Alors que le festival de la Médina bat son plein avec ses spectacles à vocation mystique et ses variétés «tarabia», l'espace d'art Ben Abdallah, dirigé par l'homme de théâtre Noureddine Ouerghi, a opté pour une programmation purement théâtrale. Finalement, Ramadan n'est pas la chasse gardée du festival de la Médina, puisque le public du 4e art est manifestement nombreux. L'ambiance est conviviale et le jardin de l'espace d'art Ben Abdallah a ouvert ses portes pour un public qui prend le temps de siroter un café turc ou un thé à la menthe avant de rejoindre la salle de spectacle (climatisée, heureusement). Ce soir-là, c'était au tour de Salha Nasraoui de présenter son spectacle Hodna (trêve), un travail inédit que le public découvre pour la première fois (après la première, cependant, qui a été donnée au mois de mars à l'espace 4e Art). Salha Nasraoui, comédienne de talent — notons sa performance dans Junùn, de Fadhel Jaïbi, et dans Valises, de Jaâfar Guesmi entre autres — et issue de l'Institut d'art dramatique (ISAD), en est à sa première expérience sur le terrain de la mise en scène. Elle s'est fait épauler par son mentor et professeur Ridha Boukadida pour écrire et mettre en scène une histoire d'amour et de déchirure. Trêve est une histoire qui se déroule autour de trois personnages : le mari (Sadok Halwas), la femme (Nedra Toumi) et le beau-père (Ridha Boukadida). Les relations entre ce trio sont bien tendues, chacun mettant l'autre sous pression, crachant sa haine, se balançant des insultes... Chacun d'entre eux exige le meilleur de l'autre, et joue sur sa culpabilité. La femme, hôtesse de l'air, méprisant son faible mari, médecin de renommée. Le mari entièrement soumis à sa hystérique de femme est, par ailleurs, totalement écrasé par un père (militaire) qui exige de lui plus de caractère et de discipline. Quant à la femme, vivant mal ces rapports malsains entre père et fils, elle se dope aux cachetons et martyrise sa «douce moitié». Ce triangle laisse transparaître des rapports plus que tendus, conflictuels, où les insultes sont la règle. Les dialogues sont d'une telle violence qu'ils versent directement dans l'autodestruction. Trêve nous interpelle à plus d'un niveau : d'abord celui de la performance des comédiens, surtout Nedra Toumi qui, même dans ses moments de délire et ses crises d'hystérie, reste crédible, et Sadok Halwas, vraiment touchant dans son rôle d'amoureux transi, maltraité par sa femme. La construction dramatique de la pièce rend compte d'une évolution en boucle. Elle est construite en trois actes qui se terminent, chacun, avec l'annonce de la mort d'un des personnages. Envie de meurtre ou suicide, c'est le sentiment qui est au centre de la pièce : chacun rêve de la mort de l'autre au point que cela devient sa seule raison de vivre, l'essence même de sa vie. Trêve est un travail rigoureux, qui peut séduire aussi bien un public intellectuel qu'un public large. On lui souhaite une meilleure distribution à la rentrée prochaine. Un travail qui mériterait d'être vu.