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Mohsen Hassan, Ancien ministre du Commerce à La Presse: "Obtenir un financement auprès du FMI est très difficile dans les conditions actuelles"
Publié dans La Presse de Tunisie le 02 - 02 - 2022

"Si on n'arrive pas à conclure un accord avec le FMI au plus tard, avant la fin du premier semestre, on risque gros. Ce n'est pas un discours alarmiste mais c 'est un discours réaliste", constate l'ancien ministre du Commerce, Mohsen Hassan. Selon l'expert, il n'y a pas trente-six solutions. Les réformes structurelles élaborées dans le cadre d'un accord avec le FMI sont, pour le moment, le seul recours pour faire sortir le pays de la crise des finances publiques dans laquelle il est englué.
Tout récemment, une polémique, sur une éventuelle opération de planche à billet qui aurait eu lieu pour couvrir les salaires du mois de janvier, a éclaté. Est-ce qu'il y a eu une injection directe de liquidité, au cours du mois de janvier ?
Après la crise liée au coronavirus, les banques centrales à travers le monde, notamment la Banque Centrale Européenne, la Réserve Fédérale des Etats-Unis et même les banques centrales des pays arabes, tels le Maroc ou l'Egypte ont adopté des politiques monétaires expansionnistes. Et tout le monde a pratiquement fait tourner la planche à billet. En effet, les banques centrales ont créé de la monnaie afin de financer le fonctionnement de l'Etat. Elles ont décidé de faire tourner la planche à billet, c'est-à-dire émettre de la monnaie qui ne correspondra pas à une création de richesse. Cette création de monnaie a permis de financer la dette de l'Etat et d'assurer la relance économique dans certains pays. La Banque centrale tunisienne n'a pas adopté cette politique monétaire expansionniste jusqu'à la promulgation de la loi de Finances complémentaire 2020. En accord avec le gouvernement, la BCT, dont l'activité est gérée par la loi 2016 qui interdit le financement direct de l'Etat par la banque centrale et qui instaure son indépendance, a présenté alors, à l'ARP, dans le cadre de la loi de Finances complémentaire 2020, un article l'autorisant à financer directement le budget de l'Etat à hauteur de 2,8 milliards de dinars sur 5 ans sans intérêt.
Cette opération peut être interprétée comme une opération de planche à billet. Rappelez-vous que les experts et les spécialistes ont demandé à l'époque, à la BCT, d'intervenir et de modifier la réglementation et la loi 2016 pour permettre à la banque centrale de financer directement le budget de l'Etat pour appuyer la relance économique. Mais après décembre 2020, que s'est-il passé ? En effet, l'Etat a un programme d'endettement intérieur. En 2021, l'Etat a levé pratiquement 8 milliards de dinars, alors qu'en 2022 il compte lever 7,5 milliards de dinars sur le marché financier national d'endettement intérieur. Pour ce faire, il y a des mécanismes qui permettent à l'Etat de collecter ces fonds. L'Etat émet des Bons de Trésor à Court terme BTC sur 13 et 26 mois et des Bons de Trésor Assimilables BTA à moyen et long termes.
Ces obligations sont achetées par les institutions financières. Dans le cadre de son rôle classique, la BCT procède au rachat de ces Bons de trésor auprès du système bancaire. C'est une opération de refinancement. Cette technique est appelée Open Market. C'est une technique traditionnelle de refinancement des banques auprès de la BCT qui n'a rien à voir avec la planche à billet. Elle est utilisée par la BCT pour refinancer les banques qui investissent dans les Bons de Trésor émis par l'Etat.
