Le positionnement de la Tunisie par rapport à l'économie numérique est tributaire de l'existence d'une vision qui permette d'en faire un moyen de transformation socioéconomique Alors que le débat sur le modèle économique tunisien fait rage, des voix s'élèvent de plus en plus pour voir dans l'économie numérique une véritable alternative pour sortir de l'impasse actuelle. On parle de transition numérique comme d'une chance pour la Tunisie et le Maghreb. Un thème auquel l'Economiste Maghrébin a consacré son forum annuel, ce 29 avril 2016, avec une question centrale : comment se positionner dans la nouvelle économie? Un évènement qui a connu la présence de plusieurs politiciens, experts et professionnels du secteur numérique. Ce positionnement est tributaire de l'existence d'une vision pour le développement du numérique. Pour Kais Sellami, président de la Fédération des TIC, «cette vision n'existe pas. Nous avons perdu beaucoup de temps. Le numérique doit devenir un moyen de transformation socioéconomique. On doit se rattraper pour devenir un hub numérique. Il faut casser la baraque et réfléchir autrement et prendre des mesures exceptionnelles». Selon lui, ce changement peut se faire à trois niveaux : améliorer le process par une réforme législative; renforcer les budgets en déployant les moyens et en fournissant les encouragements et changer les méthodes de gouvernance en réduisant les lenteurs administratives. Difficultés Une réflexion que partage Noomen Fehri, ministre des Télécommunications et de l'Economie numérique. «Les lois qui gèrent l'administration ne permettent pas d'aller plus vite. Si tout va bien, nous comptons faire passer la loi de l'action numérique», affirme-t-il. Il ajoute qu'il y a des difficultés au niveau de la structure des PME et de l'injection des financements nécessaires. La question de la convertibilité du dinar est aussi fondamentale pour cette démarche, selon M. Fehri, indiquant que la Banque centrale de Tunisie est toujours réticente par rapport à cette question, argumentant que les fondamentaux de l'économie n'y sont pas adéquats. Pour sa part, Badreddine Ouali, président du groupe Vermeg, propose des mesures plus radicales. Il considère qu'il faudrait arrêter de tout légiférer afin de mieux gérer l'existant. Il s'agit aussi de supprimer le code des changes, qu'il qualifie de «moyenâgeux» et présentant «des anomalies lamentables». Il ajoute qu'il est aussi important de s'intéresser aux procédures actuelles en les améliorant et d'œuvrer pour la réduction du fossé numérique. Réforme D'un autre côté, Hatem Ben Salem, directeur général de l'Institut tunisien des études stratégiques, estime qu'il y a plusieurs axes pour mettre en place une nouvelle vision. Il s'agit de repenser l'Etat et ses institutions, réinvestir dans le développement économique, réformer le système éducatif, se mettre d'accord sur un contrat social et capitaliser dans la sympathie internationale pour améliorer le repositionnement de la Tunisie. Mais pour les gens de terrain comme Raouf Mhenni, directeur de Sopra Tunisie et président de Smart Tunisia, il faut essentiellement couper avec le protectionnisme et la réglementation caduque qui entravent le développement du numérique. «Actuellement, on exporte pour 1 milliard de dinars dans les technologies hors télécommunications. Ce montant peut se multiplier par quatre et par cinq à condition de bannir le protectionnisme et les complexités réglementaires». Il indique aussi qu'il y a un problème à trouver les compétences nécessaires et à orienter et encadrer les jeunes dans ce secteur.