Par Samira DAMI Il n'avait que 25 ans, jeune cinéaste et technicien du son, activiste de la société civile, Adnen Meddeb a succombé, dans la soirée du mercredi 24 août 2016, des suites d'une crise cardiaque à l'hôpital de Kélibia. Figure connue du cinéma amateur et du cinéma tout court, membre de la Ftca (Fédération tunisienne du cinéma amateur) et également membre organisateur du Fifak (Festival international du film amateur de Kélibia), à plusieurs reprises, celui qu'on surnommait Danino s'adonnait fébrilement, avant de décéder, aux préparatifs d'une autre manifestation estivale dont il était le cofondateur avec son frère aîné, Marwane Meddeb, ainsi que d'autres activistes de la région : le festival-camping de Hammam Ghezaz (El Khima) ou «La tente estivale de l'image et de l'expression artistique» qui cible aussi bien les petits que les grands. La réussite et le succès de cette manifestation lui tenaient à cœur, mais le destin en a voulu autrement : le cœur de Adnen a lâché, la fatigue intense et l'épuisement aidant. Initié en 2006 dans ce village balnéaire du Cap Bon, le festival, ayant accueilli un grand nombre de cinéastes, de musiciens, d'artistes et de journalistes, n'a duré que trois ans. Se focalisant sur les arts alternatifs et le monde artistique de l'underground, il s'étalait sur trois journées et autant de nuits mais ce qui est sûr, c'est qu'il dérangeait alors les autorités qui s'acharnaient à lui mettre des bâtons dans les roues. C'est ainsi qu'en raison de la bureaucratie, du manque de moyens financiers et de la rétivité du régime à toute liberté d'expression qu'«El Khima» s'est éclipsé pendant 7 ans. Toutefois, cette année, ses fondateurs ont tenu à le ressusciter, hélas, Adnen Meddeb n'en verra pas les péripéties, mais le festival a eu bien lieu et portera désormais son nom. Les proches et amis du disparu en ont décidé ainsi afin de rendre hommage et d'honorer la mémoire de l'activiste disparu. Adnen, ce gavroche de la révolution Adnen Medded n'est pas seulement un amoureux du 7e art, c'est aussi un militant de gauche, plus précisément du Front populaire, féru des droits de l'Homme qui a été découvert par les Tunisiens grâce à l'un des magnifiques instantanés de la journée du 14 janvier 2011 : dans cette photo prise devant le ministère de l'Intérieur, il apparaît en avant-plan, tel Gavroche, aux côtés de Mohamed Soudani, membre du Parti ouvrier communiste tunisien et on le voit poussant, à l'évidence, un cri de révolte tout en levant un doigt accusateur protestant contre la tyrannie, la répression des libertés et l'injustice. Or, justement, l'un de ses courts-métrages «On the road», produit par la Ftca en 2013, et projeté la même année au Fifak, se déroule en pleine révolution, dénonce la répression policière et appelle à la liberté d'expression et à la laïcité. Adnen Meddeb, à l'image de milliers de jeunes, a cru en la révolution et au changement, mais il a très vite déchanté vu la tournure des événements. Arrêté et condamné en 2015, avec un ami, alors qu'il était membre du comité organisateur de la JCC (Journées cinématographiques de Carthage), pour la découverte par la police de papier à rouler les cigarettes dans le coffre de la voiture, en plein état d'urgence et couvre-feu instauré en novembre 2015, il a été condamné à un an de prison ferme et à 1.000 dinars d'amende avant d'être relaxé devant la Cour d'appel. Ce qui a provoqué une mobilisation pour l'abrogation de la loi 52 du code pénal. Ce projet de loi traîne encore, car il n'est toujours pas passé devant l'ARP. Adnen symbolise cette jeunesse dupée et déçue qui a rêvé la révolution et le changement mais qui, vu les nombreux obstacles et les portes closes, semble avoir perdu ses illusions. C'est pourquoi tout l'intérêt du nouveau gouvernement doit viser en premier lieu les jeunes en leur offrant toutes les opportunités possibles de travail, de création, de réussite et d'accomplissement de soi. Cela afin d'éviter que la Tunisie, à l'image du dieu grec Cronos, ne dévore ses propres enfants.