Le pays peut-il supporter aujourd'hui le luxe des déchirements et violences générés par le foot? On n'en sort plus. La compétition propose une atmosphère de plus en plus tendue comme s'il était du devoir de chacun de l'emporter coûte que coûte, toute défaite ressemblant à un sacrilège ou à une capitulation. Premier accusé : l'arbitrage, fortement fragilisé et totalement dépassé par l'aveugle et intolérante course effrénée aux trois points. Cette transe collective est montée d'un cran, mercredi dernier, à l'occasion de la mise à jour de la 22e journée : Stade Gabésien-Club Africain, match arrêté à deux reprises pour jet de projectiles (pierres, bouteilles, sièges des tribunes). Plus grave : les installations de la télévision nationale ont été prises pour cible par une frange de supporters, causant l'interruption de la retransmission en direct des dix dernières minutes. Dans leurs foyers, les sportifs les plus «accros» furent gratifiés vers la fin de la retransmission d'un franc bras d'honneur gracieusement offert par un généreux supporter à l'adresse des téléspectateurs en Tunisie et à l'étranger, puisque l'on peut recevoir la chaîne satellitaire hors de nos frontières. Les droits TV menacés Un nouveau chantier est ouvert : les télévisions assurant la retransmission des rencontres de L1 (Al Watania 1 et 2, et Attassia) sont en droit de réclamer une sérieuse prise en charge de la protection de leurs installations dans les enceintes sportives. La télé nationale a invité qui de droit à une telle prise en charge. Le communiqué publié après les incidents de Gabès ressemble à une mise en garde. Un arrêt des retransmissions entraîne naturellement une rupture de contrat, ce qui occasionnerait un manque à gagner pour les clubs. En effet, les télés cesseraient du coup de s'acquitter des droits TV, les conditions minimales de retransmission (sécurité des techniciens et du matériel) n'étant plus garanties. Ce serait le coup de grâce pour des clubs financièrement au bord de l'asphyxie! Les instances ajoutent à la confusion dès qu'elles prennent des mesures qui, si elles ne prêtent pas à équivoque, n'en restent pas moins insuffisamment expliquées auprès de l'opinion publique. Il en est par exemple de la réduction de la sanction du milieu de l'EST, Ghaïlène Chaâlali, de six à un seul match pour un geste qui a heurté les gens, qui, dans leurs foyers, suivaient le derby. La commission d'appel encouragerait-elle par hasard un tel comportement ? Pourtant, s'il y a, aujourd'hui, réellement montée des périls, cela fait plusieurs mois que le premier responsable s'appelle arbitre assistant. La faiblesse de son rendement, les erreurs flagrantes d'appréciation, notamment sur le hors-jeu, appellent un sévère rappel à l'ordre, tellement ces bourdes ne peuvent pas être commises toujours de bonne foi. Ce corps atteint le seuil d'incompétence, il faut bien le reconnaître. Dans ce contexte aveuglement vicié par la «titrite» ou la recherche de la victoire à tout prix, il y a de plus en plus de voix qui s'élèvent pour inviter à une trêve des braves et à arrêter les dégâts. Une pause de réflexion ne serait-elle pas le meilleur moyen d'éviter qu'on en soit un jour à se poser des questions sur les raisons d'un désastre transformant le foot en boulet que traîne stoïquement un pays exsangue.