De 2012 à 2015, quelque 3.910 décisions de destruction ont été prises, dont seulement 346 ont été exécutées, soit un taux de réalisation minime de 8,8% ! L'invasion ahurissante des constructions anarchiques est devenue telle qu'il fallait, pour les parties concernées, repenser les moyens d'intervention à même d'y faire face et pousser les citoyens à délaisser, peu à peu, cette alternative illégale et éviter ainsi de voir s'effondrer le rêve d'avoir un toit. Le gouvernorat de Tunis a décidé, donc, de mettre en vigueur la circulaire publiée par le ministre de l'Intérieur en date du 19 novembre 2010. Ladite circulaire exige le raccordement des demeures aux réseaux électrique et de l'eau potable et la présentation conditionnelle d'une autorisation de construction. A défaut de ce document crucial, la Steg tout comme la Sonede répondront par la négative à la demande avancée. D'un autre côté, une commission régionale a été créée, en mars 2016, au sein du gouvernorat de Tunis dans le but d'assurer le suivi rigoureux des avis de destruction prononcés à l'encontre des constructions anarchiques et la mise en application desdits avis. Cette commission regroupe des représentants des parties concernées. Elle chapeaute des commissions locales, lesquelles ont été implantées dans les différentes municipalités relevant du gouvernorat de Tunis en vue d'examiner les dossiers et de veiller sur la mise en application des décisions jugées comme étant prioritaires car mettant en péril la sécurité des citoyens. La police municipale ne l'est plus ! Les deux mesures précitées promettent de dissuader les citoyens quant au recours incivique et irresponsable aux constructions anarchiques. Certes, ce phénomène est bien ancré dans une société qui, faute de moyens et en raison d'une insouciance quasi pathologique quant aux exigences esthétiques, architecturales et sécuritaires du paysage urbain, n'hésite aucunement à contourner les procédures légales et détourner les domaines de l'Etat afin de construire un toit. Il faut dire que le phénomène des constructions anarchiques n'est pas récent. Toutefois, après les évènements du 14 janvier 2011, de nouveaux facteurs propices ont préparé le terrain à la prolifération alarmante des constructions anarchiques. Mme Leila Helali, chef d'arrondissement au gouvernorat de Tunis, chargée de la gestion et du contrôle, rappelle le détachement de la police municipale de la municipalité et son affiliation à la direction générale de la sécurité nationale relevant du ministère de l'Intérieur. «Aussi, explique-t-elle, les agents dits «municipaux» sont-ils devenus des agents polyvalents, que l'on sollicite pour lutter contre les étals anarchiques, la destruction des constructions anarchiques tout comme pour sécuriser un match ! Alors qu'ils étaient chargés, des années durant, de la mise en application des mesures et des décisions municipales. Du coup, on assiste à une nette régression des ressources humaines pourtant indispensables à l'application des avis de destruction». Au manque de ressources humaines, s'ajoute un déficit notable au niveau des équipements nécessaires à ces interventions. Pour combler cette lacune matérielle, les municipalités recourent souvent à l'appui du ministère de l'Equipement, de l'Habitat et de l'Aménagement du territoire. Domaines de l'Etat : prolifération des constructions anarchiques D'un autre côté, et outre les contraintes auxquelles les parties concernées se doivent de faire face, la protection des domaines de l'Etat fait souvent défaut, ce qui ne peut qu'encourager les citoyens à détourner ces domaines à leur profit. «L'actualisation des données relatives aux domaines de l'Etat, tant ceux à caractère agricole, forestier ou de construction s'impose. Il faudrait également multiplier les actions de contrôle et de protection de ces domaines. Il convient aussi, poursuit Mme Helali, pour la Snit et l'AFH de penser à concevoir des lots accessibles aux Tunisiens à faibles revenus». Et de préciser qu'en l'absence d'opportunités à même de permettre aux Tunisiens à faibles revenus de bénéficier de lots de terrain et de logements à prix abordables, bon nombre de citoyens s'adonnent aux constructions anarchiques. «Certains se sont même accaparés des lots situés sur les rives des oueds et sur les bords de sabkhet Sijoumi», fait-elle remarquer. Notons que le qualificatif «anarchique» est applicable aussi bien pour les constructions bâties sans autorisations, et par conséquent, celles qui échappent au contrôle, que pour celles qui, bien qu'autorisées, ne sont pas conformes aux critères pré-recommandés par les autorités. Tous ces facteurs ont convergé, ces dernières années, vers la prolifération des constructions anarchiques, mais aussi vers la régression considérable de la mise en application des décisions de destruction desdites constructions. Selon les chiffres fournis par la responsable, le nombre des décisions de destruction a chuté d'un cran, passant de 1.810 en 2012 à seulement 511, en 201&. Le nombre des mises en application desdites décisions est passé de 152 en 2012 à 83 en 2015. Ainsi, de 2012 à 2015, on constate que 3.910 décisions ont été prises dont seulement 346 ont été exécutées, soit un taux de réalisation minime de 8,8% !