Par ailleurs, la BCT a utilisé, deux ou trois fois, la deuxième technique de Swap de devises. En effet, à l'occasion du remboursement de deux crédits de 500 millions de dollars, qui a eu lieu aux mois d'août et de juillet 2021, la BCT a racheté l'équivalent de ce montant en devises auprès des banques tunisiennes et a prêté à l'Etat son équivalent en dinars pour trois semaines. C'est une opération de Swap en devises très technique et qui n'a rien à voir avec la planche à billet, non plus. D'autres techniques ont été également utilisées, telles que les crédits syndiqués en devises auprès du système bancaire. Depuis janvier 2021, à ce jour, l'intervention de la BCT se fait à l'aide de techniques très classiques qui rentrent dans le cadre de ses prérogatives, étant donné qu'elle est responsable d'assurer la liquidité au niveau du système bancaire et d'approvisionner le système bancaire par la liquidité indispensable au bon fonctionnement de l'économie tunisienne. Il est vrai que certaines opérations peuvent entraîner la création monétaire mais cela n'a aucun rapport avec la planche à billet comme cela était annoncé par certains analystes. Ces interventions massives de la BCT peuvent entraîner la création d'une nouvelle masse monétaire et peuvent engendrer des effets inflationnistes. A mon sens et d'après l'étude des documents qui sont publiés par la BCT, l'institut d'émission n'a fait tourner la planche à billet qu'à l'occasion de la loi de Finances complémentaire 2020. Le reste, ce ne sont que des interventions classiques et qui sont très bien connues au niveau de l'économie monétaire.
La conclusion d'un accord avec le FMI est l'une des hypothèses sur lesquelles s'appuie le budget de l'Etat pour l'exercice 2022. Selon vous, la Tunisie parviendra-t-elle à trouver un accord avec le FMI dans les prochains mois à venir?
Le budget de l'Etat pour l'exercice 2022 prévoit des besoins de financement qui s'élèvent à environ 19 milliards de dinars dont 12 milliards de dollars de dettes extérieures. Aujourd'hui, il faut reconnaître que la Tunisie ne pourra, en aucun cas, lever ce montant même partiellement ou sortir sur le marché financier international, demander des crédits auprès d'autres institutions internationales ou de pays amis, si on n'arrive pas à conclure un accord avec le FMI sur un plan de réformes. En ce qui concerne l'accord, il y a deux volets à prendre en considération, en l"occurrence technique et politique. S'agissant du premier volet, les différentes déclarations de responsables du FMI , notamment celles du représentant du FMI Jérôme Vacher, ou celles des experts de la BM laissent entendre que la Tunisie est appelée à présenter un programme de réformes structurelles profondes, adopté avec une approche participative. C'est-à-dire que l'Etat tunisien devrait négocier son programme de réformes avec les organisations nationales, notamment l'Ugtt, l'Utica, la Conect et l'Utap mais aussi avec la société civile et les partis politiques. Je pense qu'aujourd'hui, les conditions politiques ne sont pas réunies pour entamer ces négociations. L'approche participative exigée même, pour démarrer la première phase technique, n'est pas évidente. Le deuxième volet est politique c'est-à-dire qu'il concerne l'avis du conseil d'administration du FMI. Il faut rappeler, dans ce contexte, que les Etats-Unis, principal contributeur du FMI, détiennent 17% des quotes parts du fonds. Et donc l'avis du conseil d'administration du Fonds Monétaire international dépend de l'avis des Etats- Unis et des pays occidentaux qui exigent le retour rapide au fonctionnement des institutions de l'Etat.
Donc, je pense que l'accès au financement auprès du FMI est très difficile dans les conditions actuelles. J'appelle les autorités à être rationnelles, mettre l'économie au cœur de leurs priorités, éviter les dérapages et les risques financiers et à entamer rapidement deux phases nécessaires. La première consiste à constituer, immédiatement, des task-forces au niveau du premier ministère, composés d'experts économiques, universitaires, financiers, pour présenter un plan de réformes structurelles profondes avec une méthodologie claire et une étude d'impact sur les plans économique et social. Il faut identifier les réformes, avoir un planning, étudier les coûts, ..., et ce, avec des experts chevronnés. Ensuite, il faut entamer un débat national qui regroupe toutes les organisations nationales, la société civile, les partis politiques…. Aujourd'hui, il faut mettre l'économie et la finance en tête des priorités. La situation est tellement grave qu'on doit être rapide pour trouver cette cohésion nationale nécessaire, entamer des réformes et obtenir des financements nécessaires auprès du FMI, qui vont permettre d'accéder à d'autres sources parfois plus importantes que celles du FMI, notamment au niveau du marché financier international mais aussi au niveau des financements multilatéraux et bilatéraux.
Au cas où la Tunisie ne parvient pas à un accord avec le FMI, quels sont alors les scénarios possibles ?
