Les quantités qui s'amoncellent actuellement constituent un poids énorme à supporter par toutes les parties prenantes Facile : l'année prochaine, à la même date, nous sommes prêts à relever le défi, nous serons au même point et le dossier de la tomate reviendra sur le tapis avec les mêmes problèmes et les mêmes doléances. Parce que tout simplement les solutions préconisées lors de la dernière réunion avec le secteur ne sont pas immédiatement réalisables et que l'on s'adosse toujours à ce réflexe qui nous pousse à croire que «l'Etat providence» doit toujours nous tirer d'affaire lorsque cela va mal. Autrement, ce sera, tel que ce fut le cas l'année dernière, les menaces de boycotter la tomate, en la déversant sur les routes, ou encore de ne plus la planter, etc., etc. Il ne faudrait pas avoir la mémoire courte et il n'y a qu'à se souvenir que dans les années 1977/78, l'huile d'olive était un produit presque exclusivement réservé à l'exportation pour faire rentrer les devises dont le pays avait besoin pour réaliser ses plans de développement. Le producteur avait le droit de garder juste de petites quantités pour sa consommation familiale et le reste devait être obligatoirement remis à l'Office de l'huile. Et un de ces jours, lors d'une réunion au ministère de l'Economie nationale, le P.-d.g. de l'Office de l'huile tira la sonnette d'alarme : il n'y avait plus moyen de stocker la prochaine récolte et les prix étaient au plus bas au niveau des marchés étrangers. Qu'allons-nous faire, demanda-t-il au ministre de l'époque, M. Abdelaziz Lasram. La réponse fusa immédiatement : «Commençons par bouffer notre huile d'olive!». Il s'absenta quelques minutes pour contacter feu Hédi Nouira et revint pour annoncer que l'huile d'olive sera libéralisée et que le Tunisien pourra en consommer les quantités qu'il voudra, aussitôt que le communiqué sera diffusé. Il le fut dans la journée. De la crise au premier exportateur Depuis, on n'entendait plus parler de crise au niveau de l'huile d'olive et la Tunisie se débarrassa définitivement de ce problème en l'affrontant de face. En effet, les quantités qui s'amoncellent constituent un poids énorme à supporter par toutes les parties prenantes. Cette quantité invendue, qui ne trouve pas preneur ni au niveau du marché national ni à l'étranger, finit par devenir par la force des choses un moyen de pression que le circuit de distribution fait peser sur l'agriculteur, l'industriel et sur les autorités compétentes censées être le dernier recours. Pire que cela, en sachant que ces quantités sont énormes et que l'on est obligé de vendre, l'acheteur impose ses prix. Le même raisonnement est valable pour le secteur du tourisme sur lequel nous reviendrons. Pour revenir à la tomate, commençons par en faire bénéficier le consommateur tunisien en réduisant les prix au strict nécessaire pour soulager les producteurs et les industriels transformateurs, tout en préparant une possible ouverture sur les marchés étrangers. Nous en convenons tous, qu'il n'est pas aisé de placer des tonnes sur un simple coup de fil et, en attendant, ce n'est pas l'ouverture d'un point de vente du producteur au consommateur place de La Kasbah qui résoudra le problème à courte, moyenne et longue échéance. «Aide-toi, le ciel t'aidera» Ce proverbe est valable pour essayer de trouver un début de solution à cette crise. Les animateurs de toute la chaîne de production et de transformation devraient être plus imaginatifs. Le fait de s'arc-bouter sur les prix, alors que les stocks sont au plus haut niveau est une erreur stratégique que la majorité de nos producteurs commettent, pas seulement au niveau de la tomate, mais dans bien d'autres secteurs. Pour preuve, alors que l'on ne peut plus placer un gramme, on s'acharne à maintenir des prix qui avaient vertigineusement grimpé pour des raisons sur lesquelles il est inutile de revenir. Réduire la marge (sans vendre à perte), offrir l'occasion de souffler au consommateur, dégager ses stocks pour soulager la chaîne de production constituent des réflexes utiles et économiquement payants. Se contenter de plaider auprès des instances chargées de gérer le secteur, sans offrir des débuts de solutions pour débloquer la situation est de nature à nous faire gagner notre pari : ils seront encore là l'année prochaine !