La dernière rencontre éliminatoire de la CAN 2017, le 3 septembre à Monastir devant le Liberia, sera décisive pour l'équipe de Tunisie. L'ancien entraîneur national et DTN, Ameur Hizem, qui met en garde les hommes de Kasperczak dans ce rendez-vous de la vérité, jette par ailleurs un regard pertinent sur la réalité du foot national. «Les Aigles jouent gros, assure-t-il. Pour composter le ticket du Gabon 2017, ils doivent négocier avec le plus grand sérieux la sortie décisive contre le Lone Star du Liberia. Le 3 septembre, ce sera le genre de match à quitte ou double. Même devant ce pays qui ne possède pas un gros palmarès, on n'est jamais à l'abri d'une mauvaise surprise ou d'une grosse défaillance. Y compris en Afrique, où le niveau a sensiblement évolué, il n'y a plus de sélection facile. A fortiori quand on sait que le foot national a connu ces dernières décennies un déclin brutal», soutient le vainqueur de la médaille d'or en coupe de Palestine 1973 et de la médaille d'argent aux Jeux méditerranéens d'Izmir en 1971. Lequel a sa petite idée sur ce déclin. «Il ne s'agit pas de faire endosser la responsabilité du déclin de notre football à une partie aux dépens d'une autre, observe-t-il. Pourtant, je continue à croire que les premiers responsables, ce ne sont ni les membres fédéraux ni les arbitres. Ce sont plutôt les dirigeants et les entraîneurs des clubs. De nos jours, on assiste à des choses vraiment ahurissantes. Le technicien doit donner l'exemple. J'ai longtemps travaillé au sein de la direction technique nationale, et je peux certifier que la fédération est souvent injustement montrée du doigt. En effet, tout commence à partir des clubs qui doivent donner du temps à l'entraîneur. L'expérience-pilote de la Sélection 1971 doit interpeller les consciences. Mondher Ben Ammar et Foued Mbazaâ ont mis en place un projet pour l'équipe de Tunisie dans la perspective des Jeux méditerranéens 1971. J'ai pris les joueurs à partir de la catégorie cadets pour les accompagner jusqu'à la catégorie seniors. Il était important de leur inculquer comment se comporter face aux grandes nations du football, les Allemands, Italiens, Français...De façon à ce que, une fois parmi les seniors, ils se débarrassent complètement du fameux «complexe de l'étranger».Le foot national avait essuyé de cuisants échecs contre la Hongrie B (6-1), l'équipe du FLN (8-1), et il lui fallait réagir. Ce travail de base a donné ses fruits. Nous avons fini par jouer d'égal à égal avec les plus grandes nations: malgré la défaite face au Brésil (4-1), nous avons sorti le grand jeu. Nous avons battu la sélection olympique allemande avec ses vedettes Breitner, Hoeness... (2-0). Je me rappelle qu'avant ce dernier match, un entraîneur yougoslave exerçant en Tunisie était venu me voir pour me dissuader de programmer ce test. «Les Allemands ont dominé toutes les sélections africaines contre lesquelles ils viennent de jouer. Vous allez prendre une raclée. Vous risquez personnellement votre poste car la fédération ne va pas apprécier ce revers», m'a-t-il expliqué. Je lui ai répliqué: «Je n'ai peur d'aucune équipe. J'aime les challenges». Eh bien, je l'ai rencontré après le match. Il m'a dit qu'il ne pensait pas la Tunisie capable d'une telle prestation. Depuis un certain temps, nous avons abandonné toute planification. Nous avons tout sacrifié sur l'autel du résultat immédiat», déplore le technicien originaire de Monastir. «Au jour le jour» Hizem trouve l'expérience pro prématurée. «Le professionnalisme a été une calamité pour notre football. Je me rappelle que, lors d'un Conseil national tenu dans un hôtel de la place, j'ai été le seul à m'opposer à Raouf Najjar et à Slim Chiboub qui voulaient installer le professionnalisme. Dans mon intervention en tant que représentant du ministère, j'ai rappelé l'exemple de l'Allemagne qui a longtemps opté pour le semi-professionnalisme avec un championnat à 4 poules. Les joueurs travaillaient le matin et s'entraînaient l'après-midi. Sortie exténuée par la Seconde Guerre mondiale, l'Allemagne a su remonter la pente, y compris en football pour arriver à un chiffre ahurissant de six millions de licenciés en football. Chez nous, l'installation du professionnalisme est prématurée: nous n'avons ni les structures, ni les stades, et encore moins la mentalité. Aucun club n'a son propre stade. Les budgets sont largement insuffisants. A-t-on idée qu'un club pro, l'Olympique Sidi Bouzid, puisse déclarer forfait dans un match de coupe au motif qu'il n'a pas les moyens de mettre sur pied une équipe compétitive ? La saison dernière, le Stade Gabésien a failli déclarer forfait en coupe d'Afrique. Là aussi, pour des raisons financières. Souvent, les joueurs restent impayés durant des mois», conclut-il.