Un nouveau degré de tension a été atteint par les belligérants. La rupture est-elle définitivement consommée ? Enivrée par le franc soutien que lui a apporté la Fédération internationale de football (Fifa), l'instance faîtière du foot national pousse le triomphe un peu trop loin, au point de faire dire dernièrement au ministre de la Jeunesse et des Sports, Maher Ben Dhia, que «la FTF a franchi toutes les lignes rouges». En effet, le bureau de Wadii Al Jary donne l'impression, à l'instar de Lucky Luke, de tirer plus vite que son ombre. Il ne ménage plus personne, ne s'embarrassant guère de sauver les apparences. Le dernier communiqué publié la semaine dernière ressemble, aux yeux des observateurs, à une déclaration de guerre tellement il sent la provocation. Pêle-mêle, l'instance fédérale y épingle la révision des statuts du sport dans le pays qui réserveraient toujours la portion congrue à la «fédé», et en même temps ce qu'elle appelle une «infiltration» du ministère par un fort lobby appartenant au Comité national olympique tunisien (Cnot). De graves accusations sont d'ailleurs portées par la FTF sur fond d'odeur de scandale, ouvrant une ligne de front non seulement avec le Cnot (rien de neuf de ce côté-là), mais également avec le ministère de tutelle, ce qui est plus grave encore. Les nouveaux projets des statuts organisant les structures sportives qui firent le dernier week-end l'objet d'un débat à Monastir et qui doivent être adoptés par le conseil des ministres, puis par l'Assemblée des représentants du peuple ne plaisent pas à la FTF qui y trouve une iniquité, en ce sens où «les fédérations sont considérées un service public aux prérogatives limitées» à partir de deux réglementations distinctes appliquées au Comité national olympique tunisien, d'une part, et aux fédérations sportives, d'autre part. «Cela constitue un parti pris du ministre en faveur du Cnot, notamment de son président», estime la FTF, qui donne pour preuve les nominations au sein du ministère, favorables aux proches du président du Cnot. «A contrario, tous ceux qui ont un avis différent de celui de Mehrez Boussayène ont été évincés, ajoute la FTF. Il en est ainsi du remerciement de Sghaïer Zouita, chargé de la Direction générale du sport, et de la nomination de Boubaker Attia à la tête de cette même direction, lui qui a participé directement à la campagne de Boussayène aux élections présidentielles», relève la fédération. Laquelle pointe en même temps du doigt le recours à Souhayel Cheour en tant qu'inspecteur général au ministère pour mettre la pression sur les fédérations et leurs dirigeants qui ont un différend avec Boussayène. «Le même Cheour avait œuvré par le passé, avec Boubaker Attia, et en coordination avec le ministère et le président du Cnot, à publier le fameux communiqué visant à suspendre la tenue de l'assemblée générale élective de la FTF», ajoute la «fédé». L'organe fédéral dénonce «les prérogatives démesurées et excessives» que donne le nouveau projet de loi au ministre afin «d'intervenir dans la gestion des fédérations et de les soumettre à un contrôle qui risque de se révéler inéquitable». Un Cnot bis Bref, la FTF s'autoproclame, sans le dire, le farouche défenseur des intérêts de toutes les fédérations sportives, s'arroge le droit de parler en leur nom, et, ce faisant, de se transformer en «fédération des fédérations», soit en Cnot-bis. En doublant le comité national olympique, en dénonçant ce qu'elle aurait pu clairement nommer «les pions de Boussayène au ministère» et en épinglant une certaine collusion entre MJS et Cnot, ou un parti pris du premier en faveur du second, la fédération la plus puissante du pays n'a pas froid aux yeux, tirant à boulets rouges et avançant de graves accusations sur la nature des nominations au sein du ministère. En tout cas, face à cette nouvelle escalade, le ministre de tutelle Maher Ben Dhia rappelle que la Constitution l'autorise à veiller à ce que chaque fédération se soumette à la règle de la bonne gestion des deniers publics (avec ce que ce rappel sous-entend !). Et que «les relations avec la FTF sont gelées tant que celle-ci n'aurait pas présenté des excuses ou, du moins, précisé le sens de ses accusations. Le ministère s'est gardé d'intervenir dans le processus électoral de la «fédé» malgré les fortes pressions», rappelle-t-il. A présent, cet énième front uni ne va pas bien évidemment aider à prendre en charge les dossiers les plus urgents, dont celui de la prolifération et de la recrudescence de la violence dans les stades.