Les enfants tunisiens sont-ils plus exposés au danger au sein même de leur famille que dans l'espace public ? Oui. Ce constat douloureux est confirmé dans le rapport annuel de la Délégation générale de protection de l'enfance. En effet, 63% des enfants sont menacés de dangers divers dans leur environnement familial. Les pères figurent en haut de la liste des sources de menaces, suivis des mères. Cette réalité se trouve, de surcroît, véhiculée, tel un exploit, sur les réseaux sociaux. Après la vague de publications, sur les réseaux sociaux de photos montrant des enfants en train de consommer de l'alcool en présence de leurs parents, les internautes viennent de dévoiler des photos des fiançailles d'une enfant de douze ans ! Maquillée comme une adulte, s'adonnant à des pauses enlacées, la fillette ignore qu'elle consent, souriante, à l'atteinte à sa vie, à son avenir et à son droit à la protection. Le choc opéré sur le public internaute a été renforcé par l'intervention du délégué régional de protection de l'enfance à Gafsa sur les ondes de radio Shems FM. Le responsable qui porte la casquette de protecteur de l'enfance n'a pas hésité à énumérer divers arguments inimaginables, tendant à banaliser le fait et à légitimer cette pratique pourtant insensée, voire immorale. M. Hamadi Meaâyar, délégué général de protection de l'enfance, a accepté de commenter ce fait à titre personnel et non professionnel. A son sens, célébrer les fiançailles d'une enfant constitue une offense à la politique nationale de protection de l'enfance et une atteinte à l'intégrité physique et psychique de l'enfant. N'étant point mature et étant en pleine phase de développement naturel ( psychique, affectif, physique et intellectuel), la fillette âgée de seulement douze printemps, n'est pas apte à s'engager dans une relation officielle ni à prendre des décisions vitales. «Cette enfant a toute une vie devant elle. Elle ne sera capable de prendre une telle décision qu'à partie de l'âge de 18 ans ; soit dans six ans au minimum. En attendant, elle doit être placée sous la protection et l'autorité familiale et parentale et non sous l'autorité d'un fiancé !», indique M. Meaâyar. Et d'ajouter qu'un tel engagement imposé par la famille de l'enfant constitue une réelle «destruction» de la vie, de l'avenir de l'enfant. Notons que l'affaire de la petite fiancée sera traduite devant le juge de la famille, puis devant le procureur de la République, qui décideront des poursuites judiciaires et du suivi pénal appropriés. S'agissant des dizaines de photos montrant des parents initiant leurs progénitures au rituel bachique, le délégué général de protection de l'enfance rappelle que des procédures pénales strictes ont été prises à l'encontre de ces parents. «Personnellement, je n'arrive pas à cerner les motifs pour lesquels des parents s'adonnent à de pareils agissements ! Est-ce une manière de défier toute autorité et d'enfreindre les valeurs et principes communs ? Je reste sans réponse», ajoute M. Meaâyar. Encore faut-il souligner qu'une peine d'un an de prison a été infligée à l'une des familles en question.