C'est ce genre de spectacles à thème et à spécificités qu'il faut promouvoir dans les manifestations ramadanesques, pour se distinguer des festivals d'été, ne serait-ce que pendant ces années (à venir) de chevauchement Si l'on avait transposé le public et le concert donné, samedi dernier, par Nabiha Karaouli au Théâtre municipal dans le cadre du festival de la Médina, à Dar Lasram dans le vieux Tunis, on se serait vraiment cru revenir plus de 20 ans en arrière, pour revivre la création qui a été à l'origine de son ascension fulgurante : Al kantara (le pont), signée Samir Chichti. Certes, l'époque n'est plus la même ; certes, un takht (charqi oûd, qanûn, violon, contrebasse, tar et darbouka) a pris la place du piano et de la percussion, seuls instruments du premier spectacle ; certes, la cantatrice a gagné en assurance et en expérience ; certes, elle n'a repris que dans une infime partie le programme initial, mais une impression de similitude, où la nostalgie était pour beaucoup, persistait. Une impression confortée par un décor à l'ancienne, des lumières un peu tamisées et une Nabiha Karaouli habillée d'une robe classique et sobre blanche, relevée par un bandeau de la même couleur et du même tissu qui enserrait la tête. Soit l'image médiatisée de Habiba Msika, depuis que cinéma et éditions ont décidé de la ressusciter. A la Msika, notre cantatrice «empruntera», d'ailleurs, plusieurs airs dont ces chansonnettes qui s'apparentent au monologue et aux paroles simplettes, voire coquines, qui faisaient ravage dans les 60 premières années du siècle dernier. Nabiha les a très bien rendues, grâce, évidemment, à sa belle voix si distinctive, mais surtout à une interprétation et à une attitude enjouées, flirtant avec l'espièglerie. Le petit et excellent public, qui a à peine rempli les sièges orchestre, a beaucoup apprécié. Nous aussi… Des années 1930, dans lesquelles elle a plongé avec bonheur, mais sans s'y cloisonner hermétiquement, Nabiha Karaouli a également choisi des morceaux de référence où elle a étalé toute sa maîtrise, démontrant que dans le répertoire typiquement tunisien, elle était comme un poisson dans l'eau, de par sa texture vocale, son timbre et surtout sa sensibilité, réellement communicative. Nous avons particulièrement apprécié son exécution, sa reprise des airs de Saliha ou de cheikh Ifrit où elle a mis son grain de sel, en leur apportant ses propres improvisations et des ornementations dont elle a le secret. Aussi, des chansons comme «bakhnoug», «sir, sir, ya lazrag sir», «hozti libha wis'sirr» ou encore «layyem kif errih», furent-ils un moment de pure délectation qui nous ont fait regretter que le public ne se soit pas déplacé en plus grand nombre. Et là, nous pouvons affirmer que les absents ont eu tort, car c'est ce genre de spectacles, jurant avec ce que les festivals d'été proposent, qui sont susceptibles d'apporter un plus différentiel et qui peuvent permettre aux manifestations ramadanesques de soutenir le chevauchement et de survivre.Tout court.