René Trabelsi est le plus important organisateur du pèlerinage de la Ghriba qui se déroule chaque année à Djerba les 25 et 26 mai. Il nous a accordé cet entretien Comment se présentent les choses pour la Ghriba 2016? Très bien, cette année, d'autant plus qu'on a été agréablement surpris par le nombre de pèlerins qui a augmenté pour atteindre les 2.500. C'est un chiffre auquel on ne s'attendait pas et qui a dépassé celui de l'année dernière. Je parle également de surprise parce que après les événements de Ben Guerdène, on ne savait même pas si on allait organiser ce pèlerinage. On avait peur que les choses tournent mal mais le gouvernement tunisien nous a assistés et nous a assuré que les choses vont bien se passer. Le gouvernement tunisien nous a vraiment soutenus pour réussir la Ghriba du point de vue sécurité cette année. Il y a eu un soutien très important des ministères du Tourisme et des Affaires religieuses. Le ministère de l'Intérieur et celui de la Défense ont consacré leurs équipes pour la sécurité de cet événement unique au monde. Nous remarquons également avec ce pèlerinage le retour de certaines nationalités qui ont rompu avec le tourisme en Tunisie comme les Italiens, les Belges et les Hollandais. La couverture médiatique est également très importante. Il y a 180 journalistes et agences de presse, la plupart venus à leurs propres frais et ils seront nos ambassadeurs. Il s'agit de l'un des plus grands événements juifs dans un pays arabe. Et je ne sais même pas si on peut organiser un pèlerinage aussi important en Europe. On a eu beaucoup de mal à organiser cette Ghriba et je veux vraiment remercier les soldats de la Tunisie, c'est-à-dire la police et l'armée nationale pour la réussite de cet événement. Cela signifie quoi pour vous en tant que membre de la communauté juive ? Je pense que la Tunisie est en train de prouver de nouveau qu'elle a toujours servi ses minorités, entre autres juives, et qu'elle les considère comme une richesse. Certains auteurs ont écrit que les juifs en Tunisie sont la cerise sur le gâteau et nous sommes fiers de l'être. Et on adore notre pays, la Tunisie. Même si on part à l'étranger nous nous comportons comme des Tunisiens. Je tiens à rappeler et à souligner que les juifs qui sont partis en Israël entre 1960 et 1970 ne l'ont pas fait de leur propre gré, mais ils étaient contraints de de quitter la Tunisie la mort dans l'âme à cette époque et jusqu'à ce jour ils continuent à vivre comme des Tunisiens là-bas. Ils se présentent toujours comme juifs tunisiens. Vu la situation où se trouve la Tunisie aujourd'hui, le gouvernement veut faire réussir cette Ghriba et passer un message que la Tunisie n'est pas le pays à risque terroriste comme certains médias veulent la présenter. Quel est le regard que porte le Tunisien sur votre communauté aujourd'hui? Je pense que le peuple tunisien éprouve de la sympathie pour notre communauté. Lorsque certaines phrases malheureuses passent à la télévision tunisienne ou lorsqu'il y a des propos proches de l'antisémitisme, la réaction des Tunisiens sur les réseaux sociaux est immédiate et elle rejette ce genre de propos, car cela ne ressemble pas aux Tunisiens. Je pense que la plupart des Tunisiens ne voient aucun inconvénient à ce que cette minorité fasse partie de leur pays parce que cela fait partie de leur histoire. Certains en sont même fiers. Et personnellement je suis très fier de vivre parmi ce peuple et d'aider mon pays, la Tunisie, à retrouver sa place et le respect qu'on lui doit. En tant que professionnel du voyage, êtes-vous optimiste pour l'avenir du tourisme en Tunisie ? Il suffit de passer une année calme et sans événements malheureux pour que les touristes reviennent. Je peux assurer que les Européens et surtout les Français reviendront en force parce qu'ils aiment la Tunisie. Peut-être qu'avec la Ghriba de cette année le travail de certains médias malintentionnés envers la Tunisie tombera à l'eau. Ceux qui croient que la Tunisie n'est pas en sécurité se trompent. Cette année on remarque la présence de députés et de membres importants du Congrès américain à la Ghriba... En tant que professionnel du tourisme, je pense que cela ne peut faire que du bien à l'image de la Tunsie. Il ne faut pas oublier que les Etats-Unis est le premier pays qui donne des recommandations positives (ou négatives) sur un pays. Je suis Tunisien et je pense que c'est important pour nous en ces temps difficiles.