Par M'hamed JAIBI Disons-le sans ambages, sans la liberté apportée par la révolution démocratique, ce scandale aurait été tu comme tant d'autres avant lui. Liberté de presse, de Facebook, de justice, d'enquête, d'esprit, de révolte... Mais cette aubaine ne suffit pas à légitimer une banalisation de l'affaire. Et une minoration des sanctions, doublée d'une nette tendance à circonscrire les implications diverses en cause. Les aveux d'un chirurgien Un chirurgien cardiovasculaire a même, alors qu'il faisait l'aveu de sa responsabilité dans plusieurs cas de pose de stents périmés, imputé tout simplement la responsabilité aux pharmaciens des cliniques privées. Des vacataires aux ordres sans réel pouvoir en matière d'approvisionnement, sans compter que dans plusieurs cliniques, les stents ne transitent même pas par les pharmacies. Et l'Ordre des pharmaciens d'éviter la polémique en jetant la pierre aux «techniciens». Et il est inacceptable d'entendre des médecins et des cadres du ministère de la Santé se justifier maladroitement en affirmant que les stents périmés présentent peu de risques pour les malades sur lesquels ils ont été posés. La vigilance de l'équipe médicale Comment donc un stent périmé ayant contourné toutes les mailles peut-il, une fois arrivé en «salle de cathétérisme», échapper à la vigilance de l'équipe médicale, des infirmiers, des aides-soignants, des brancardiers ? Et comment les propriétaires et gérants des cliniques en cause laissent-ils faire, au risque de nuire à la santé des malades et de saper l'image de leur établissement ? La médecine tunisienne mérite mieux que ce scandaleux laisser-aller qui exige maintenant un sérieux retour à la rigueur, à la discipline et aux sanctions dissuasives. Car les cliniques sont des acquis pour la santé des Tunisiens et un secteur florissant de l'économie nationale à retentissement stratégique. Ne serait-ce que dans la perspective de la promotion du tourisme médical. L'exemple du secteur des médicaments En fait, il s'agit d'abord de se poser la question du respect des lois, normes, réglementations, vérifications, contrôles, inspections... toutes les mailles que l'Etat tunisien a mises en place dans divers secteurs et qui, dans le domaine du médicament, ont fait la preuve de leur rigueur et efficacité. Pourquoi donc dans un domaine à risques aussi sensible que les dispositifs médicaux, on se serait passé de la rigueur qu'exigerait la santé des citoyens. Ce alors que les dispositifs médicaux, dont les prothèses, sont souvent placés chirurgicalement dans l'organisme du patient, nécessitant des conditions particulières de sécurité et d'innocuité. Revoir tout le dispositif et aller au-delà Le ministre de la Santé et le directeur de l'inspection au ministère ont affirmé sans broncher que les textes et les cahiers des charges relatifs aux dispositifs médicaux ne sont plus à la page et ne permettent pas la traçabilité de ces dispositifs. Un douloureux aveu qu'il s'agit de reprendre au vol, en une immédiate entreprise de relecture et de réforme de fond qui puisse associer toutes les professions de santé et les associations de malades. Mais, en parallèle, la vigilance des pouvoirs publics doit absolument aller au-delà du simple fait divers, pour traquer les responsabilités et les défaillances ayant conduit à la scandaleuse utilisation massive de ces stents périmés. D'où viennent-ils, qui en assume la responsabilité, quels rouages sont impliqués ou complices ? Car si l'on reconnaît déjà 14 cliniques ayant fait usage de ces stents périmés, c'est que l'on peut songer à un réseau malfaisant. Que Dieu nous en préserve ! M.J.