Par Abdelbasset CHEBBI* Le match, qui s'est déroulé entre le Stade Tunisien et l'Avenir Sportif de La Marsa comptant pour la 26e journée du championnat de Ligue 1 saison 2015-2016, restera à jamais gravé dans la mémoire de ce sport qu'est le football en Tunisie. Et ce n'est pas parce que ce match, d'ailleurs transmis en direct sur une chaîne de télévision conventionnée avec la Fédération tunisienne de football, s'était distingué, par exemple, par un niveau technique de très haute facture, ou sinon par un nombre de buts spectaculaires hissant l'enjeu et le suspense à son maximum, mais plutôt parce que, hélas, ce match marquera les esprits et choquera plus d'un, suite aux incidents regrettables et injustifiables provoqués par quelques joueurs du ST, allant grièvement agresser le gardien de but adverse après le coup de sifflet final de l'arbitre. Ces images de violence gratuite, diffusées et commentées en boucle par tous les médias de la place à la manière du vers de Lamartine : «Je boirai la coupe jusqu'à la lie», ont provoqué indignation et réprobation au sein d'un large public sportif toutes appartenances et couleurs confondues, et même le bureau directeur du ST n'y est pas allé de main morte en traduisant, dès le lendemain, les fautifs devant le conseil de discipline du club et en décidant les sanctions appropriées en application du règlement intérieur du club. On assistera par la suite à une succession logique d'événements juridiques et judiciaires relatifs à l'application des différentes mesures disciplinaires par les instances compétentes en la matière, à l'encontre des contrevenants signalés par l'arbitre sur la feuille de match et/ou inculpés suite au visionnage des enregistrements vidéo, tel que stipulé dans les articles 6 et 8 du Code disciplinaire de la Fédération tunisienne de football. En effet, après que les joueurs eussent été convoqués et entendus par la Commission de discipline de la Ligue nationale de football professionnel, le bureau fédéral de la FTF, estimant que les incidents en question étaient suffisamment graves et portaient directement atteinte à l'image du football, a actionné la saisine d'office du dossier conformément aux dispositions de l'article 35 des statuts de la FTF : «Dans le cadre de ses attributions relatives au respect des dispositions statuaires et réglementaires, le bureau fédéral peut se saisir d'office de toutes les décisions prises par les ligues et les commissions nationales et fédérales pour éventuellement se prononcer sur les cas n'ayant pas fait l'objet de décision...» Et les sanctions décidées par le BF ne tardèrent pas à tomber. En effet, dans un communiqué publié par ce dernier sur le site web de la FTF et en se référant à l'article 52 du Code disciplinaire, le BF a rendu un jugement tel, que trois joueurs du ST et le garde-matériel ont été radiés à vie de toute activité sportive et suspension de quelques matches pour d'autres joueurs et l'entraîneur. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, quelques heures après fut l'intervention du ministère public en se saisissant de l'affaire en application des dispositions du Code pénal et en convoquant les incriminés par le biais de la Garde nationale pour instruction. Ils ont été traduits devant le Tribunal de 1ère Instance de Tunis et les jugements ont varié entre 6 mois de pris on pour les uns avec sursis et non-lieu pour les autres. Après ce récit des faits, étant en recul par rapport aux uns et aux autres et en condamnant la violence dans le sport indépendamment de celui ou de ceux qui la perpètrent, essayons de décortiquer et de commenter la décision du bureau fédéral sur le plan purement juridique. En effet, s'il est vrai que la discipline est nécessaire pour assurer la bonne marche du football tunisien et que la principale préoccupation des gestionnaires des différentes compétitions sportives est d'assurer aussi que tous les intervenants et acteurs respectent les politiques et adoptent des comportements sportifs et responsables; s'il est vrai, également, que les mesures disciplinaires représentent un excellent outil pour corriger les comportements répréhensibles, il n'en demeure pas moins qu'il y a des principes de base à respecter à en tenir compte par ces instances afin d'atteindre les objectifs ci-dessus évoqués : Les mesures disciplinaires appliquées doivent être justifiées et raisonnables - Uniformité et rigueur : le décisionnaire doit être en mesure de démontrer que la mesure disciplinaire appliquée est juste et non arbitraire, donc il a agi de la même manière avec tous et chacun des intervenants - gradation des mesures disciplinaires proportionnellement aux actes incriminés et en application des barèmes et catégories de fautes déjà établies. - Enquête et analyse préalable sérieuse et objective des événements afin d'appliquer un processus décisionnel juste et équitable à l'égard de tous en vue de sauvegarder les principes de la sécurité juridique et celle judiciaire garantissant ainsi la crédibilité des lois et la confiance dans les instances juridictionnelles. Rappelons, enfin, en revenant à l'affaire du Stade Tunisien en question, que ce club est habilité à faire appel à la décision du Bureau fédéral en ce qui concerne la radiation à vie prononcée à l'encontre de ses joueurs et employés, devant le Tribunal arbitral du sport à Lausanne, conformément aux dispositions de l'article 56 des statuts de la Fédération tunisienne de football surtout que les responsables du ST estiment que le BF n'avait pas à appliquer l'article 52 du code disciplinaire qui ne traite pas de cette catégorie d'infractions à leur avis, mais plutôt de l'article 44 Tableau A qui, au pire des cas, rendrait les fautifs, radiés à vie par le BF, sanctionables au maximum par une suspension de 12 matches et une amende de 3.000 dinars. (Marketing et droit du sport)