L'article 120 du Code de protection de l'enfance interdit la publication des comptes rendus des plaidoiries et des décisions prononcées des différentes juridictions pour enfants, susceptibles de porter atteinte à la dignité et à l'honneur de l'enfant et de sa famille Le traitement médiatique des thèmes liés à l'enfance prend l'aspect d'une arme à double tranchant. Bien que la diffusion, par les médias, de l'information sur l'enfance soit plus que souhaitable, elle ne manque pas, à chaque fois, de faire offense à cette tranche d'âge vulnérable, laissant de côté —d'une manière préméditée ou par simple ignorance— les recommandations des Nations unies sur l'impératif de respecter et de protéger les articles de la Convention internationale des droits de l'enfant. Lors d'une conférence nationale, organisée récemment par l'Observatoire de l'information, de la formation, de la documentation et des études sur les droits de l'enfant, M. Hatem Kotrane, professeur à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis et vice-président du Comité des Nations unies des droits de l'enfant, a fait une lecture minutieuse sur les recommandations dudit comité quant au traitement médiatique des thèmes touchant à l'enfance, soulignant ainsi les responsabilités des acteurs médiatiques vis-à-vis de cette tranche sociale. Il appelle à l'établissement d'une approche holistique, fondée sur le respect, la protection et la promotion des droits de l'enfant. Bien que la Tunisie ait signé l'adoption de la Convention internationale des droits de l'enfant et ait établi le Code de protection de l'enfance, elle n'en demeure pas pour autant respectueuse des droits de l'enfant dans leur totalité. C'est le cas, entre autres, de la présence de l'enfant dans les médias ; une présence souvent exploitée comme étant l'une des sources du buzz par excellence. Certes, le traitement médiatique des thèmes et des problèmes relatifs à l'enfance manquait, sous l'ancien régime, sensiblement de documentation et de données scientifiques. Les problèmes qu'endure l'enfance tunisienne, dont la marginalisation, la non-prise au sérieux de l'enfance en danger —notamment les enfants de la rue, l'enfance abusée, l'enfance en conflit avec la loi— étaient considérés comme étant des thèmes tabous. La censure avait pour objectif d'éviter la mise à nu de l'impuissance de l'Etat, voire son laxisme quant à la résolution des problèmes relatifs à l'enfance, et donc à son incapacité à protéger l'enfance et à honorer ses engagements internationaux à cet effet. Le Comité, via ses Observations générales adressées à la Tunisie, n'a pas manqué, à chaque fois, de signaler ces lacunes et de rappeler la Tunisie —signataire de la Convention internationale des droits de l'enfant— à ses responsabilités. Le piège de la re-victimisation Après les événements du 14 janvier 2011, le paysage médiatique a été le premier à concrétiser le principe démocratique de la liberté d'expression ; une liberté inconditionnée, consommée sans modération et par conséquent enfreignant les lignes rouges, dont les droits de l'Homme et de l'enfant en particulier. Depuis, les thèmes liés à l'enfance en danger sont traités médiatiquement de manière à capter le public et non à aider l'enfance à retrouver justice. D'ailleurs, dans la presse écrite tout comme dans les programmes audiovisuels, les journalistes et les communicateurs n'hésitent plus à étaler les faits divers dont l'enfant est victime ou encore les cas d'enfants à besoins spécifiques, et à puiser ainsi d'un sensationnalisme déplacé, a-éthique, voire illégal. Et au lieu de servir l'intérêt de l'enfant, les médias tombent ainsi dans le piège de la re-victimisation de l'enfant et de la violation de ses droits à la dignité et à la confidentialité. Les limites à ne pas franchir Pourtant, le rôle des médias dans la garantie du respect, de la protection et de la promotion des droits de l'enfant est indéniable. Le Comité des Nations unies des droits de l'enfant le certifie. Véritables partenaires dans la préservation des droits de l'enfant, voire de leur promotion, les médias se trouvent bien placés pour informer le public sur ces droits, vulgariser l'information sur les textes juridiques aussi bien internationaux que nationaux concernant l'enfance et soutenir l'intérêt suprême de l'adulte de demain. Le Pr Kotrane cite plusieurs textes juridiques qui devraient être pris en considération par les journalistes et les communicateurs en vue de conformer leur travail aux principes des droits de l'enfant. Aussi, l'article 16 de la Convention est clair : «Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes». D'un autre côté, l'article 120 du Code de protection de l'enfance préserve le droit des enfants en situation de conflit avec la loi à la confidentialité. En effet, «il est interdit à quiconque de publier le compte rendu des plaidoiries et des décisions prononcées des différentes juridictions pour enfants prévues dans le présent Code et relatives à l'enfant, susceptibles de porter atteinte à l'honneur et à la dignité de l'enfant et de sa famille». Mieux encore : toute personne qui enfreint ce principe «est passible d'un emprisonnement de 16 jours à un an et d'une amende de cent dinars à mille dinars, ou à l'une des deux peines». Bien que la loi soit ferme, l'on continue à lire des articles et à suivre des programmes télévisés exhibant la vie privée des enfants harcelés, abusés, ayant commis des délits et autres, vivant dans la précarité, tirant ainsi profit de l'ignorance des parents quant aux répercussions psychologiques de telles pratiques sur l'enfant à court, moyen et long termes. Pour le Pr. Kotrane, la responsabilisation des médias dans le traitement des thèmes relatifs à l'enfance exige l'adoption d'une approche holistique, fondée sur le respect, la protection et la promotion des droits de l'enfant, une approche qui prime l'intérêt suprême de l'enfant plutôt que le buzz.