Trois fois champion d'Afrique, deux fois champion arabe, médaille de bronze aux Jeux méditerranéens Pescara 2009, classé quatrième à l'Aiba (International boxing association) en 2012, Yahia Mkachri vient de quitter l'équipe nationale un mois et demi avant les jeux de Rio. Pourqoui avez-vous raccroché les gants à quelques mois des Jeux olympiques de Rio ? J'ai quitté l'équipe nationale de mon propre gré alors que j'ai encore envie de me donner pour la boxe. Aujourd'hui, je suis un homme marié avec une petite famille en charge et le peu de rémunération que je reçois de la boxe ne me permet plus de vivre dignement. On ne peut pas entretenir un foyer avec 200 dinars par mois, un loyer à charge et avoir l'esprit clair pour préparer les Jeux olympiques. Malheureusement, en Tunisie on ne peut pas faire de la boxe son métier. C'est encore un sport d'amateur, on ne peut pas construire une carrière sur ce créneau... Ce n'est pas un sport qui fait vivre. On se retrouve en train de consacrer tout son temps pour une passion, mais un jour ou l'autre il faut avoir un métier pour vivre. Mon départ de l'équipe nationale était bien réfléchi. Je précise que je n'ai aucun problème ni avec la fédération ni avec le staff technique. Jusqu'au bout je n'ai eu que de bons rapports avec tout le monde aussi bien avec les membres du bureau que la direction technique. Je sais qu'ils attendaient ma qualification aux Jeux olympiques, mais ma vie a pris un autre cours. Vous auriez pu vous qualifier pour les Jeux de Rio lors des derniers éliminatoires en Azerbiedjan... Je sais mais ma réalité sociale est beaucoup plus urgente... Me qualifier et après ? Ma famille n'aura aucune ressource si je m'absente pour aller dans des tournois ou aux Jeux olympiques. Cela dit, je regarde les dernières qualifications d'Azerbaïdjan la mort dans l'âme. Un sportif d'élite ne peut donner le meilleur de lui-même s'il ne vit pas dans un minimum de décence! Prenez le cas du judoka Slim Trabelsi, un sportif de haut niveau qui s'est retiré des Jeux olympiques pour s'installer en France. Moi aussi j'ai eu ce type de proposition à l'étranger, mais je n'ai jamais laissé tomber mon pays... Tout mon palmarès d'ailleurs je le dédie à la Tunisie et j'en suis fier ! Mais le problème, c'est qu'aujourd'hui je n'ai pas d'avenir et cela crée un antécédent parce que la jeune génération de boxeurs va remarquer ma situation et sera tentée de quitter le pays dès que l'occasion d'un bel avenir se dessine ailleurs. Vous n'avez pas essayé de négocier avec votre fédération ? La condition des sports individuels en Tunsie est déplorable et ce n'est un secret pour personne. La Fédération tunisienne de boxe n'y est pour rien. C'est tout ce qu'elle peut donner à un champion. Elle est tenue par un barème ..et c'est le genre de barème qui vous accorde par exemple 250 dinars par mois si vous êtes champion d'Afrique. Je ne reproche rien aux fédérations, mais c'est au ministère de tutelle qu'il revient de voir cette situation. Il n'y a qu'à voir les budgets réservés au football. C'est à la limite de l'arrogance comparé aux sports individuels qui rapportent des médailles. Si j'ai mal au cœur aujourd'hui, c'est qu'avec avec toutes les médailles que j'ai eu je vis sur la corde raide. Le ministère de tutelle est-il au courant de votre situation ? Je me demande si le ministère des Sports a encore des projets pour ses anciens champions ? C'est une question que je me pose. Autrefois, il y avait au même ministère un titre d'animateur pour les anciens médaillés qui leur permettait de vivre dans la décence, mais voici que depuis 2012, à ma connaissance, ce titre n'a plus été accordé à personne... Aujourd'hui ils n'offrent même pas une place de chauffeur pour leurs sportifs d'élite...