«Au fil de notre antagonisme, c'est tout le contraire qui s'est passé en dehors de la pelouse». Considéré dés l'année 1969 comme l'un des meilleurs avants du pays, Moncef Khouini était redouté lors des derbys. Marqué à la culotte comme on dit, il fallait s'y prendre parfois à deux pour le tenir en respect. Gaddour, son adversaire et ami de toujours en sait forcément quelque chose. Et à Moncef Khouini de replonger dans le passé avec un brin de nostalgie quand il nous parle du voisin «sang et or» et de son duel à couteaux tirés avec Abdelkader Ben Sayel: «Pour moi, Gaddour a eu le mérite de redonner un peu de corps à un cliché du football. La meilleure attaque, c'est la défense. Car Abdelkader fait partie de ce profil de défenseur tenace qui ne lâche jamais sa proie, sa cible. Il ratisse, quadrille et anticipe mes amorces. C'est un grand défenseur au registre de jeu assez varié. Petit de taille, toujours sur la brèche, il compensait cela par sa célérité et un jeu athlétique. Au fil de notre antagonisme, c'est tout le contraire qui s'est passé en dehors du terrain ou nous sommes devenus quasi inséparables. Jusqu'à nos jours, notre amitié n'a jamais connu un temps d'arrêt. Gaddour était une icône, un modèle d'arrière latéral. Hassen Belkhodja ne jurait que par lui, quant à Azouz Lasram, demandez-lui ce qu'il pense de Gaddour. Il le considérait comme un spécimen de rigueur et de professionnalisme en période d'amateurisme. Il a su tirer son épingle du jeu en côtoyant différentes générations de joueurs vertueux à l'EST. De Gobantini à Tarak Dhiab en passant par Akacha, Adel Latrach et j'en passe bien avant. A son rythme, il a illuminé les derbies par ses anticipations, ses acrobaties et sa détermination. Nous étions adversaires sur le terrain mais notre amitié n'a jamais connu de remous. C'est vers lui que je me tourne pour demander des conseils ou lors d'une décision importante à prendre. Comme quoi, l'amitié peut aller au-delà du sport». «Ambiguïté, soupçon d'animosité et amitié» «L'ambiguïté de la situation faisait que notre amitié est forte, on traîne ensemble et on passe du bon temps. Quand on est sur le terrain, on devient concurrents. Quand on joue, on est capable de ne pas s'adresser la parole ou bien de se chambrer. On ne se fait pas de cadeaux. Je souhaite le meilleur à ce gars, il me le souhaite également, mais sur le terrain, c'est la guerre. Pourtant, cela ne se traduit pas forcément par de l'animosité entre nous. On bataillait dur tout au long des 90' et puis rideau. Beaucoup de puristes l'on compris assez tôt rien qu'en regardant nos duels. Ils ont fait allusion à ces liens qui se ressentent dans le jeu. Bref, on construit une camaraderie, une amitié en dehors du stade, car après, on joue pour les autres sur le terrain. On donne tout pour gagner des matches, même des matches de reprise. On comprend les enjeux, l'on a conscience de ce qui se passe, mais en même temps, nous sommes là et nous profitions de chaque instant». Pour le meilleur buteur du championnat de Tunisie lors de l'édition de 1973, le derby, c'est la fête, la passion et des retrouvailles indescriptibles avec son ennemi intime, Gaddour. Bardé de titres, Khouini n'en pense pas moins que les chocs face à l'EST ont une saveur particulière et remettent au goût du jour cette rivalité sur fond d'antagonisme exacerbé: «Lors de la saison 1970, même quand il faisait convenablement son boulot sur le terrain, ne m'accordant aucun répit, je changeais mon fusil d'épaule pour finalement tromper le grand Mokhtar Gabsi. C'était magique pour nous face à un adversaire réputé. Vous savez, les jeux méditerranéens, la Coupe du Maghreb des clubs champions et la Coupe du Maghreb des vainqueurs de coupe ne peuvent pas avoir la même aura qu'un derby. Parlez-en à Hassan Bayou, le meilleur buteur des derbies avec neuf réalisations. Demandez à Gaddour de vous compter l'épisode de l'échange de fleurs entre les joueurs des deux camps avant l'entrée sur le terrain. Au moment de m'offrir la sienne, il lui a arraché les pétales, transformant le bouquet en sinistre ramassis de plantes écrasées. Ça, c'était pour prendre l'ascendant psychologique. Ce qui ne m'a pas empêché de réaliser une percée et de le prendre à défaut».