Tout en continuant à nier l'existence d'une crise résultant de la faiblesse des stocks stratégiques des produits de base ou encore celle liée à l'impact des finances publiques sur la sécurisation des importations alimentaires et énergétiques, les autorités ne peuvent plus cacher une réalité amère et à laquelle elles sont toujours incapables de faire face: l'implication des spéculateurs et de certains commerçants dans la pénurie des produits de base sur le marché. Il n'est plus difficile aujourd'hui de conclure que les réseaux de distribution alimentaire, les cartels de la spéculation, ou tout bonnement ceux qu'on a désormais pris l'habitude de surnommer les maîtres du marché, exercent leur contrôle sur les différents circuits et n'hésitent pas à emprunter tous les chemins pour arriver à leurs fins. Ils sont même accusés de manipuler les moyens de subsistance des Tunisiens qui n'arrivent pas à se libérer de l'emprise de ces affameurs de la population. Des Tunisiens qui voient leur pouvoir d'achat se détériorer d'un jour à l'autre et qui n'ont plus la force pour résister à une inflation, aggravée par la guerre en Ukraine et ses répercussions sur l'approvisionnement mondial en produits de base, devenus, du reste, peu accessibles aux classes faibles et moyennes. Avec une avidité insatiable et à la recherche exacerbée de profits, ceux qui tirent les ficelles des réseaux de distribution continuent sans relâche et sans scrupule à avoir la mainmise sur tout le circuit. Outre l'incapacité de briser le cycle douloureux de la manipulation, l'absence de politique gouvernementale pour soutenir la production et atteindre la sécurité alimentaire a compliqué davantage la situation. L'indétermination manifestée à propos de ce sujet, outre les lourdeurs administratives, renvoit un peu trop à l'adage « Soigner le mal par le mal ». Beaucoup de choses ont été dites sur les éventuelles réformes, mais peu a été fait. C'est un peu comme si ceux qui traitent ce dossier n'avaient pas de pouvoir décisionnel. Le Tunisien peut-il espérer un jour échapper à une emprise aussi étouffante ? Tant qu'on ne parvient pas à démasquer les parties qui se cachent derrière les spéculateurs et qui leur permettent de continuer à agir en toute impunité, la pénurie des produits de base et la flambée des prix auront de beaux jours devant elles. Les circuits de distribution et la prolifération des spéculateurs résument bien les dérives et les dépassements de ceux qui ont fait le malheur des Tunisiens tout le long de la décennie noire. Et ils n'ont point l'intention de s'arrêter là.