La date limite du dépôt des demandes d'installation de caisses enregistreuse, fixée au 23 mai 2016 par le ministère des Finances, vient d'expirer sans trouver d'échos favorables auprès des propriétaires de cafés, de restaurants et de pâtisseries à Sfax, et probablement ailleurs. Retour sur les raisons d'un boycott collectif Comme on le sait, le ministère des Finances avait annoncé le démarrage, à partir du 1er juin 2016, «d'une opération pilote volontaire pour installer 300 caisses enregistreuses dans les unités de consommation sur place soumises au régime réel: cafés, salons de thé, restaurants et restaurants touristiques», précisant que les adhérents à cette opération bénéficieront de la gratuité des équipements, la date limite des dépôts des demandes d'inscription à ladite opération ayant été fixée au 23 mai 2016. Telles sont les dispositions de l'article 48 de la Loi de finances 2016, qui soulève un tollé général auprès des professionnels des secteurs susmentionnés, adhérents aux chambres syndicales des cafetiers, des restaurateurs et des pâtissiers à Sfax, porte-étendard de la contestation. Haro sur la concurrence déloyale Mohamed Rebaîi, président de la chambre syndicale régionale des cafetiers, invoque l'inconstitutionnalité de cette loi, qui enfreint le principe de l'égalité des citoyens et des citoyennes en droits et devoirs, dans la mesure où elle pénalise les contribuables qui s'acquittent de leur devoir fiscal, alors que ceux qui se rendent coupables d'évasion fiscale jouissent de l'impunité. «De quoi favoriser, pour ne pas dire, encourager la concurrence déloyale, lourde de conséquences pour les commerces et les activités en règle avec la loi, mais également pour l'économie nationale, du fait que cette injustice va amener fatalement les secteurs organisés à s'approvisionner auprès du secteur parallèle, lequel assure déjà 54% de l'activité commerciale dans le pays. De quoi accentuer le manque à gagner de l'Etat et affecter lourdement l'économie nationale, déjà gravement fragilisée». Impératif de l'assainissement Mohamed Rebaîi stigmatise à ce propos le laxisme des autorités publiques vis-à-vis de l'anarchie qui caractérise le secteur des cafés, dénonçant la non-exécution des ordres de démolition pris à l'encontre de 682 établissements du genre, lesquels connaissent, depuis l'avènement de la Révolution, un foisonnement sans précédent. A tel point, qu'on recense 3.400 cafés, rien qu'à Sfax et 34.000 à l'échelle du pays, ce qui donne un café pour trois cents habitants, tous sexes et toutes catégories d'âge confondus : «A supposer que 50 à 60 parmi ces 300 citoyens fréquentent les cafés , je vous laisse le soin de calculer nos recettes!», clame-t-il, enchaînant : «Que les pouvoirs publics commencent d'abord par assainir le secteur des parasites et des intrus. Ils doivent œuvrer à restructurer ce secteur pour instaurer un minimum de transparence et protéger les secteurs organisés des lobbies et autres hors-la-loi, au pouvoir grandissant, pour assurer leur survie, avant de nous imposer des soi-disant réformettes insensées!». Restaurants : le règne de l'anarchie et des pratiques douteuses Même diagnostic, même état de lieux brossé par Abdessamad Farroukh, président de la Chambre régionale des restaurateurs à Sfax. «Dans notre secteur, les indices de marginalisation sont en contraste flagrant avec son poids économique. En témoigne d'abord l'absence de recensement fiable. Il ne serait pas toutefois hasardeux de dire que, grosso modo, le nombre de restaurants se situe, à Sfax, entre 2.500 et 3.000, toutes catégories confondues, soit plus de 30 mille postes d'emploi. Pourtant, l'ouverture d'un nouvel établissement, soumis légalement au seul cahier des charges, d'ailleurs établi, il y a longtemps, par la municipalité de Tunis, se fait dans l'anarchie la plus totale. A la faveur de l'absence de réglementation rigoureuse et de la défaillance d'un contrôle sérieux, c'est quasiment la foire. Il suffit d'une attestation d'emploi de complaisance et de l'accomplissement de certaines formalités d'usage, d'ailleurs peu contraignantes, pour ouvrir une patente et s'implanter. Sachez à ce propos, qu'approximativement 10% seulement des restaurateurs sont soumis au régime réel, contre 70% au régime forfaitaire, tandis que 20% exerceraient sans patente. J'irais plus loin en relevant qu'à Tunis, plus précisément dans certains quartiers huppés, un grand nombre de salons de thé ne sont que des établissements de façade, ouverts par des contrebandiers uniquement pour le blanchiment de l'argent sale, quitte à être déficitaires!». Intensifier les contrôles Il incombe, aujourd'hui, aux différents intervenants dans le secteur, en l'occurrence la municipalité, les directions régionales de la santé, des finances et de la Protection civile, de travailler de concert avec l'Union régionale de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Urica) à l'élaboration d'un cahier des charges spécifique à la région, en attendant de mettre en place une commission multipartite chargée de la gestion des dossiers et surtout des contrôles, tant il est vrai que ni les effectifs réduits de la police municipale ni ceux des services d'hygiène ne sont en mesure, isolément, de maîtriser la situation, a proposé le président de la chambre régionale des restaurateurs à Sfax. Il y a lieu de relever que les propriétaires de cafés, de restaurants et de pâtisseries sont unanimes à décrire un contexte chaotique dominé par des pratiques illégales et des traitements inéquitables, faute d'organisation et de restructuration et où les dysfonctionnements et les irrégularités sont accentués notamment par l'absence de facturation.