La polémique s'installe bien avant qu'on ne révèle le contenu de l'enseignement qui sera dispensé à nos écoliers et lycéens au cours des cinq prochaines années Huit mille tribunes de dialogue ont été tenues dans le cadre du dialogue national sur la réforme du système éducatif et ont abouti à l'élaboration du Livre blanc comprenant les résultats de ce dialogue qui seront mis en application progressivement au cours des cinq prochaines années. C'est là la quintessence de la déclaration de Néji Jalloul, ministre de l'Education, à l'issue de son entretien, jeudi 26 mai, avec le président de la République, rencontre au cours de laquelle il lui a remis une copie du Livre blanc en question. Pour le moment, on est édifié sur une donnée : le dialogue national sur la réforme du système éducatif est clos même si le ministère n'a pas jugé important d'annoncer officiellement sa clôture lors d'une cérémonie officielle en présence des principaux partenaires qui ont produit ce même Livre blanc, à savoir l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt) et l'Institut arabe des droits de l'Homme (Iadh). On sait aussi que de ce même Livre blanc sortira la nouvelle loi d'orientation sur l'enseignement de base et secondaire qui est censée être dispensée dans nos écoles primaires, collèges et lycées secondaires au cours des cinq prochaines années au cas où les députés avaliseraient le contenu de cet enseignement qu'on nous dit fruit de huit mille rencontres de dialogue, d'échanges et de discussions pluriels. Sauf qu'on ne sait pas encore quand les députés, aussi bien au niveau de la commission de la législation générale que de la séance plénière, se réuniront pour examiner les réformes proposées par les concepteurs de l'école de demain et on ne sait pas aussi comment vont procéder les membres de la commission parlementaire : vont-ils se contenter d'examiner le projet de loi qui leur sera soumis par le ministère de l'Education ou vont-ils opter pour leur méthode d'action favorite jusqu'ici, celle d'inviter tous les experts ou spécialistes qu'ils jugent ayant leur mot à dire pour les entendre et déclencher de nouveau une nouvelle consultation qui pourrait aboutir à une refonte totale du projet en question ? Et comme ceux qui se plaignent d'avoir été mis à l'écart et d'avoir été empêchés de participer aux huit mille tribunes de dialogue dont parle Néji Jalloul, on doit s'attendre à un grand défilé à la porte de la commission de législation générale au Parlement, un défilé qui pourrait occuper l'ensemble des petites matinées de travail au cours du mois de Ramadan 2016 dont l'avènement est prévu pour le lundi 6 juin prochain. En attendant que le projet de loi atterrisse au palais du Bardo, Néji Jalloul se mobilise pour la promotion médiatique du Livre blanc en insistant sur une idée principale : «La réforme du système éducatif n'est pas l'affaire exclusive du ministère de l'Education, elle est plutôt l'affaire de tous, selon une vision participative qui a permis à tout le monde de dire ce qu'il avait sur le cœur et à critiquer et proposer ce qu'il estime les meilleures solutions afin qu'on mette fin à cette honte nationale vécue au baccalauréat 2015 quand on a enregistré 7.000 zéros dans les épreuves de langue française. Et aussi pour qu'on comprenne, une fois pour toutes, qu'un bachelier 2014, 2015 ou 2016 dispose, en réalité, du niveau d'un élève détenteur du brevet de fin d'études du premier cycle du secondaire». Aux syndicalistes de l'enseignement secondaire, qui ont sauté sur l'occasion pour dénoncer ce qu'ils appellent «l'attitude unilatérale du ministre et sa volonté de s'accorder la paternité du projet de réforme en oubliant la contribution des syndicalistes du secteur et en annonçant les dispositions contenues dans la réforme avant qu'elles ne soient définitives», Néji Jalloul adopte une nouvelle attitude. «Nous avons traité, souligne-t-il, avec l'organisation syndicale, la grande Ugtt de Farhat Hached et non avec des personnes. D'ailleurs, le ministère est reconnaissant à la direction nationale de l'Ugtt pour sa compréhension et son attitude positive, ainsi que pour sa volonté toujours renouvelée de surmonter n'importe quel problème par le dialogue et la concertation». Un discours séduisant à l'égard de la direction de l'Ugtt sommée de contenir la colère et l'entêtement de ses secteurs, en premier celui de l'enseignement secondaire, qui ont dépassé les limites et qui ne sont plus à tolérer d'autant plus qu'on recourt désormais à des mensonges purs et caractérisés comme celui d'affirmer que les manuels relatifs à la première et à la deuxième années de l'enseignement de base pour le compte de l'année scolaire 2016-2017 sont déjà imprimés, alors que la commission chargée de leur élaboration n'a pas encore rendu sa copie. «Et le Centre national pédagogique est à la disposition de quiconque pour témoigner qu'il n'a rien reçu jusqu'ici de la part du ministère concernant ces manuels», conclut Néji Jalloul.