La moitié des effectifs de la L1 vient du Sud du pays. Simple effet de mode ou tendance durable ? La tendance est quasi irréversible, du moins dans l'immédiat. Il y a de plus en plus de clubs du Sud en Ligue 1. Pour la prochaine saison 2016-2017, la moitié des effectifs de la division d'élite sera composée de clubs venant du sud du pays, soit huit sur seize : Club Sportif Sfaxien, Etoile Sportive de Métlaoui, Olympique de Sidi Bouzid, Union Sportive de Ben Guerdane, Stade Gabésien et Espérance Sportive de Zarzis, en plus des deux nouveaux promus, l'Avenir Sportif de Gabès et l'Union Sportive de Tataouine. Ces deux derniers remplacent deux autres clubs sudistes, relégués en Ligue 2 au terme de la saison dernière, El Gaouafel Sport de Gafsa et l'Avenir Sportif de Kasserine. Les observateurs s'interrogent s'il s'agit d'un simple effet de mode qui va, tôt ou tard, passer, ou plutôt d'une tendance durable qui va marquer le foot national. Certains d'entre eux n'hésitent pas, du reste, à établir une relation de cause à effet avec le double mandat du président de la fédération, Wadii Al Jari, lequel vient du fin fond du Sud tunisien, de la ville de Ben Guerdane qui a d'ailleurs fini par trouver une place en L1. A leurs yeux, il aurait donné une impulsion décisive à cette poussée spectaculaire du foot du Sud par le biais de coups de pouce décisifs de l'arbitrage. Toutefois, il nous semble que cette explication est réductrice et rend très mal justice à l'extraordinaire investissement de ces clubs dans une ambitieuse entreprise et à la passion qui habite les gens du Sud pour le foot dans un contexte plombé par un fort taux de chômage, une activité économique sinistrée et l'envolée vertigineuse des coûts de la vie. Le ballon rond sert pour ainsi dire d'exutoire et de remède contre autant de difficultés déprimantes. Légitimité historique? Il est communément admis que le fait d'avoir son équipe de foot en Ligue 1 constitue l'assurance de voir de nombreux secteurs économiques (commerce, restauration, réservation hôtelière...) d'un seul coup boostés, surtout dans un contexte ordinaire où il n'y a pas rationnement de quotas des supporters ayant droit d'accès aux enceintes sportives et où le public visiteur est admis sans aucune restriction. L'impact du foot est important pour tirer des villes comme Zarzis, Sidi Bouzid, Tataouine ou Ben Guerdane de leur morosité. Il va de soi que les clubs du Nord regardent avec suspicion l'avancée sudiste qui se ferait, à les en croire, à leurs dépens. Ils brandissent le sacro-saint argument d'une certaine légitimité historique qui en fait les maîtres incontestés de la L1. Tout en relativisant une telle ligne de fracture entre le Nord et le Sud, il faut souligner à quel point le foot du Sud apporte une note de fraîcheur dans un foot tunisien profondément conservateur et éminemment conformiste. Et fait sortir des sentiers battus un sport dominé depuis la nuit des temps par le fameux G4, la bande des quatre autour de laquelle tout, ou presque, tourne, notamment au chapitre des titres et des distinctions.