Par M'hamed JAIBI L'idée d'une initiative parlementaire en faveur d'une loi qui ouvrirait la voie à l'égalité entre femme et homme en matière d'héritage est un projet qui entend répondre à la situation faite à la femme, en la matière, dans notre société. Et le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Khelil, de considérer, à ce sujet, bien qu'il craigne qu'un tel texte puisse «défavoriser» la gent masculine, que toute initiative est bonne à être proposée, et que cette question de l'héritage part «d'une bonne intention». Proposé par un député qui, dans le temps, sympathisait avec les islamistes, le projet a le mérite d'éviter les extrapolations religieuses, lesquelles sont, ici, vraiment inévitables. Mais le débat sur le sort réservé à nos filles en matière de succession mérite que l'on s'y attarde. En fait, dans la grande majorité de nos familles tunisiennes, les héritiers mâles s'arrangent pour minimiser la part revenant aux filles, et de nombreux parents, hommes et femmes, favorisent cette tendance injuste. Car la demi-portion suggérée par le Coran n'est en fait que très rarement respectée, et sert de prétexte pour grignoter un maximum aux héritières, leur laissant des miettes. Cette différence de traitement se retrouve dans les religions révélées. Ainsi en est-il chez les juifs, où les filles sont souvent totalement déshéritées, puisqu'elles ne peuvent hériter que s'il n'y a pas d'enfant mâle. Plus près de nous, des hommes d'affaires tunisiens célèbres ont presque tout légué sous forme de don à l'un des fils, souvent l'aîné, tout comme faisaient et font les monarques dans la plupart des pays (mais pas en Tunisie où les beys accédaient au trône selon d'autres mécanismes, mais que les hommes). Or le Coran interdit formellement de priver «un héritier de son héritage». S'agissant des juifs, les rabbins critiqués suggèrent que pour comprendre cette «expropriation» de la descendance femelle, il faut se remettre dans le contexte d'une société rurale patriarcale où l'essentiel de l'héritage consiste en des terrains agricoles à travailler durement, ce alors que la fille partait souvent vivre chez son mari. Maintenant, quel que soit le sort qui lui sera réservé, ce projet de loi souple proposé par le député Ben Gharbia aura le mérite de faire réfléchir les Tunisiens sans forcément se réfugier sous le parapluie du Livre Sacré. Le droit de nos filles à l'héritage n'est-il pas désormais un droit constitutionnel ?