Par M'hamed JAIBI La récente visite de Rached Ghannouchi à la tête d'une délégation nahdhaouie en France est la confirmation publique d'un ajustement de sa «diplomatie partisane» et de ses sympathies stratégiques. Ghannouchi parle de «diplomatie populaire» allant au secours de la diplomatie officielle de l'Etat tunisien, laquelle fait partie des prérogatives prioritaires du président de la République. En fait, ce voyage et les multiples rencontres et signaux qu'il a comporté, vient rompre d'avec les traditionnels réflexes anti-français et anti-langue française que n'ont cessé de développer les islamistes tunisiens depuis leur apparition dans les années 70 du siècle dernier. Au lendemain d'un congrès national destiné à rompre avec le passé et alors qu'il siège au sein de la majorité au pouvoir, le mouvement Ennahdha se devait naturellement de remettre les pendules à l'heure de la France et de l'Europe. Connue pour son alignement historique sur la géostratégie saoudienne puis quelque peu qatarie, la démarche d'Ennahdha semble aux prises avec les contraintes du pouvoir et les exigences d'ouverture qu'impose le régime démocratique désormais en place en Tunisie. La realpolitik impose ainsi de reconnaître cette «clé» que représente la langue française dans nos rapports économiques et diplomatiques dans le monde. De même que prendre en ligne de compte le fait que la France est à la fois le premier importateur et le premier fournisseur de la Tunisie. Alors que notre pays est un partenaire privilégié de l'Europe et son premier fournisseur en industrie manufacturière au départ de la rive sud de la Méditerranée. Une Europe qui vient de perdre un membre important mais qui ne cesse de consolider ses amitiés alentour, et notamment au Maghreb, en Afrique et dans le monde arabe. Et Ghannouchi d'inviter clairement les partenaires français et européens à mettre en pratique leurs promesses faites à la Tunisie : «Nous sommes venus dire à nos amis français : si la démocratie en Tunisie vous tient à cœur, alors il faut investir dans la démocratie, dans la lutte contre le terrorisme et dans la consolidation de l'économie tunisienne».