«La donne est simple : la culture de la paresse empêche la construction de soi!» Le constat est sans appel même si quelques exceptions sont à signaler. Rares sont les autochtones qui ont réussi leur passage vers l'Europe. Même les plus grands de tous les temps n'ont quasiment jamais percé dans le vieux continent. Qu'il s'agisse de Noureddine Diwa (le petit Kopa), qui, au final, a végété dans un club de seconde zone, Limoges. Ou encore feu Mokhtar Ben Nacef à Nice, Témime à Marseille et Taoufik Belghith à Monaco. Le cheminement est le même. D'autres monstres sacrés n'ont même pas eu leur chance. Tahar Chaïbi, Hamamdi Agrebi, Attouga et Tarek Dhiab. Voilà l'une des plus belles brochettes de nos virtuoses quelque peu oubliée en dépit d'un talent incommensurable. Bien entendu, un passage vers la sphère footballistique européenne déteint forcément sur notre sélection. Par effet d'entraînement, il y a un nivellement par le haut. Or, à quoi assistons-nous depuis la nuit des temps jusqu'à nos jours, à l'exception de l'épopée 78 ? On dispose de joueurs corrects mais d'une équipe nationale qui ne ressemble à rien ! Pour analyser ce phénomène d'amont en aval, nous avons pris attache avec Abdelbasset Chebbi, agent agréé Fifa ou plutôt intermédiaire du football approuvé Fifa : «La réussite, en Europe principalement, dépend de plusieurs facteurs endogènes et exogènes. Il faut tout d'abord distinguer les joueurs nés dans l'Hexagone à titre d'exemple avec leurs alter-ego formés dans le même pays. Ceux dont le destin les a dirigés vers des clubs de premier rang, à l'instar de Hatem Trabelsi, ex-sociétaire de l'Ajax Amsterdam, disposent par la suite d'une meilleure visibilité à l'international. Le club batave étant une vitrine, le joueur est donc exposé aux sollicitations. A cet effet, un point important est à souligner : les clubs recrutent suie à une collecte d'informations et de statistiques sur un joueur. Son parcours, son vécu, sa courbe, le nombre de matchs disputés, etc. Force est de constater que quand on évolue déjà en Europe, cela devient plus faisable de passer d'un club à l'autre. Hatem Trabelsi a enchaîné du côté de Manchester City après l'Ajax. Aymen Abdennour, sur une courbe ascendante depuis ses premiers pas au Toulouse FC, a, par la suite, intégré Monaco, puis Valence. En ce moment même, et en dépit d'un retard à l'allumage en Liga, il est courtisé par de grands clubs européens. N'oublions pas son transfert record lors de son passage du Rocher vers l'Espagne. C'est un modèle de réussite et un exemple à suivre. Une bonne hygiène de vie, une faculté à s'adapter vite et bien, un mental d'acier (carapace), un encadrement pro du joueur depuis ses débuts, le joueur est au final jugé sur des bases scientifiques. Il n'y a pas de place au coup de cœur, aux sentiments et au copinage. Vous savez, je me rappelle du passage de «Jo» Jamel Limam au Standard de Liège, un club de premier rang européen en ces temps-là. En dépit d'un talent époustouflant pour le meilleur attaquant tunisien de la place en cette période précise, il a dû souffrir et cravacher dur pour se frayer un chemin. Autre donne primordiale, le niveau intellectuel. C'est important pour tisser des relations à l'intérieur de la bulle du club d'adoption. Affinités, formation et travail spécifique Vous savez, nous comptons 90 joueurs dans le monde dont 50 évoluent en Libye ! La langue, le voisinage, la proximité et les affinités culturelles et historiques sont pour beaucoup dans ces choix. Bien entendu, outre les stratégies et plans mis en places par la tutelle pour relever le niveau et booster notre football, la responsabilité des clubs dits formateurs est engagée. Elle est doublement engagée sur le plan technique (formation à la base) et intellectuel (préparer la reconversion). Outre certains usages, les clubs doivent marteler à leurs poulains que l'entraînement ne suffit pas. Il s'agit de trancher avec cette mentalité de paresseux pour des joueurs qui n'arrivent pas pour la plupart à assimiler et intégrer les bienfaits du travail spécifique après l'entraînement. En Tunisie, c'est quasi-inexistant. Pourquoi? Parce que même le niveau des encadreurs laisse à désirer. Il y a un nivellement par le bas à ce niveau et c'est regrettable. Si on pousse la comparaison par rapport aux Marocains et aux Algériens, on note que le fossé s'est un peu plus creusé. Cela déteint forcément sur la sélection. En Algérie et au Maroc, quand les Fennecs ou les Lions de l'Atlas jouent, le championnat ne s'arrête pas. Ça veut tout dire. Je noterais aussi qu'en Tunisie la rhétorique est fausse car on a tendance à mettre la charrue avant les bœufs. On place les meilleurs techniciens chez les aînés et on vilipende la formation. En Europe, les centres de formation sont parrainés par les grands clubs. Ce qui n'est pas le cas chez nous. Bref, nous sommes à la traîne à tous les étages. Maintenant, la concurrence est devenue rude. Les meilleurs produits qui s'exportent dans les meilleurs championnats du monde viennent d'Amérique Latine, d'Europe de l'Est, puis de l'Ouest, d'Afrique noire et enfin du Maghreb. Je vous cite un exemple de réussite actuelle pour un pays qui a intégré à la perfection tous les rouages du football moderne, ses composantes, ses leviers et ses différentes projections. Il s'agit du Cap-Vert qui nous dépasse de loin. Ses joueurs s'exportent mieux que les nôtres. En football, il ne faut pas aller plus vite que la musique mais tempérer, épouser l'air du temps, relativiser et surtout garder les pieds sur terre. A titre d'exemple, Issam Jomâa est passé de 15.000 euros à 100.000 euros mensuels au RC Lens. Ce cap fut atteint après cinq ans de labeur, de patience, de persévérance et de discipline. A contrario, un talent pur tel que Zouheir Dhaouadi, à l'inverse de son compatriote Saber Khelifa, n'a tenu que quelques mois à Evian. Cherchez l'erreur !