La phrase répétée à souhait aux journalistes venus en grand nombre : garantir le respect pointilleux des dispositions statutaires et réglementaires internes du mouvement. En vue d'un objectif ultime, élire de nouvelles structures et faire adopter les nouveaux statuts par la voie démocratique et transparente, et donc opposable à tous. Le 10e Congrès du parti Ennahdha baisse le rideau. C'est hier dans un hôtel de la capitale et en présence du président du Congrès et secrétaire général du mouvement, Ali Laârayedh, que s'est tenue la conférence de presse annonçant la clôture de l'événement organisé à la station balnéaire de Hammamet, du vendredi 20 mai jusqu'à l'aube du lundi 23 du même mois. Au regard de la planification des assises, leur organisation et tenue, le congrès est un succès sans précédent. 1.200 congressistes, plus de 200 invités étrangers, une couverture médiatique nationale non-stop, des retombées très positives dans la presse internationale, et une cérémonie d'ouverture grandiose que le président de la République a honorée de sa présence. Le mouvement de Rached Ghannouchi a voulu marquer le coup. C'est fait. Malgré les dissensions couvant dans les coulisses dont les échos ont fuité davantage sur les réseaux sociaux, malgré le rejet probable d'une partie de l'élite et de la base de la nouvelle ligne stipulant la séparation du religieux du politique, confirmée par le congrès, il n'y pas eu de contestations majeures susceptibles de mettre en péril la crédibilité de cette réunion solennelle ni de nuire à la réputation d'Ennahdha, désormais désigné par parti démocratique et civil à référent islamique. Des instances opposables à tous Une réussite qui trouve son origine dans la préparation technique et thématique minutieuse où aucun détail n'est laissé au hasard. Succès qui s'explique également par l'instauration d'une tradition patiente et didactique de débat avec les militants pour ramener les plus récalcitrants vers les nouvelles thèses. Ainsi avant de réunir ce congrès national, 279 locaux ont été organisés, 24 régionaux et 4 congrès sectoriels. Une armada d'experts juridiques ont accompagné les équipes organisatrices depuis le début. La phrase répétée à souhait aux journalistes venus en grand nombre : garantir le respect pointilleux des dispositions statutaires et réglementaires internes du mouvement. En vue d'un objectif ultime, élire de nouvelles structures et faire adopter les nouveaux statuts par la voie démocratique et transparente, et donc opposable à tous. Des 16 membres composant le bureau du congrès, certains sont présents à la tribune, telle la députée Mehrezia Laâbidi, présidente de la commission de surveillance des opérations électorales et des votes par procuration. Les chefs des commissions de l'organisation matérielle ou celle chargée du contenu thématique ont également donné de brefs aperçus sur le mode de fonctionnement de leurs structures et un premier bilan globalement positif, soulignent-ils. Nous avons travaillé des années durant pour la réussite de cet événement important pour notre mouvement, également de portée nationale», revendique Ali Laârayedh dans son allocution introductive. Il a pris soin de féliciter les membres de son bureau et les équipes concernées. Le secrétaire général, bon prince, a également félicité le président du mouvement, l'indéboulonnable Rached Ghannouchi, réélu à 800 voix, prouvant encore une fois à ses amis, comme à ses adversaires, l'étendue de sa popularité. De nouvelles dispositions Une nouvelle disposition, tout de même, entérinée par le congrès, le président du mouvement ainsi que d'autres titres hiérarchiques comme les chefs des bureaux régionaux ne peuvent renouveler leurs mandats que deux fois. Le rituel de la « tazkia », sorte de bénédiction accordé par le chef à tout nouveau membre, a été également abrogée ainsi que la phase d'essai précédant toute nouvelle admission au parti de Montplaisir. Le Majless Choura, en revanche, est maintenu en l'état tout comme son obsolète dénomination, qui contrecarre la conversion civile acclamée par les intervenants à tour de rôle. De, plus, la plus haute instance décisionnaire du parti fait montre dans sa nouvelle composition, d'un très faible taux de présence féminine. Sur une centaine de membres, seules onze femmes sont élues par les congressistes. Les dirigeants se sont engagés pour une représentativité plus équitable de l'élément féminin lors de la désignation des 50 nouveaux membres restants de l'instance. La Presse a posé une question sur la nouvelle identité du parti et la contradiction éventuelle entre le référent islamique et le nouveau statut civil. C'est le premier vice-président, Ridha Idriss, qui se chargera de donner la réponse en stipulant qu'intellectuellement, ils ne considèrent pas au sein du parti Ennahdha qu'il y a contradiction entre la référence islamique et la portée démocratique et civile adoptée par le mouvement. « Nous considérons, a-t-il souligné, que le parti Ennahdha, et depuis les années 80 a participé à démontrer que l'Islam ne décrète pas l'instauration d'un Etat théocratique sacralisant une seule et unique exégèse. Notre référence islamique dont nous sommes fiers, a-t-il ajouté, à laquelle nous ne sommes pas les seuls à nous référer, c'est la référence des Tunisiens constitutionnalisée par l'article premier de la loi organique. Et, ajoute-t-il, dont nous n'avons pas le monopole. C'est une religion qui enseigne les principes de liberté, la démocratie, le respect de l'individu, le respect de l'environnement, de l'animal. Ce sont ces dispositions prônées par la religion qui représentent pour nous une source d'inspiration, à mettre en forme dans les programmes économiques et sociaux et de développement, ainsi qu'a travers nos rapports entre nous-mêmes et avec les autres. La philosophie qui a séparé entre les valeurs morales et les religions, ce système qui divise et qui installe la séparation et la contradiction échappe aux normes, a-t-il comparé, il est hors contexte historique, culturel et civilisationnel. Ce sont des philosophes, insiste-t-il, qui consacrent la séparation entre les valeurs morales prônées par les grandes religions et entre les réflexions et expérimentations humaines de démocratie, de tolérance et portant sur les droits de l'homme. Mais, même ces philosophes sont en train de réviser la scission défendue d'antan et cherchent à moraliser la vie publique d'une manière générale, et politique en particulier. Nous sommes dans une position conceptuellement confortable, parce que nous considérons qu'un parti démocratique et civil tunisien, patriotique à référent islamique représente le peuple tunisien», conclut-il. Le bureau du congrès restera opérationnel 60 jours après la clôture, déclare à La Presse Oussama Sghaier, porte-parole du congrès, date après laquelle sera lancée une vaste opération d'évaluation. Il est clair, in fine, que les dirigeants du parti Ennahdha, et à leur tête leur chef historique, ont dû souffler le chaud et le froid pour dégager du très attendu 10e Congrès une thèse fédératrice qui obtient l'aval des amis locaux et étrangers et ne fâche pas trop la famille.