Si on n'arrive pas à conclure un accord avec le FMI au plus tard, vers la fin du premier semestre, on risque gros au niveau des finances publiques. Ce n'est pas un discours alarmiste mais c'est un discours réaliste. En l'absence d'un accord avec le FMI, le déficit budgétaire pour l'année 2022 sera aux alentours de 15,5 milliards de dinars contre 10,4 milliards de dinars en 2021, soit 11,2% du PIB. Les besoins de financement seront de 28,2 milliards de dinars contre 21 milliards en 2021. C'est-à- dire que l'adoption d'un plan de réformes devrait réduire les besoins de financement à hauteur de 8,6 milliards de dinars. Il faut dire, que sans accord avec le FMI, les marges de manœuvre du gouvernement sont trop réduites. Pour arriver à honorer nos engagements et lever ces sommes colossales, la Tunisie peut, dans ce cas, recourir de nouveau au FMI mais cette fois-ci en utilisant les DTS. La Tunisie peut, également, solliciter l'appui de quelques pays amis qui "ne sont pas nombreux en ce moment". Je doute fort que même les pays du Golfe vont nous octroyer des financements si la situation politique ne s'améliore pas et si on ne parvient pas à un accord avec le FMI. Le seul recours pour l'Etat, est dans ce cas, l'endettement intérieur.
La loi de Finances 2022 prévoit près de 7,5 milliards de dinars d'emprunts intérieurs sachant que la profondeur du marché tunisien ne peut pas dépasser les 3,5 à 4 milliards de dinars. Donc si on n'arrive pas à conclure un accord avec le FMI, il y aura un recours massif au système financier national et aux banques nationales et peut-être une autre fois au financement direct par la BCT. On fera probablement tourner la planche à billet, mais les conséquences seront lourdes sur l'économie tunisienne avec une inflation galopante, qui serait à deux chiffres, avec un effet d'éviction exercé sur l'investissement privé et sur le financement des ménages. Les données à ce niveau sont, d'ores et déjà, alarmantes.
Le financement de l'Etat auprès du système financier tunisien a progressé ces dernières années de 17% annuellement alors que le financement de l'investissement privé a crû de 7% et celui des ménages de 7%. Le recours massif à l'endettement intérieur devient un vrai frein à la relance de l'investissement et à la reprise de la consommation et donc à la relance de la croissance. On peut également compter sur d'autres secteurs, qui peuvent générer des revenus pour l'Etat tels que la production du phosphate (dont le prix mondial ne cesse d'augmenter) et le pétrole (dont le prix mondial a atteint 90 dollars et pourra atteindre plus de 100 dollars d'ici à la fin de l'année).
L 'Etat pourrait, aussi, recourir aux coupes budgétaires, notamment sur les investissements publics. On optera peut-être pour les politiques d'austérité. Les politiques d'austérité ne vont pas nous permettre d'atteindre les objectifs fixés en termes de croissance ( prévue à 3%). Plus on opte pour l'austérité, moins on réalise de croissance. Donc si, d'un côté, on a un investissement privé et une consommation des ménages qui vont continuer à chuter et, de l'autre, il y a des coupes budgétaires, une baisse de l'investissement public et des transferts sociaux ...etc. On ne va pas, finalement, sortir de l'auberge. Encore une fois, on sera dans une crise économique qui perdure et qui risque d'engendrer une crise sociale profonde. Quel que soit le coût politique, il est impératif aujourd'hui de conclure un accord avec le FMI pour résoudre les problèmes de financement.
S'agissant des solutions structurelles, il est nécessaire de réduire le poids de la dette dont l'encours a atteint aujourd'hui à peu près 102 milliards de dinars (82% du PIB), dont 62 milliards de dettes extérieures. La dette par habitant s'élève à 3107 dollars contre 1694 dollars par habitant en 2010. Avec ces chiffres, on risque l'insoutenabilité de la dette. Pour réduire le poids de la dette on doit commencer par l'adoption de ces réformes, créer de la richesse en boostant l'investissement et l'exportation, encourager la consommation, mettre en œuvre les réformes budgétaires pour assainir les finances publiques, à travers notamment la restructuration des entreprises publiques, combattre le marché parallèle, réformer le système de compensation, etc. En outre, il est indispensable de penser à une réforme sérieuse de l'environnement des affaires, afin de créer la richesse et rétablir les équilibres macroéconomiques qui permettent de réduire ce recours massif à l'endettement.


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