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La ligue des purificateurs contre les maraudeurs
Lutte anticorruption
Publié dans La Presse de Tunisie le 26 - 05 - 2016

Le Tribunal administratif, vrai grand rempart contre la corruption en Tunisie, grâce, notamment, à la souplesse qui le caractérise et qui consiste essentiellement dans l'interprétation de la requête et dans l'élargissement des délais. Paradoxalement, selon le président de l'Instance nationale de lutte contre la corruption, les conditions de travail sont lamentables au TA, dont le budget ne dépasse pas 150 mille dinars
L'Instance nationale de lutte contre la corruption, en partenariat avec l'Union des juges administratifs, a organisé, mardi, un séminaire scientifique sur « le rôle du juge administratif dans la lutte contre la corruption ». Au cours des deux séances de cette rencontre, principalement animée par l'ex-président du Tribunal administratif et ex-ministre de la Défense, Ghazi Jeribi, les conférenciers se sont attelés à éclaircir au public présent l'acception du terme corruption et à lui expliquer le pouvoir dont jouissent les juges administratifs et aussi les limites de leurs prérogatives en la matière.
Dans son discours inaugural, le président de l'Inlc, Chawki Tabib, a précisé que cette rencontre visait deux objectifs. L'un est cognitif, en raison du fait que le rôle historique joué par le Tribunal administratif dans la lutte contre la corruption, comme en témoignent les différents jugements qu'il a rendus et les différentes consultations administratives qu'il a prodiguées, avant et après la révolution, n'est malheureusement pas connu par le grand public.
Contrôle défaillant et impunité
L'autre objectif est, bien évidemment, pragmatique, étant donné que son instance a besoin d'établir des ponts avec les différentes instances du pouvoir judiciaire, que ce soit le TA, le Pôle judiciaire et financier, ou bien la justice judiciaire, ainsi qu'avec la société civile et les médias. A ce propos, il a révélé que, dans deux semaines, on annoncera l'organisation d'ateliers de formation en journalisme d'investigation par l'Inlc, en partenariat avec le Centre africain de perfectionnement des journalistes et communicateurs (Capjc), et avec l'appui du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Il a signalé, d'autre part, que, dans le cadre de la décentralisation de l'Instance, quatre bureaux régionaux seront installés dans le pays d'ici la fin de l'année 2016, en attendant qu'en 2017 chaque gouvernorat en ait le sien. Au terme de son discours, Chawki Tabib a déploré les conditions de travail lamentables dans le TA dont le budget ne dépasse pas les 150 mille dinars. Pour mieux illustrer cette situation déplorable, il a rappelé le vol de quatorze ordinateurs, appartenant à des juges, et contenant des données importantes, dont on n'a pris connaissance qu'après deux ou trois semaines, à cause de l'absence d'une caméra de surveillance dont le prix ne dépasse pas les deux à trois mille dinars !
Le premier président du TA, Abdessalem Mehdi Grissiâa, qui lui succéda à la tribune, commença par souligner le paradoxe issu de l'accroissement de la corruption en période révolutionnaire. Il expliqua cette anomalie, essentiellement, par l'absence d'un contrôle efficace et l'impunité. Avant de céder la place au président de l'Union des juges administratifs, Ezzeddine Hemdane, il rappela la convention des Nations unies, relative à la lutte contre la corruption, et où il est stipulé que chaque Etat est tenu de prendre les mesures nécessaires pour prévenir et réprimer ce fléau. Pour apporter plus de précision quant à la définition de la corruption, il cita les dispositions de l'article 2 du décret-loi cadre n° 2011-120 du 14 novembre 2011, relatif à la lutte contre la corruption, selon lesquelles la corruption est « l'abus de pouvoir, de l'autorité ou de fonction en vue d'obtenir un avantage personnel. (Elle) englobe particulièrement les infractions de corruption dans toutes ses formes dans les secteurs public et privé, le détournement de fonds publics ou leur mauvaise gestion ou leur gaspillage, abus de l'autorité, enrichissement illicite, abus de confiance, dilapidation des fonds des personnes morales et blanchiment d'argent ». Le juge a noté que la corruption est en train de prendre des proportions gigantesques qui dépassent, largement, les frontières nationales, d'où la nécessité d'une coopération internationale pour conjuguer les efforts contre cette hydre aux tentacules multiples. Pour pouvoir faire face à cette corruption galopante en Tunisie, il estime qu'il est important de développer une culture sociale qui soit susceptible de sensibiliser le citoyen à la chose publique et qui l'implique dans sa gestion, ce qui nous permettrait d'avoir des annonceurs d'alertes. Enfin, le président de l'UJA souligna l'ampleur de la corruption en matière fiscale et ses retombées néfastes sur l'économie nationale, tout en précisant que la corruption, qui gangrène le pays, n'est pas seulement individuelle mais aussi étatique.
