés et même avant-gardistes parfois, des perspectives économiques. Cela est dû à la composition du marché financier lui-même. Les entreprises cotées sont parfois des entreprises qui ne subissent pas les aléas des fluctuations économiques dans le pays et qui ne subissent pas parfois les conséquences des problèmes politiques ou de gouvernance. Ce sont, de ce fait, des entreprises qui ne reflètent pas correctement la réalité de l'économie tunisienne. C'est pour ça que le marché financier s'est comporté de manière stable en 2021 (si on se réfère à l'indice boursier) et même en 2020 lorsqu'on était en pleine crise et où on a réalisé une croissance négative. Il faut rappeler, quand même, que la capitalisation Boursière de la Tunisie est aux alentours de 10%. Un taux faible pour que la bourse elle-même reflète ce qui se passe dans l'économie nationale et en particulier dans la sphère productive.
L'impact de la crise covid-19 sur les entreprises persiste toujours. Est-ce qu'il y a une menace réelle quant à leur pérennité ?
Le risque le plus grand de la crise covid, c'est de générer un effet permanent. L'effet permanent passe par la destruction du capital. Et la destruction du capital signifie la fermeture et la faillite des entreprises. Pour pouvoir gérer la crise en 2020, tous les pays à travers le monde ont œuvré pour préserver les entreprises et se sont attelés sur la question de la survie des entreprises. C'est pour cela que j'ai parlé dès le début de politique de reprise et non pas de relance parce qu'il s'agit de deux mécanismes différents. Il fallait que ces entreprises continuent de fonctionner et disposer de la trésorerie nécessaire pour payer les salaires, les factures, les fournisseurs, etc.
Il fallait, en ce sens, adopter des mesures et des politiques pour atténuer l'impact social de la fermeture temporaire des entreprises et assurer leur pérennité. En Tunisie, ces politiques n'ont pas été menées à bien. Ce qui a conduit à un effet négatif et plus ou moins permanent, à savoir l'effet "destruction de capital". A en croire les chiffres égrenés qui concernent la fermeture de milliers, même de centaines de milliers d'entreprises, on comprend que la crise covid en Tunisie a engendré un effet permanent. Il ne s'agit pas d'un simple effet transitoire qui s'est annulé dans la plupart des pays, et plus particulièrement aux Etats-Unis, suite à la levée du confinement et la reprise des activités des entreprises. En Tunisie, à la levée du confinement, on s'est retrouvé devant un tissu productif profondément touché par la crise covid. C'est pour cette raison que nous avons raté la reprise en 2021 qui devrait être une année de reprise technique.
L'année 2021 a été également marquée par la hausse des prix des matières premières sur les marchés internationaux, et par l'emballement de l'inflation. Est-ce que cette tendance haussière va continuer en 2022?
En 2020, la crise covid a engendré un affaiblissement de tous les prix des matières premières y compris le pétrole, le gaz, le cuivre, le fer, etc. Cet affaiblissement était principalement dû au ralentissement de l'activité économique qui a causé la baisse de la demande mondiale de ces produits-là. La crise covid a, également, touché les chaînes d'approvisionnement internationales. Il est, de ce fait, tout à fait logique que les prix des matières premières aient baissé. Rappelons qu'en 2020, le WTI américain était même vendu à des prix négatifs. Actuellement, l'effet de la reprise est mécanique. C'est-à -dire qu'il y a un effet de demande qui est à la hausse. On avait, à partir de fin 2020, cette correction, en particulier au niveau du marché du pétrole. En somme, plus la reprise économique s'affermit, notamment, dans les pays développés, plus on va assister à une hausse des prix des matières premières, spécifiquement les produits énergétiques. C'est pour ça qu'on a vu le prix du baril de pétrole atteindre à un certain moment les 80 dollars. Tant qu'il y a une consolidation de la reprise économique au niveau mondial, les marchés des produits de matières premières et des produits énergétiques seront en hausse. Ils seront stabilisés à un niveau élevé, impactant, de facto, l'inflation en Tunisie. Il y a aussi la hausse du prix du fer qui a augmenté de plus de 70% sur les marchés internationaux. Il ne faut pas oublier qu'un produit comme le fer a un impact très important, sur le coût de la construction qui pèse lourd dans le budget des Tunisiens. On a, déjà, commencé à assister à un regain de l'inflation.
