A la découverte d'une plateforme dédiée aux chansons arabes oubliées des années 60, 70 et 80. Ceux qui avaient 20 ans dans les années 70 s'en souviennent sûrement. Le musicien Faouzi Chkili était à la tête du groupe «Dalton». Sadok Gharbi, le chanteur du groupe, a également fait partie des « Marhaba » et « Carthago ». A l'époque, son unique album solo « Souar » (images) ne s'est pas vendu et est mis aux oubliettes, comme beaucoup d'autres titres de la musique tunisienne des années 70 et 80, aux influences pop, folk et soul. Mais c'est sans compter sur le projet « Habibi funk », qui déterre depuis plus d'un an cette richesse de notre patrimoine afin de la remettre au goût du jour. Le DJ allemand Jannis Stürtz, cofondateur d'un label entre Berlin et Cologne, fait des va-et-vient entre son pays et le Maroc, l'Algérie, la Tunisie et l'Egypte à la recherche des trésors cachés de la musique orientale. Tout a commencé quand il a accompagné l'un des artistes de son label, le Ghanéen Blitz the Ambassador, au Maroc pour participer au festival Mawazine. «Je suis resté quelque temps dans le pays et je suis tombé sur un vieux disque du chanteur Fadoul que j'ai trouvé intéressant et riche en sonorités», nous explique-t-il. Jannis Stürtz a mis près de deux ans pour trouver la famille de l'artiste aujourd'hui décédé. Il a obtenu les droits de sa musique et réalise avec des mixes qu'il sort en disque ou met dans différentes plateformes sur Internet. «Cela vaut pour toutes les chansons que je revisite. Je m'assure d'obtenir l'accord de l'artiste ou de sa famille et on se partage les bénéfices», nous assure le DJ, qui vient de passer par la Tunisie le wee-kend dernier. Il y a rencontré Faouzi Chkili et Sadok Gharbi, qui ont été faciles à trouver car leurs contacts figuraient sur les anciens disques des Dalton. «Leur musique est très bien arrangée et enregistrée. Celle de Fadoul est très énergétique et d'une grande technicité», décrit Jannis Stürtz. C'est justement ce qui l'a intéressé dans cette musique particulière, orientale combinée à des rythmes occidentaux, qui révèle une autre facette de l'évolution du Maghreb et du monde arabe. Des voix qui résonnent de nouveau Jannis Stürtz n'en est pas à sa première visite en Tunisie. Et pour cause, son label a déjà collaboré avec neuf artistes femmes du monde arabe sur le projet « Sawtuha » (sa voix), un album sorti en 2014, où elles chantent leurs droits et dénoncent des fléaux sociaux comme la corruption. Des artistes tunisiennes comme Baadia Bouhrizi, Nawel Ben Kraiem et Medusa ont collaboré dans cet album aux côtés d'autres telles les Egyptiennes Maryam Salah et Yousra El Hawary, des Libyennes et une Syrienne. Une expérience qui a contribué à initier le DJ allemand à l'univers de la musique orientale aux influences électroniques et occidentales, de la nouvelle génération. Dans ses recherches de nouveaux sons à redécouvrir, le DJ allemand est toujours animé de la curiosité de savoir ce que les artistes sont devenus aujourd'hui. «Ils sont toujours agréablement surpris que quelqu'un s'intéresse à leurs anciens titres. Parfois, ils ne les ont plus écoutés depuis des années», nous raconte-t-il. Les mixes qu'il réalise nourrissent la plateforme du projet «Habibi funk», devenu un label dédié à la musique arabe fusion des années 60, 70 et 80, avec des diffusions sur Internet et des sorties d'albums. En ce moment, Jannis Stürtz travaille sur l'album de Sadok Gharbi, sur quelques titres de Fadoul, sur deux albums du compositeur de musiques de films algérien Ahmed Malek (Les vacances de l'inspecteur Tahar...) et sur le répertoire du groupe égyptien «Al masri». Tout un programme qui n'est pas près de s'arrêter, puisque notre DJ continue ses escapades entre les marchands de disques, de vinyles et de K7 là où il passe, et il est en train de remonter à la musique arabe des années 20, 30 et 40.