Par Abdelhamid GMATI Youssef Chahed a gagné son pari en obtenant la confiance des députés de l'ARP pour le gouvernement qu'il a choisi et imposé malgré les réticences et les pressions des uns et des autres. Il jouit donc d'une large majorité avec 167 voix, 5 abstentions et 22 opposants. Cela le conforte pour la mise en œuvre de sa nouvelle vision. Il a d'ailleurs été précis dans ses propos : « Je ne suis pas là rien que pour obtenir le vote de confiance, mais c'est pour que vous acceptiez notre nouvelle vision. Nous devons tous être là pour la Tunisie et ma main restera toujours tendue vers vous ». Pour frapper les esprits des députés et des Tunisiens, il a emprunté une formule du regretté et martyr Chokri Belaïd: « Il nous faut tous soutenir notre Tunisie ». Que retenir de cette séance marathon de l'ARP ? Deux choses importantes : son discours de présentation de son gouvernement, de ses orientations et de ses priorités était direct, clair, passionné, traduisant le « parler vrai », prononcé en arabe dialectal, en tunisien. Comme sa façon de « prendre d'assaut » les marches menant à la tribune, le nouveau chef du gouvernement était déterminé, brassant un tableau sans complaisance de la situation du pays mais optimiste quant au succès final, appelant les Tunisiens, les responsables politiques, la société civile, les médias et les organisations nationales à s'insérer dans une logique de sauvetage du pays. Un sauvetage auquel il croit dur comme fer. Il a d'ailleurs été ovationné par une majorité de députés. A côté de cela, qu'avons-nous eu ? Il y a eu des députés qui ont été sensibles à la détermination de l'orateur, rappelant quelques problèmes de détails ou insistant sur l'un ou l'autre des défis relevés par le discours. Mais d'autres se sont lancés dans les diatribes d'usage, palabrant et s'écoutant parler, outrepassant souvent leur temps de parole. Et on a entendu de belles. Ainsi le député du Courant démocrate, Ghazi Chaouachi, a fait un procès d'intention au futur chef du gouvernement lui reprochant de n'être pas suffisamment mobilisé dans la lutte contre la corruption ; et il a cru bon de rappeler la nécessité pour les membres de l'exécutif de se plier à la loi et de déclarer leurs biens au début et à la fin de leur mandat. Le député devait sommeiller : d'abord, Chahed n'a pas encore pris ses fonctions ; ensuite, dans son discours, il avait placé la lutte contre la corruption comme l'une des priorités de son action ; et il avait pris l'engagement de veiller à ce que les membres de son gouvernement fassent leurs déclarations de patrimoine dans les deux semaines. Le député d'Al Irada, Mabrouk Hrizi, a voulu faire l'intéressant en déchirant une copie du document de l'Accord de Carthage, le programme adopté par plusieurs partis et organisations nationales et devant être mis en œuvre par le gouvernement. Samia Abbou, comme d'habitude, énervée et acariâtre, n'a pas hésité à insulter certains membres du gouvernement, allant jusqu'à les traiter de « racaille ». Ne parlons pas de certains autres, comme ceux du Front national, qui ne ratent aucune occasion pour être négatifs. L'un d'entre eux reproche à Chahed de parler d'austérité alors que le gouvernement compte 40 membres. Chahed a juste prévenu que si la situation du pays n'était pas redressée, on irait vers l'austérité. Il n'a jamais dit qu'il adoptait une politique d'austérité dans l'immédiat. Au contraire, il a appelé au travail pour s'en sortir. Mais il n'est pire sourd que celui ne veut pas entendre. Beaucoup ont versé dans le populisme et mettant tout sur le dos du gouvernement même s'il n'a pas encore pris ses fonctions. Alors que pour aider le peuple, il faut s'investir et travailler. Mais il n'y a pas que dans l'hémicycle que l'on trouve ces « combattants de l'arrière-garde ». Dans une émission de télé, un professeur, constitutionnaliste reconnu, dans sa recherche d'arguments attaquant Chahed, n'a pas trouvé mieux que de lui reprocher de constituer un gouvernement de 50 membres. A notre connaissance, il y a 26 ministres et 14 secrétaires d'Etat. Cela fait au total 40. Le prof ne saurait-il pas compter ? Ou lui faut-il des « bûchettes d'écolier » pour réussir une simple addition ? Les critiques n'ont pas manqué mais plus de 90% n'ont porté que contre les personnes. Rares sont celles qui ont abordé des idées, des propositions, des opinions. Bref, on nage dans la médisance et la médiocrité. Tous ces pseudo-débats ne font que jeter le trouble dans les esprits. A l'ARP, la plupart des interventions n'ont rien apporté et étaient inutiles. On se demande ce qui arriverait si la Télé nationale ne retransmettait plus les séances dans leur intégralité. Juste un résumé de l'essentiel. Les séances seraient, à coup sûr, beaucoup plus courtes.