La fête a été une réussite totale, compte tenu de la grande affluence dans cette charmante petite ville portuaire célèbre. L'avenue Roosevelt a été fermée à la circulation automobile durant deux jours (25 et 26 août) pour accueillir la fête du poisson. Une tradition de retour après 5 ans d'absence. Cette fête devait avoir lieu le 15 août qui marque la fin de l'été et que les pêcheurs dénomment « la sortie de la Madone ». Mais, cette année, les dates ont été déplacées pour des raisons d'organisation. Ce qu'il faut noter de prime abord, c'est que la fête a été une réussite totale, compte tenu de la grande affluence dans cette charmante petite ville portuaire célèbre pour la cohabitation des trois communautés juive, chrétienne et musulmane. Bien que la procession n'ait plus lieu, La Goulette continue de fêter l'événement en présentant un programme d'activités alliant gastronomie et musique qui fait le bonheur de tous. Reportage Deuxième journée de la fête du poisson. Il est 19h30, le rond-point conduisant à l'avenue Roosevelt commence à être saturé. Les conducteurs essaient de trouver dans les rues adjacentes une place pour garer leurs voitures. Certains commerçants et gargotiers ont placé des chaises devant leur boutique pour signifier qu'on ne peut pas se garer à cet endroit. Pas facile de trouver une place, vu le nombre de véhicules. Une fois la voiture garée, on traverse la place pour rejoindre la rue Roosevelt. En dehors de cette rue réservée pour la fête du poisson, d'autres pizzerias et restaurants ont occupé les trottoirs, voire les chaussées avec des tables et des chaises pour participer à cette fiesta. Ambiance festive Aux abords de l'avenue Roosevelt, les Goulettois en famille se sont regroupés autour du bassin à la recherche d'une brise marine. Les femmes, avec leurs paquets de glibettes blanches importées de Turquie, surveillent leurs gamins partis faire un tour dans un manège installé pour la circonstance près de la Karaka. Les prix sont abordables : 0,500 dinar la tournée. Les enfants s'en donnent à cœur joie. «La plupart des Goulettois n'iront pas manger dans les restaurants. C'est pour les autres qui n'habitent pas dans la région» révèle une Goulettoise. Et d'ajouter : «Ce qui nous intéresse, c'est l'ambiance festive et le concert de musique». Une fumée chargée d'odeur de poisson provient de l'avenue Roosevelt. Les tables commencent à se remplir. Le service est rapide dans tous les restaurants. Certains ont doublé le nombre de serveurs. Devant chaque restaurant, un rabatteur invite les éventuels clients. Certains préfèrent faire un tour avant de s'installer. Mais tous les restaurants qu'ils soient touristiques ou autres proposent le même menu : un brik à l'œuf comme entrée (pas la Danouni) et un plat de poisson daurade ou loup d'élevage accompagné d'une tastira, salade tunisienne et de frites avec un prix unique 10 dinars. Les boissons et autres extra ne sont pas compris. Devant certains restaurants, un vendeur de figues de barbarie propose les quatre pièces à 0,800 dinar. Les autres petits vendeurs de jasmin ou de kaki profitent de l'opportunité pour liquider leurs marchandises ainsi que les marchands de jouets pour enfants. L'ambiance est à la fête populaire et rappelle celle de l'Aid El Fitr. La nuit commence à tomber, et les gens d'affluer de plus en plus. Une famille composée de six personnes (le père, la mère, la grand-mère et leurs trois enfants, venus d'Ezzahra), s'installe sur la terrasse d'un des restaurants. Le serveur vient rapidement, prend la commande : trois loups et trois daurades, une bouteille d'eau et trois cannettes de boissons gazeuses. « C'est la première sortie que nous faisons cette année à la banlieue nord », avoue le père de famille. Après avoir réglé l'addition (70 dinars) sans présentation de la facture évidemment, la famille se dirige vers un café pour continuer la soirée et assister au concert prévu. Vente conditionnée Il est 21h30, la fête bat son plein. Sur la place publique, un espace en hauteur a été aménagé pour abriter l'orchestre qui doit assurer le concert. Les musiciens mettent au point leurs instruments. Deux baraques ont été improvisées en cafés. Presque plus de place. Toutes les tables sont occupées. La famille d'Ezzahra repère, au loin, une table vide, le père s'y précipite pour l'occuper. Il faut trouver des chaises pour le reste des membres. Une fois assis, intervient le serveur : «Thé aux amandes ou au pignon ? » propose-t-il. «Ni l'un, ni l'autre. Trois thés simples sans amandes, ni pignons et trois sodas » commande le père. «Ah non, nous ne servons que le thé aux amandes ou aux pignons. Ce sont les ordres du patron», martèle le serveur. Entre sodas et thés, cette famille devra casquer une vingtaine de dinars. La famille d'Ezzahra a choisi de laisser tomber ce café, par principe, et de se diriger vers un petit café en face dont le prix d'un thé à la menthe est deux fois moins cher (0,500 dinar). De l'endroit où ils sont, ils peuvent assister au concert qui n'a pas encore démarré. Une autre famille formée de quatre membres a préféré dîner à la maison, puis venir participer aux festivités. «Avec 10 dinars, j'ai acheté un kilo de daurade et je l'ai préparé à la façon de la Goulette, c'est-à-dire tastira, salade et frites. C'est plus propre et moins cher», lance la dame. Son mari l'interrompt pour expliquer qu'il n'a pas les moyens d'offrir à sa famille un dîner surtout qu'en perspective, il faut penser à l'Aid El Kébir et la rentrée scolaire. La tradition veut que la fête du poisson soit accompagnée d'une représentation de stambali. Autour d'un petit podium improvisé à l'avenue Roosevelt, les gens sont attroupés pour voir le spectacle. Les enfants en bas âge sont placés sur les épaules des parents pour mieux voir la scène. «Nous profitons du spectacle, nous n'avons pas les moyens de nous offrir un diner», admet un spectateur venu des environs de La Goulette. Dans cette joyeuse cacophonie, l'odeur de l'encens se mêle à celle du poisson et la musique à celle des klaxons des voitures. La Goulette veillera tard ce soir-là. Au revoir et à l'année prochaine.