Faire prévaloir la jurisprudence
Le juge Abderrazak Zammouri s'est référé, quant à lui, à la jurisprudence du TA pour justifier le rôle protecteur du juge administratif vis-à-vis des deniers publics, ce qui s'inscrit dans l'esprit de l'article 10 de la Constitution. Pour persuader l'assistance du bien-fondé de sa thèse, il a cité, entre autres, l'arrêt du 10 mars 2011 relatif à la suspension des salaires et émoluments des représentants de la chambre des députés et des conseillers, ainsi que celui du 21 juillet 2012, se rapportant à la suspension des indemnités versées aux députés, suite à une plainte déposée par l'universitaire Néji Baccouche. Il a, en outre, insisté sur le rôle du TA dans la préservation des fonds publics dans le cadre de la fonction administrative, notamment, dans le limogeage abusif ou le refus par l'administration de permettre à un fonctionnaire, légalement, nommé d'entrer en fonction, ce qui occasionne des pertes énormes à l'Etat, étant donné qu'il se trouve contraint de verser des indemnités pour un travail non accompli. Dans le même ordre d'idée, son collègue, Houssem Eddine Triki, fait savoir que selon un sondage auprès d'un groupe de jeunes, la corruption dans le recrutement au sein de la fonction publique est perçue à hauteur de 80% des sondés. Ces graves dépassements sont dus au manque de transparence, à la mauvaise appréciation, au népotisme, etc. Concernant les fautes disciplinaires, il fit remarquer que les poursuites au sein de l'administration sont indépendantes des poursuites pénales. Et au cas où il constate un abus de pouvoir ou une irrégularité, le juge administratif peut prononcer une déclaration d'inexistence, comme dans le cas de la mise en disponibilité dont abusaient les rcdistes, par exemple. Toutefois, ces moyens dont il dispose se trouvent limités légalement, vu qu'il ne jouit pas d'un pouvoir d'autosaisine lui permettant d'engager l'action publique, et aussi au niveau pratique, à cause de l'inapplication des jugements qu'il rend, ce qui porte atteinte à la justice et au prestige de l'Etat. Le refus de la part de la Fédération tunisienne de football de se plier à la décision émanant du TA, et qui, en sus, a tenu son assemblée générale sous la protection des forces de l'ordre, en est la parfaite illustration. Ce qui veut dire que le pouvoir exécutif, qui est censé veiller à l'application de la loi, participe à sa violation.
Le juge administratif, Slim Medini, de son côté, a évoqué la question de détournement de pouvoir pour des raisons politiques ou personnelles, tout en soulignant la difficulté de prouver ce grave forfait à cause de son caractère subjectif. Ces raisons sont soit politiques, sanctionnant des fonctionnaires pour leurs idées politiques, ou bien pour leurs activités syndicales, à l'instar de l'agent de l'ordre, Issam Dardouri, soit strictement personnelles. Il mit l'accent, par ailleurs, sur la nécessité d'assurer une protection sans failles aux donneurs d'alertes, tout en se demandant si le TA n'en est pas un. Le juge, Chouikha Bouskaya, prit, ensuite, la parole pour parler des fondements constitutionnels et légitimes de la fonction consultative du TA qui lui permet d'assumer un rôle préventif contre les dépassements de tous genres. L'une des décisions majeures prises dans ce sens par celui-ci est l'annulation, en 2013, des Fonds de Zakat, jugés contraires à la loi des finances, et ce en vue de protéger les ressources de l'Etat, selon le juge. Son collègue Mohamed Ayadi mit l'accent sur l'effectivité du droit fiscal. En ce sens qu'un vice de forme ne doit pas constituer d'entrave pour le juge administratif et lui interdire d'intervenir pour protéger les deniers publics, à moins qu'il ne soit grave. Ainsi, par exemple, la taxation d'office ne peut pas empêcher le juge administratif d'intervenir, par voie de cassation, dans le contentieux.
