Il a fallu faire pression sur l'administration pour que l'étude géotechnique relative au projet de réalisation du service des urgences à Kasserine soit fin prête en quelques semaines et remédier ainsi à un retard de dix mois Le rôle de la société civile dans la promotion du développement local a fait l'objet, hier, d'un point de presse organisé par le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (Ftdes). Cette rencontre a permis de lever le voile sur les actions menées par les membres du Ftdes à Kasserine comme à Redaïef dans l'optique d'inciter les parties concernées quant à la réalisation de certains projets de développement dans ces régions ; des projets qui, bien que vitaux, se heurtent à maints obstacles dont le manque de transparence financière. «Le rôle de la société civile ne se limite point aux seules protestations sociales. Il doit, inéluctablement, inclure l'accompagnement et le suivi des projets régionaux», indique M. Massaoud Romdhani, membre du Ftdes. Dans les régions défavorisées, les projets envisagés ou en cours de réalisation sont souvent freinés par des obstacles d'ordre administratif, financier, foncier mais aussi par des manœuvres malsaines qui laissent soupçonner des actes de corruption. La conférence de presse a été l'occasion de se pencher sur deux dossiers à la fois vitaux et épineux, à savoir le projet d'instauration d'un service des urgences à l'hôpital régional de Kasserine et le projet de protection de Redaïef contre le risque des inondations. Hôpital régional de Kasserine : le non-sanitaire Prenant la parole, M. Aman Allah Missaoui, membre du Ftdes à Kasserine, rend compte des interventions menées auprès des autorités régionales afin de les inciter à convertir le projet du service des urgences en réalité. Ce jeune militant donne un aperçu alarmant sur l'état délabré et piteux du seul hôpital régional à Kasserine. Les photos projetées témoignent d'un laisser aller institutionnel et d'un irrespect palpable des règles de l'hygiène. Cet établissement, censé pourtant garantir le droit à la santé de près de 450 mille habitants, reçoit, annuellement plus de 116 mille patients dans des conditions lamentables : des chariots datant des années 80, absence des équipements essentiels au diagnostic, dont un scanner. «Les événements de Khmouda ont dévoilé la déficience matérielle et l'inefficience des prestations. Certes, mais les dégâts humains sont monnaie courante à l'hôpital : en février 2014, plusieurs nouveau-nés ont péri suite à une coupure d'électricité. En mars 2015, et à défaut du respect des normes internationales des vaccins, trente élèves ont eu de sérieux malaises dont deux sont entrés dans le coma. Quant au service de maternité, il peine à offrir des prestations de qualité à défaut d'eau potable. En 2015, ce même service ne disposait d'aucun gynécologue à même de venir en aide aux patientes et ce, six jours durant», relate-t-il. Le projet d'instauration d'un service des urgences s'inscrit dans le cadre de la construction d'un établissement comptant cinq services, auquel une enveloppe de plus de 11 MD a été allouée. Le service des urgences nécessite, à lui seul, une enveloppe de 3,43 MD. Les jeunes membres de l'annexe du Ftdes à Kasserine se sont portés volontaires pour faire pression sur les parties concernées et suivre le déroulement du projet du service des urgences à l'hôpital régional de Kasserine. Les «urgences» n'urgent-elles pas ? En effet, l'étude technique, — qui compte le croquis typographique, l'étude géotechnique et la signature des contrats avec les ingénieurs —, traîne toujours alors qu'elle devait être finalisée au bout de trois mois. Dix mois se sont écoulés sans que l'étude géotechnique ne soit élaborée et les contrats ne soient signés. « Nous sommes intervenus pour faire pression sur l'administration, suite à quoi des réunions d'urgence ont été tenues en août dernier. Finalement, le retard a été remédié en quelques semaines. L'étude géotechnique a été annoncée comme finalisée le 23 août 2016. Une phase qui devrait être suivie de l'élaboration du cahier des charges et du lancement de l'appel d'offres dans un délai de dix jours. «Mais l'événement de Khmouda a tout chamboulé : le directeur de l'hôpital ayant été remplacé, l'avancement des procédures a été ralenti», note M. Missaoui. La société civile appelle vivement à l'ouverture d'une enquête susceptible de notifier les dégâts tant humains que matériels, résultant du retardement du projet et d'identifier les responsables. Elle recommande, en outre, la relance du projet et le respect infaillible des délais, et ce, conformément aux critères et normes juridiques. La société civile recommande, aussi, d'avoir un droit de regard sur les documents et les procédures relatifs au projet. Lutte contre les inondations : Redaïef n'a pas relevé son défi M. Rebah Ahmadi, militant de la société civile à Redaïef, étale le dossier de la protection de la ville de Redaïef contre les inondations et, plus exactement, contre l'excédant des eaux provenant des oueds. Il faut dire que l'administration des hydrauliques urbaines, relevant du ministère de l'Equipement, de l'Habitat et de l'Aménagement du territoire a établi, en 2012, un programme intégral à cet effet. L'objectif étant de canaliser le surplus d'eau vers l'extérieur de la ville de Redaïef. Ce projet, dont le coût s'élève à 15 MD, devait prendre fin en 2014; un délai qui n'a pas été respecté. En réaction au laxisme des parties concernées, la société civile a sollicité l'avis d'un ingénieur en génie civile pour évaluer le taux d'avancement qui, selon l'administration des hydrauliques urbaines, s'élève à 90%. L'expertise juge, en revanche, qu'il n'excède point les 60% ! L'orateur passe en revue plusieurs points d'interrogations qui confèrent au dossier un aspect de flou voire d'opacité budgétaire. Des soupçons de corruption intriguent les membres de la société civile surtout que plusieurs déficiences matérielles et techniques ont été interceptées, notamment la construction des enceintes sur des murs désuets, le manque de matériaux lourds, etc. «Il y a une sorte de normalisation de la corruption dans la région», fait-il remarquer. Aussi, la société civile recommande-t-elle le recours à un audit indépendant pour examiner l'avancement du projet. Il est question, dans le cas d'une corruption prouvée, de recourir à la Justice et de remettre le dossier à l'Instance nationale de lutte contre la corruption.