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L'exception poétique
TRIBUNE
Publié dans La Presse de Tunisie le 02 - 05 - 2016


Par Aymen Hacen
Pour sa cinquième session, le Festival Kalimat, qui se tient du 28 avril au 1er mai 2016, s'offre une figure de marque, le philosophe Michel Onfray. Certes, outre les rencontres et débats au programme, un hommage sera rendu à feu Mohamed Sghaier Ouled Ahmed, mais c'est l'essayiste à succès, le polémiste surmédiatisé et le fondateur de l'Université populaire qui drainera sûrement les foules. C'est, pour ainsi dire, coutumier de ce type de manifestations où souvent une figure écrase toutes les autres, illustrant ainsi l'expression proverbiale : c'est l'arbre qui cache la forêt.
Or, parmi les invités de cette nouvelle session du Festival Kalimat, il en est deux de marque que le public tunisien gagnera à connaître : la poétesse et traductrice iranienne Maryam Haidari et le grand poète syrien Nouri Al-Jarrah. À vrai dire, le public tunisien a déjà rencontré ces deux noms à l'occasion de l'organisation, début avril dernier, de la première session des Rencontres des étudiants poètes arabes, et que les deux invités se sont illustrés par leur modestie et leur générosité, puisqu'ils ont conjugué leurs voix à celles de poètes en herbe.
Maryam Haidari, née en 1984 dans la ville iranienne d'Al-Ahwaz, fait partie de cette nouvelle intelligentsia universaliste pour qui ni les frontières ni les limites n'existent. Poète et traductrice, elle écrit aussi bien en persan qu'en arabe et traduit de l'arabe vers le persan et vice-versa. Grande voyageuse, cinéphile, journaliste, Maryam Haidari est une voix qui fera sans doute parler d'elle dans les prochaines années, dans la mesure où elle est à l'image de sa silhouette, frêle mais solide, et de son accent arabe imprégné de musicalités levantines et persanes. Il est impossible de l'approcher, de lui adresser la parole, de l'écouter, en somme de la connaître sans songer au Divan oriental-occidental de Goethe, sa richesse, sa profondeur, l'acuité de son regard et le charme de son sourire étant eux-mêmes poésie. À ce titre, les grands aèdes que sont Djalâl ad-Dîn Rûmî et Hafez de Chiraz ont dans sa bouche une saveur inédite, puisqu'elle les dit, à Tunis, en arabe et en persan.
Nouri Al-Jarrah est, quant à lui, un poète mondialement reconnu et traduit dans plusieurs langues. Né en 1956 à Damas, il vit depuis une trentaine d'années à Londres où il exerce le journalisme littéraire, s'occupe du Centre arabe de littérature géographique et préside le Prix Ibn Battûta de littérature géographique. Globe-trotter, sa poésie est à l'image de la tragédie aujourd'hui vécue par son peuple, le peuple syrien, dont une partie est condamnée à l'exil et à une diaspora sans nom. Mais, c'est là que le bât blesse, Nouri Al-Jarrah prévoyait tout cela dès les années 70, lui qui a rejoint l'OLP de Yasser Arafat et le Front populaire de Georges Habache à Beyrouth, lui qui s'est battu aux côtés des Palestiniens durant l'invasion israélienne, lui qui a porté sur son dos les cadavres des femmes palestiniennes, des enfants et des vieillards palestiniens massacrés dans les camps de Sabra et Chatila en septembre 1982. Nouri Al-Jarrah est, pour ainsi dire, et sans exagération aucune, à lui seul une épopée, si bien que son opposition au régime de Bachar Al-Assad peut sembler des plus naturelles, puisqu'elle ouvre la troisième voie, celle qui refuse les dichotomies simplificatrices opposant le régime actuel au prétendu Etat islamique.
Ainsi, dans son dernier livre de poésie, Une barque pour Lesbos, qui est un long poème épique et polyphonique, où les Syriens sont les nouveaux Troyens, où la poétesse grecque Sapho prend dans ses bras, dans son giron, sur son île, Lesbos, d'où elle a été exilée en Sicile, les enfants syriens qu'elle fait siens :
« Quels sont tes invités portés par les vagues, vivants et assassinés
Et l'écume tend sa langue pendue léchant le cou de l'enfant en refluant sur un bleu silencieux.
Sappho, toi qui apprends la passion aux jeunes gens, voici les petits amoureux de Syrie venus silencieux à toi, légers, et leur beauté éclair occupant les fenêtres.
Prépare-leur le banquet
Et avoue-leur qu'il s'agit de leur dernier repas. »
Nous pouvons sans difficulté reconnaître la figure de l'enfant Aylan Kurdi, retrouvé noyé le 2 septembre 2015, et nous pouvons aux côtés du poète pousser un grand cri de détresse, non par désespoir, mais par révolte, car le combat pour la vie et la liberté continue. Cet idéal de rêve, de beauté et de révolution, Nouri Al-Jarrah le porte au quotidien à travers ses travaux de poète et d'éditorialiste. Dans le mensuel qu'il dirige à Londres, Al-Jadeed, ou dans les somptueuses pages de Damascus, où proses et poésies, traductions et réflexions, se donnent la main pour tracer une voie possible à la révolution syrienne et au peuple syrien qui souffre, Nouri Al-Jarrah, comme ici, à la fin d'«Une barque pour Lesbos», dit aux siens, par ses mots gravés sur une « Tablette grecque » de fortune : « Syriens mortels, Syriens qui frémissez sur les côtes, Syriens errants partout sur terre, ne vous remplissez pas les poches de terre morte, abandonnez cette terre et ne mourez pas. Mourez dans la métaphore, ne mourez pas dans la réalité. Laissez la langue vous enterrer dans ses épithètes, et ne mourez pas pour être mis en terre. La terre n'a de mémoire que le silence. Naviguez partout et gagnez le tumulte de vos âmes. Et derrière la tempête et les dégâts, levez-vous dans toutes les langues, dans tous les livres, dans toutes les causes et l'imagination, agitez-vous dans chaque terre, levez-vous comme l'éclair dans les arbres. »
Nous ne pouvons sortir indemnes d'une telle lecture. Nos repères changent, les limites et les frontières se déplacent. C'est l'exception poétique, a-t-on appris avec des poètes comme Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud, Moufdi Zakaria, Pablo Neruda, Nazim Hikmet, Mahmoud Darwich, Mohamed Sghaier Ouled Ahmed, qui redéfinit la politique ou mieux, le politique. Maryam Haidari et Nouri Al-Jarrah, la chiite arabe d'al-Ahwaz iranien et le sunnite damascène, sont, faut-il le préciser, de très grands amis, l'une traduisant l'autre, l'autre publiant et soutenant l'une. Les cartes, les vraies, n'ont pas de dessous. Seule l'Humanité a un sens ou devrait en avoir un quand la vie a nom mort, l'amour haine et la poésie cris, sifflements de balles et bombardements. Mais la poésie, la vraie, comme ici, nous apprend à nous interroger sur nous-mêmes et à nous demander toutes et tous : « Qui suis-je ? »
« Voix
Sur la place des Omeyyades je me tiens,
Je me flagelle moi-même avec les chaînes,
Je flagelle et flagelle et flagelle jusqu'à ce qu'il n'y ait plus sur mon corps un endroit où une blessure ne crie pas : ô Hussein...
Et avec l'épée Zulfikar
Je me saigne le crâne.
Qui suis-je ? »
L'humain et l'humanité doivent prévaloir. Nous sommes humains et c'est l'exception poétique qui nous l'apprend.


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