Les troubles bipolaires relèvent des troubles de l'humeur. Cette pathologie psychiatrique chronique est maîtrisable grâce à une prise en charge tripartite. Leur vie est agencée par deux situations extrêmes, ce qui confère à leur personnalité un aspect insaisissable. Les personnes souffrant des troubles bipolaires passent, en permanence, d'une humeur joviale à une autre, maussade. Pour ces personnes, la stabilité psychologique s'avère être plus proche de la dépression que d'un équilibre serein. Vivant mal cet état changeant, voire paradoxal, certains malades préfèrent inhiber leur mal d'être et occulter cette oscillation incontrôlée entre deux antipodes psychologiques. En 2014, la France avait introduit la Journée des troubles bipolaires sur la liste des Journées mondiales. Elle avait choisi la date du 30 mars pour la célébrer annuellement, incitant ainsi la communauté internationale à faire de même et à briser le tabou sur une maladie chronique, pénible à vivre. La manie : une euphorie maladive Les troubles bipolaires, maladie appelée, également, psychose maniaco-dépressive est une maladie psychiatrique, générée souvent par la concomitance de trois facteurs propices : un terrain génétique favorable, une hypersensibilité et des chocs émotionnels dus à des événements extrêmes, comme une grande déception, un échec ou un deuil. Elle se traduit par un cycle de manies et d'hypomanies qui peut être ponctué aussi d'épisodes mixtes. «Les épisodes mixtes se caractérisent par deux émotions à cheval entre la manie et la dépression. Le malade semble à la fois triste- voire déprimé- et excité- ou maniaque», indique le Dr. Sofiène Zribi, psychiatre et psychothérapeute. La sphère infernale des troubles de l'humeur est marquée par un comportement excessif et des réactions impulsives intenses, ce qui génère une instabilité permanente de l'humeur. Les malades bipolaires éprouvent du mal, en effet, à tempérer leurs émotions et à s'auto-maîtriser. Durant les épisodes maniaques, ils se laissent entraîner, involontairement, dans une sorte d'euphorie excessive, décelable dans leur comportement, dans leur manière d'exprimer leurs avis et leurs idées. Débordant d'énergie au point d'être irrités, ils parlant haut et fort de leur vie, de leurs préoccupations et de leurs projets trop ambitieux au point de ne plus vouloir s'arrêter et laissent deviner une pathologie psychiatrique qui, aux yeux de leurs proches, semble énigmatique, voire insondable. Durant cet épisode maniaque qui peut dépasser une semaine, le malade se surestime. Doté d'une énergie débordante, il ambitionne de monter des projets et de réaliser des rêves souvent difficiles à atteindre. «Les personnes souffrant de troubles bipolaires sont souvent des personnes douées surtout dans le domaine artistique. Dans le milieu professionnel, ils sont capables d'exceller dans leur travail vu leur trop-plein d'idées et d'énergie. Les troubles de l'humeur sont, par définition, une condition psychologique explosive et ne sont pas pour autant handicapants», souligne le spécialiste. Il est toutefois à noter que l'épisode maniaque s'accompagne généralement d'autres troubles psychologiques, dont les troubles alimentaires, les troubles du sommeil, les comportements additifs. A défaut d'une prise en charge tripartite, cet état excessif risque de s'aggraver. En proie aux délires, aux hallucinations et même à la paranoïa, le malade nécessite, dans ce cas, d'être conduit à une unité psychiatrique. Une torpeur éphémère A l'épisode maniaque succède une phase d'hypomanie ou de dépression. Contrairement à la phase maniaque, la phase hypomaniaque ne dure que quatre jours en moyenne. Quatre jours de répit qui plonge le malade dans un état plutôt stable mais tout aussi contraignant : une baisse d'énergie subite, un ralentissement au niveau des activités, une diminution de l'intérêt est ressentie par le malade non pas comme une certaine stabilité bien méritée mais plutôt comme une torpeur dépressive qui ponctue le cycle de sa vie. Certes, cette maladie figure parmi les maladies psychiatriques chroniques. Elle est cependant maîtrisable grâce à une prise en charge tripartite. «La prise en charge des malades bipolaires comprend trois volets concomitants : le traitement médicamenteux, la psychothérapie et la prise en charge familiale voire sociale ; trois volets à mener de front pour une meilleure adaptation du malade à sa maladie», souligne le Dr. Zribi. S'agissant du traitement médicamenteux, il consiste en la prescription par le médecin spécialiste de médicaments à même d'atténuer les crises maniaques, dépressives ou mixtes et autres, préventifs, afin d'éviter la récurrence des épisodes bipolaires. Aussi, les régulateurs de l'humeur comme le sel du Lithium, permettent-ils d'équilibrer l'humeur, d'atténuer les crises et de prévenir les rechutes. Par ailleurs, d'autres médicaments indiqués généralement pour le traitement d'autres pathologies psychiatriques ont prouvé une certaine efficacité dans le traitement de bon nombre de malades bipolaires. «L'usage de certains antiépileptiques, comme la dépakine, le pégrétol ou encore le lamotrigine, de certains antipsychotiques atypiques, recommandé souvent pour les schizophrènes, et de certains anxiolytiques a prouvé son efficacité dans la prise en charge médicamenteuse de certains malades bipolaires. S'agissant des antidépresseurs, ils peuvent être prescris mais pas en première ligne», explique le psychiatre. Initiation à l'équilibre Parallèlement, une prise en charge psychothérapeutique tri-disciplinaire s'impose. Le malade doit, d'abord, prendre connaissance de sa maladie en reconnaissant son impulsivité excessive comme étant un tempérament sous-jacent à la maladie. La psychoéducation a pour finalité d'initier le malade à apprivoiser sa maladie, «en sachant remédier aux conséquences de son impulsivité et anticiper les signes avant-coureurs des épisodes de crise», indique le spécialiste. Et d'ajouter que, pour ce qui est de la prise en charge psychologique recommandée aux malades bipolaires, plusieurs techniques thérapeutiques sont possibles, dont la technique cognitivo-comportementale. «Cette dernière est sans doute la mieux indiquée pour les personnes souffrant de troubles bipolaires. Elle aide, en effet, le malade à mieux gérer son stress, son anxiété et à rester zen», renchérit le spécialiste. Le troisième volet de la prise en charge des malades bipolaires est à dominante familiale et sociale. Il faut dire que l'apport de la famille et de l'entourage scolaire ou professionnel est capital dans la garantie d'une prise en charge réussie. Les proches du malade bipolaire doivent être impliqués dans le protocole du traitement médicamenteux et psychologique. C'est à la famille de veiller à la prise régulière des médicaments, et c'est à elle de réduire le stress afin d'éviter les rechutes. Le spécialiste appelle à la lutte contre la stigmatisation des personnes bipolaires aussi bien en milieu familial que professionnel.