Fêter le 59e anniversaire de la République est un moment d'une symbolique historique avérée. Il nous invite surtout à une mobilisation générale et continue en vue de préserver l'idée républicaine contre tous les dangers qui la guettent Aujourd'hui, lundi 25 juillet, les Tunisiennes et les Tunisiens fêtent le 59e anniversaire de la République, un certain 25 juillet 1957 quand les membres de l'Assemblée nationale constituante issue des élections d'avril 1956 ont décidé de déloger Mohamed Lamine Bey, le dernier bey de la dynastie husseinite (1705-1957), et d'élire le leader Habib Bourguiba, à l'époque Premier ministre du même bey, au poste de premier président de la République tunisienne. Le rappel historique ne participe pas de la nostalgie ou de la propension de certains à se remémorer le bon vieux temp «quand la Tunisie était gouvernée par des personnes qui remplissaient les sièges qu'elles occupaient», comme diraient les nostalgiques de l'époque bourguibienne et même, dans des proportions un peu plus étroites, ceux qui vivent toujours dans l'ère Ben Ali. Il s'agit, plutôt, d'un attachement de plus en plus profond à l'idée républicaine et à son essence à un moment où la confusion, l'ambiguïté et les calculs partisans inavoués et aussi avoués (nos politiciens post-révolution ne cachent plus rien de leurs projets et agissent à découvert) menacent sérieusement l'édifice républicain bâti à force de sacrifices énormes consentis durant près de 60 ans se trouvant aujourd'hui l'objet de convoitise de plusieurs courants politiques ayant pignon sur rue et agissant légalement. Malheureusement, leur premier objectif déclaré et écrit noir sur blanc dans leur statut est bien la destruction du régime républicain et l'éradication de ses institutions. Que la Tunisie traverse une crise économique grave rappelant les derniers mois de 1986, qu'elle se trouve dans une situation politique inédite marquée par une coalition gouvernementale qui cherche par tous les moyens à déloger un chef de gouvernement qu'elle a porté elle-même au pouvoir, que l'on assiste à une rupture quasi définitive entre l'élite politique au pouvoir et dans l'opposition, d'une part, et l'ensemble du peuple, que les jeunes qui ont chassé Ben Ali du pouvoir considèrent aujourd'hui que leur révolution a été confisquée, que les femmes crient leur colère de voir leurs acquis menacés de disparition alors qu'elles s'attendaient à ce qu'ils soient renforcés, que les intellectuels et les créateurs se sentent les mal-aimés de la révolution et les oubliés de ses dividendes, etc., il reste toujours la République, le dernier rempart contre toutes les dérives, contre toutes les tentations d'arrêter la marche de l'histoire et contre tous les projets obscurantistes et passéistes. Aujourd'hui, on ne fête pas l'accès de quiconque aux palais de Carthage, du Bardo et de La Kasbah, on ne rend pas hommage aux partis politiques qui prétendent injustement avoir fait la révolution. On dira tout simplement notre attachement à la République, notre ambition de voir ses institutions fonctionner normalement et assumer pleinement les missions pour lesquelles elles ont été créées et aussi notre foi en la capacité de notre pays à sortir de la crise multiforme dans laquelle il semble s'enliser et à mériter de la confiance et de la crédibilité dont il bénéficie encore sur le plan international. Notre espoir est grand de voir la classe politique nationale saisir la valeur de l'instant historique par lequel passe le pays et la symbolique de la fête qu'ils célèbrent. Et que nos politiciens décident de tourner la page, de laisser de côté leurs divisions, d'ajourner leurs ambitions et de se consacrer à l'essentiel: la construction de la IIe République sur des bases saines et solides, en évitant les erreurs du passé et en rompant avec les errements du présent.