Depuis le soulèvement du peuple tunisien et l'enlisement spectaculaire de l'économie nationale dans les difficultés, tous les experts ont convenu que seul un changement du modèle de développement est en mesure de redresser la situation, surtout que tous les fondamentaux de notre économie ont sérieusement été affectés. *Tout le monde en convient : le modèle adopté jusque-là s'est avéré totalement incapable de répondre aux nouvelles exigences de la transition économique. Et malgré son urgence, les décideurs nationaux n'ont malheureusement pas réussi ce changement, pour continuer ainsi à la traditionnelle. Le lancement, en 2015, de la note d'orientation 2016-2020, avait ainsi pour objectif de schématiser les contours du nouveau modèle de développement économique. Reste que cette note n'est pas elle-même sans reproche. Lors d'une étude critique de cette note, le Fonds de développement économique et social, a cherché à démontrer les limites du document 2016-2020, et y opposer sa propre analyse. L'étude du Fodes estime ainsi que l'ancien modèle de développement n'est pas assez outillé pour moderniser l'appareil productif, ce qui influe directement sur la qualité de la production. Il est incapable, également, de générer les ressources financières nécessaires, en raison des défaillances fiscales, des créances douteuses et des investissements peu rentables. D'un autre côté, l'ancien modèle, faute d'actualisation, n'a pas réussi à répondre aux exigences de la décentralisation et de la déconcentration économique, ce qui s'est traduit par la perte d'un potentiel régional hautement important. Le déséquilibre économique flagrant qui pénalise de plus en plus notre pays atteste de ce constat. Mais la principale entorse au niveau de ce modèle, note l'étude, c'est son encouragement au recours intensif à l'endettement extérieur, pour répondre non pas aux dépenses de développement mais plutôt à celles de fonctionnement. Mais ce qui est surtout alarmant, c'est que ce recours irréfléchi à l'endettement extérieur risque, à moyen et long termes, hypothéquer sérieusement l'avenir de nos générations futures et surtout menacer sérieusement notre souveraineté nationale. Cette orientation inefficace a été très lourde de conséquences, notamment au double niveau de la création des richesses et de l'emploi. Cette incapacité de mettre en place ce nouveau schéma de développement a aggravé davantage la situation économique du pays. Entre 2011 et 2015, le taux de croissance est passé de 4,4% à 0,8%. En 2016, l'on s'attend à une moyenne beaucoup plus faible encore. De son côté, le taux de chômage a connu une tendance haussière pour passer de 15 à 15,4%. Le pouvoir d'achat a connu, de son côté, une chute spectaculaire pour appauvrir encore plus non seulement les catégories démunies mais même la classe, qui s'est enlisée de plus en plus dans les difficultés, en raison de dispositions contraignantes et une taxation totalement défavorisante. Des sensibilités pénalisantes Et ce n'est pas tout : le dinar, faute d'une politique monétaire fiable, a enregistré une dégringolade spectaculaire pour atteindre ainsi des niveaux inédits. Certes, cette incapacité de redresser la situation à la faveur d'un nouveau modèle de développement s'explique, quelque peu, selon l'étude, par la difficulté de cerner les contours de base de ce nouveau modèle, mais d'autres facteurs, plus graves encore, interviennent pour justifier un tel échec. Tous les gouvernements qui se sont succédé ont manqué de rigueur, de volonté et d'implication, ce qui justifie l'absence de planification et de programmes de relance économique concrets. Nos gouvernements n'ont pas réussi également à trouver les approches adéquates pour améliorer le niveau de rentabilité de notre système fiscal et de mobiliser ainsi les ressources nécessaires à la relance. Sans parler des questions beaucoup plus graves telles que la malversation, la corruption, les financements illicites, le commerce parallèle ou encore les créances douteuses. En parallèle, l'instabilité du paysage politique et l'émergence d'un grand nombre de sensibilités n'ont pas servi cette exigence du lancement du nouveau modèle de développement. On a assisté à un conflit d'intérêts sans précédent. Chacun cherche à façonner le nouveau schéma à sa mesure, pour en tirer le maximum de profits. L'étude reconnaît, toutefois, que la responsabilité de l'ancien régime est totale, car il a tout fait pour fausser la donne et embellir l'image de notre modèle notamment auprès des instances internationales, qui ont multiplié, des années durant, les rapports glorifiant et présentant ainsi le modèle économique tunisien comme archétypal. De telle sorte, qu'après la révolution, il était difficile de se détacher de ce modèle rapidement. Aujourd'hui, ce sont ces mêmes instances qui ne cessent de tirer la sonnette d'alarme et appeler à l'urgence d'une refonte globale et profonde de notre modèle de développement économique et d'instaurer de nouveaux principes de partenariat et de collaboration. Une exigence qui a conditionné depuis la révolution leur assistance financière. Mais ce qui est encore plus important à retenir, souligne l'étude du Fodes, c'est que la note d'orientation 2016-2020 n'a pas procédé à un diagnostic profond. Elle s'est contentée d'identifier les défaillances et les insuffisances du modèle économique, sans pour autant s'adonner à la lecture et aux analyses nécessaires à ces constats. Or, de telles analyses auraient certainement permis d'avoir quelques repères essentiels à l'instauration du nouveau modèle. La note a manqué également de procéder à une analyse comparative entre les défaillances de l'ancien modèle et ses points forts. Surtout que ce modèle a réussi, jusqu'aux années 70, à assurer des performances remarquables. Justement, le fait de lancer un nouveau schéma de développement, ne signifie aucunement tout effacer et recommencer à zéro. C'est bien là un vrai gâchis. Il est question plutôt de savoir «trier». Car l'ancien modèle peut constituer une base de départ.