Corruption politique au nom de l'ordre public
Enfin, le juge Ahmed Soueb clôtura les débats par le rappel de l'affaire Baghdadi Mahmoudi qu'il qualifia de corruption politique. Il affirma, ensuite, que le TA n'était pas consulté avant sa livraison par le gouvernement de l'époque, contrairement aux allégations de son chef, Hamadi Jebali. Concernant le financement des partis, Soueb regrette le manque de rigueur de la part des juges financiers, en dépit des nombreux mécanismes de contrôle octroyés par l'article 27 du décret-loi du 24 septembre 2011 les régissant, tels que l'information du chef du gouvernement, la publication dans les journaux, le dépôt des comptabilités annuelles auprès de la Cour des comptes. D'après lui, ces derniers devraient dénoncer, chaque année, ceux qui n'ont pas respecté ces prescriptions légales ou, du moins, publié la conformité de chacun d'eux à celles-ci, d'autant plus que l'argent politique sale coule à flots dans les caisses des partis. Pire encore, toujours d'après Ahmed Soueb, le même article 27 prévoit la création d'une commission, constituée du premier président du TA et de deux membres, à savoir le président des experts-comptables et le premier président de la cour d'appel de Tunis, et qui reçoit, obligatoirement, les comptes annuels des partis qu'elle approuve ou rejette. Et en cas de refus d'exécuter la décision de la commission par ces derniers, le Premier ministère est tenu de sommer le parti en question pour l'astreindre à régulariser sa situation, faute de quoi il peut demander sa dissolution devant le juge judiciaire. Mais jusqu'à maintenant, cette commission ne s'est pas réunie, car tout simplement elle n'est pas encore constituée. Il souligna, d'autre part, que l'une des causes principales de la corruption sévissant dans le pays réside dans la complexification et l'illégalité même de certaines procédures administratives en matière d'urbanisme, comme on peut le constater dans l'obtention du permis de construire, et qui sont à l'origine de l'extension de l'urbanisation et la construction anarchique qui sont provoquées, bien évidemment, par les exigences inaccessibles imposées par cette bureaucratie, aux citoyens qui se trouvent, ainsi, contraints à recourir à des moyens illicites. D'où la prolifération de la corruption. L'exemple type qu'il avance, à ce propos, est celui de la Cité Ettadhamen et de Douar Hicher. Dans le chapitre des confiscations illégales, il cita l'exemple du promoteur Bouzguenda qui était lynché politiquement, puisqu'on a changé la vocation de son bien immeuble, sis à Hammamet, en le classant site archéologique, avant de le céder à un homme d'affaires proche du pouvoir. Pour ce qui est de la mise en disponibilité, où s'affichent les grandes prouesses du TA, celui-ci a rendu le premier jugement en la matière, au début des années 90, sans que l'affaire ne soit soulevée ni par le citoyen, ni par l'administration, en s'appuyant sur le fait qu'une pareille situation concerne l'ordre public, qui est un mécanisme inventé par le juge administratif, en vue d'élargir le contrôle du pouvoir exécutif. Sur cette base, le TA a prononcé une déclaration d'inexistence, pour l'inconstitutionnalité de cette mesure, l'empiètement de ce dernier sur les prérogatives du Parlement, l'atteinte au principe d'impartialité entre le parti politique et le service public et le financement illégal des partis. Le juge administratif nota que si le TA constitue le vrai grand rempart contre la corruption en Tunisie, c'est grâce, notamment, à la souplesse qui le caractérise et qui consiste dans l'interprétation de la requête, la qualité et l'intérêt pour agir ainsi que dans l'élargissement des délais. D'ailleurs, sans cette souplesse, Néji Baccouche n'aurait pas pu saisir la justice. Il conclut qu'il est impératif que l'extension de la compétence du TA s'étende aux décrets-lois, tant qu'ils ne sont pas devenus des lois, pour éviter le vide juridique et préserver l'Etat de droit.


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