Pharmacienne, pionnière de l'industrie pharmaceutique en Tunisie, Zeïneb El Ghali Tlili a mis le cap sur la peinture, un rêve d'adolescence de cette sexagénaire boute-en-train et joviale. Pour sa première exposition personnelle (elle a toujours exposé en groupe), notre artiste a choisi de percer les secrets des alcoves des palais. Pour ce faire, Zeïneb El Ghali Tlili trempe son pinceau dans le figuratif, puisé dans l'orientalisme. Tant il est vrai que ce peintre est très attaché aux traditions et au vieux Tunis. Son pinceau scrute aussi les ruelles de l'Algérie ancienne. La vie princière s'est emparée de ses œuvres qui éclatent dans des couleurs vives et souvent chaudes. Ses tableaux reflètent une personnalité joviale, ainsi elle voit le beau, elle peint la lumière et l'ambiance festive qui régnait dans un temps révolu... une princesse rêveuse est allongée sur un beau canapé à même la peau d'un animal captée dans toute sa beauté... Elégance et charme des femmes d'antan s'offrent à travers un réalisme bien trempé dans une gestuelle précise et nette qui ne néglige aucun détail... Les yeux sont parlants, les corps s'expriment grâce à des danseuses parées de leurs plus beaux atours... Des scènes de femmes sont représentées tout en mouvance. Des femmes aux voiles somptueux... relevées par des bijoux traditionnels... la peinture sème joie et convivialité... On est emporté tantôt dans une ruelle parsemée de pavés, tantôt dans le brouhaha d'un marché... Sidi Bou Saïd, l'incontournable village, nous révèle l'un de ses plus beaux paysages... Au détour d'une ruelle, des escaliers, des fleurs aux couleurs chatoyantes sont exacerbées par une femme au sefsari qui marche d'un pas gracile. Le cheval est à l'honneur, «l'un des symboles de notre patrimoine arabo-musulman», nous dit l'artiste. Il est au galop et obéit à ses maîtres... Zoom sur les visages pérennisés, telle une photographie, à la base de son travail, on les entend presque chuchoter leurs secrets. Servants et princes obéissent à un figuratif minutieux. La gestuelle est alerte et trace de belles courbes dynamiques. A chaque coin de rue, on aperçoit un vieux mendiant, «c'est mon côté affectif, nous dit Zeïneb El Ghali Tlili, et elle continue: je leur donne une valeur»... Le cœur sur la main, notre artiste étale ses œuvres qu'elle a gardées jalousement pendant huit ans, au long de ces années elle a suivi des cours avec Tarek Fakhfakh. Pour notre peintre, l'essentiel est de projeter de la lumière, notre soleil aidant, ses peintures dégagent une luminosité imbibée de belles couleurs vives... On croise aussi des portraits comme Fatouma, une belle femme berbère très typée. Zeïneb El Ghali Tlili rend hommage aussi à la mère nourricière, elle peint une mère affectueuse qui couve son enfant. Elle peint l'amour d'une mère. L'orientalisme préconisé par l'artiste est un voyage à travers le temps. Une sorte de retour en arrière pour se noyer dans des traditions millénaires... Bijoux, habits, foulard soyeux mettent en valeur la sensualité de ces femmes pudiques qu'un air de musique, un petit orchestre ou l'eau d'une fontaine rendaient heureuses... Oui, il était une fois des Shérazades dont la beauté enivre. Il était une fois le cercle fermé composé de femmes qui s'échangent leurs secrets et racontent des histoires. A chaque tableau on découvre une nouvelle femme... il y a même une métisse aux traits fins, parée d'or, d'un réalisme subtil. Un tableau attire le regard. Il s'agit d'un vieil homme, «un sage»... le pinceau de notre artiste a capté tous les détails de ce visage, les moindres rides et ridules, il porte même un foulard, emblème de la Palestine. «Oui, nous dit l'artiste, je milite pour la cause palestinienne». De ce sage émane une lumière éclatante, son âme se lit sur son visage à travers ses yeux narrateurs d'une époque riche. Il est notre identité, notre aïeul. Puis Zeïneb El Ghali Tlili rend hommage au grand homme de théâtre, au grand acteur Ali Ben Ayed. La toile est si ressemblante qu'on croirait une photographie. La grâce s'est emparée du pinceau de l'artiste qui nous a fait voyager au souk d'El Halfaouine, sur le canapé d'une princesse à moitié endormie, sur le dos d'un cheval, à Bab Dzira ou à Dar Ben Abdallah. Un bond en arrière dans une identité arabe attachée aux traditions. Zeïneb El Ghali Tlili nous a même ouvert les portes des palais, qui cachent des espaces de toute beauté, le pinceau de l'artiste s'est noyé dans la noblesse pour nous raconter les histoires des Mille et Une Nuits.