Le budget de 2022 prévoit un taux d'inflation de 7%. Aujourd'hui, cette tendance de stabilisation et de maîtrise de l'inflation qui s'est confirmée à partir de 2019, on est en train de la perdre par l'effet des marchés internationaux mais aussi par l'effet de dépréciation du change. Tant que nous n'avons pas conclu un accord avec le FMI pour pouvoir accéder au marché financier et tant que notre appareil exportateur n'a pas repris et que le tourisme est en berne, nous aurons un manque de devises. Lequel manque va engendrer un effet de change, qui avec l'augmentation des prix des matières premières va alimenter l'inflation.
Aussi, il ne faut pas oublier que nous sommes dans un contexte où on est en train de monétiser le déficit budgétaire. Faire marcher la planche à billet engendre une création importante de la masse monétaire. Donc si on prend en considération ces trois facteurs: une dépréciation du taux de change, un marché financier qui reprend à la hausse et un financement monétaire du déficit budgétaire, on a tous les ingrédients pour qu'il y ait une reprise de l'inflation en 2022. C'est ce qu'on voit, d'ailleurs, actuellement sur les prévisions de l'inflation en 2022 qui serait à peu près de 7%. Si ce n'est pas plus.
Quels sont les enjeux économiques
pour l'année 2022?
Les enjeux économiques pour l'année 2022 sont à peu près les mêmes enjeux de l'année 2021 et ceux d'avant. En Tunisie, on n'a pas pu établir un sentier de croissance à taux élevé qui dépasse les 4%. Le grand problème qu'on a actuellement en Tunisie, et qu'on n'a pas pu résoudre, c'est que nous avons un problème aigu de finances publiques. Nous avons des déficits importants qui sont dus à des éléments classiques structurels : la fonction publique, la compensation, les entreprises publiques et les caisses sociales.
Pour sauver les finances publiques, ces quatre éléments nécessitent des réformes de fond qu'on n'a pas pu mettre en œuvre. Pourquoi est-il important de réformer les finances publiques? C'est parce qu'on aura la possibilité de financer la croissance, réaliser de l'investissement public au lieu de la consommation publique, s'occuper des couches sociales les plus vulnérables et améliorer la qualité des services publics en termes de santé, éducation et transport. Il y a une crise de finances publiques qu'on peut résoudre si ces réformes sont mises en œuvre.
En même temps, on n'a pas une relance économique qui est basée sur l'investissement privé, notamment national et étranger. Cette situation trouve son origine dans l'absence de perspectives politiques claires. Il faut dire que l'investissement privé ou public nécessite un climat social et politique stable et une stabilité dans la vision pour le pays. Il ne faut pas oublier que jusqu'à maintenant on ne dispose pas de plan de développement. Le plan 2016-2020 s'est achevé. A ce jour, on ne sait rien sur le plan quinquennal 2021-2025 qui aurait été prêt en 2021. C'est-à-dire qu'on est en train d'être gouverné à vue, au jour le jour. Pas de perspectives, pas de programmes environnementaux, pas de programmes de grands investissements publics, etc.
Tant qu'on est dans cette situation, là où le pays est géré à vue, les perspectives seront négatives et la seule solution c'est de ramener la stabilité au pays et fixer la vision d'avenir pour amener tout le monde à œuvrer pour atteindre cette vision de la Tunisie. D'autres pays travaillent désormais sur leurs visions 2030 voire 2040. Au moins, nous devons élucider la vision pour la Tunisie à l'horizon 2030 et pour que tous les acteurs économiques, y compris les acteurs internationaux, puissent avoir confiance dans cette vision et pour qu'on puisse aller de l'avant et concrétiser cette vision.


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