Par notre envoyée spéciale Souad Ben Slimane Comment expliquer toute cette levée de boucliers autour de la participation tunisienne en tant qu'hôte d'honneur de la manifestation littéraire la plus importante de Suisse qui a eu lieu du 27 avril au 1er mai 2016 ? La réponse à cette question est facile, cela tient en un mot : « la communication ». Celle-ci laisse à désirer. Car chacun a sa part de responsabilité dans toutes ces rumeurs qui circulent autour de l'organisation, de la délégation officielle et des participants. On ajoute, on augmente, on allonge, on intercale, on insère...bref, on renchérit. L'image du stand tunisien, vide, qui a tout déclenché, aurait pu être prise à 9h00 du matin, avant l'ouverture du salon. Et qui peut croire — ou a envie de croire — que le ministère de la Culture a profité de l'évènement pour offrir un voyage au pays du chocolat à 70 membres de ses employés ? Tout est bon pour faire le buzz, et les publications « émotionnelles » sur Facebook achèvent bien les chevaux. Cela ne veut pas dire que tout était dans le meilleur des mondes. Mais à quoi s'attend-on quand l'organisation d'un évènement aussi important se fait en deux mois seulement ? Que peut-on espérer d'un ministère qui souffre encore de l'instabilité et de la lourdeur administrative, du manque de continuité et de la centralisation de la décision ? Dans une réalité autre, « le dossier de Genève » aurait été traité au moins une année à l'avance. Un comité réunissant les différents secteurs aurait pris tout son temps pour réfléchir le contenu du programme, le choix des intervenants, et le décor du fameux stand tunisien hôte d'honneur. Tout cela en étroite collaboration avec d'autres institutions telles que le ministère du Tourisme. Improvisation et lacunes Des mécontents, il y en a toujours, mais il n'y en aurait pas autant. On ne se serait pas retrouvé avec un programme aussi chargé et des désistements, des interventions hors sujet, des têtes greffées qui portent des étiquettes, un atelier vide, la plupart du temps, un espace culinaire sans une once de dégustation, un espace colloque fermé... bref, un stand de 651 m2 tout blanc où il faut faire un effort pour voir ce qui s'y passe, sans oublier de lever la tête pour voir le drapeau et comprendre qu'il s'agit de la Tunisie, ce pays présenté par les organisateurs du Salon du livre et de la presse de Genève en tant qu'initiateur du « Printemps arabe ». Etant présents, sur place, nous avons tout de suite senti « l'improvisation ». Mais personne n'était capable de répondre à nos questions. Chacun faisait endosser la responsabilité à l'autre. Même les Suisses qui étaient censés communiquer autour de leur hôte ont leur part de responsabilité. Dans leur box de promotion, à l'entrée du salon, il n'y avait rien qui rappelait l'invité d'honneur, sauf le catalogue imprimé en Tunisie et distribué tardivement. Des lacunes, et des grosses, oui il y en avait. Mais les responsables du stand tunisien ont tout fait pour sauver la face. Certains participants entre intellectuels et artistes aussi, en plus de quelques membres de la communauté tunisienne à Genève. Ils ont quand même donné l'image d'une Tunisie plurielle, et de Tunisiens qui sont en train d'écrire l'histoire. Eux, au moins, ont compris la thématique choisie comme fil conducteur : « révélation de la révolution tunisienne ». Les Gueddes, Ben Dana, Gherairi, Larguech et quelques autres ont su répondre aux questions du public suisse et faire part de leurs rêves et inquiétudes, de leur malaise et de leur espoir quant au présent et à l'avenir du pays. Se réapproprier la constitution, en comprendre le sens, se ressourcer dans l'œuvre de Tahar Haddad, digérer la censure pour être en contact avec sa créativité, confirmer et affirmer cette liberté du ton dans le livre, l'art et la presse, voir où en est la révolution, se donner un contrat social pour mieux vivre en commun ...telles ont été, entre autres, les questions abordées par les intervenants experts dans leurs domaines et qui étaient dans le vif du sujet. Ces derniers n'étaient pas censés appartenir à tel ou tel parti politique. Car la rumeur qui courait déjà, au salon, parmi les Tunisiens vivant en Suisse, est que le ministère de la Culture avait exclu certaines tendances politiques. Il ne manquerait plus que ça : confondre événement culturel et sommet politique.