Bourguiba, homme d'Etat moderniste, avant-gardiste et fin politicien, n'est pas seulement le maître d'ouvrage du Code du Statut Personnel et le défenseur acharné des droits de la femme, il a d'autres cordes à son arc et une passion qu'il ne cache pas pour le théâtre. On sait mais très vaguement l'intérêt que portait le président Habib Bourguiba pour le 4e art, dans «Bourguiba et le théâtre» publié récemment par Dar Afeq édition, l'auteur Abdelhalim Messaoudi revient avec précision sur la passion du premier chef d'Etat de la Tunisie indépendante pour cet art et fait une lecture de la déclaration de la fondation du théâtre tunisien. Bourguiba redevient à la mode chez les Tunisiens qu'ils soient politiciens, destouriens ou autres. Après le 14 janvier 2011, le «Moujahid Akbar» est réhabilité. Sa célèbre statue, qui trônait à son époque sur la place d'Afrique, a repris sa place à l'avenue qui porte son nom. Plusieurs ouvrages ont été publiés sur son parcours et sa politique et certains artistes, comme Raja Farhat, consacrent des biopics à sa vie et sa carrière. Une passion nommée théâtre Bourguiba, homme d'Etat moderniste, avant-gardiste et fin politicien, n'est pas seulement le maître d'ouvrage du Code du Statut Personnel et le défenseur acharné des droits de la femme, il a d'autres cordes à son arc et une passion qu'il ne cache pas pour le théâtre. De nombreuses personnes l'ayant côtoyé ne tarissent pas d'éloges sur son talent de comédien. Il a la présence, la prestance et le savoir-faire dont disposerait un comédien professionnel. Dans son nouvel opuscule, Abdelhalim Messaoudi revient sur les amours de Bourguiba pour le 4e art. Outre la reconnaissance à l'égard de ce «combattant suprême» allié de la culture et notamment du théâtre auquel il a placé la première pierre à son édifice et participé à sa fondation, l'ouvrage nous livre le projet de Bourguiba de promotion du théâtre. Durant sa jeunesse, Bourguiba, en grand amateur de théâtre, avait fait de la scène grâce à son frère Mohamed qui avait fondé dans les années 20 plusieurs troupes de théâtre, dont Ennejma et Echahama. A 10 ans, Habib Bourguiba s'est essayé à la scène sous la conduite de son frère aîné dans une pièce «Martyrs de la liberté», adaptation du texte «Patrie» de Victorien Sardou, mais fut interdite par les autorités du Protectorat. Plus tard, Bourguiba, alors lycéen à Sadiki séchait certains cours pour aller assister aux représentations de «L'Aiglon» dont l'héroïne n'était autre que la chanteuse et comédienne Habiba M'sika à qui il a donné la réplique, quelques années plus tard à Monastir, son fief natal, dans l'adaptation de «Lucrèce Borgia» de Victor Hugo. Un discours fondateur L'art de la scène ne lui était donc pas étranger, il lui a permis de gagner l'éloquence et l'assurance qui lui ont servi dans sa carrière politique. Devenu président de la République, il a fait construire au palais de Carthage «Le Petit théâtre» pour apprécier des pièces, comme «Caligula» ou «Mourad III», mises en scène et interprétées par Ali Ben Ayed. Le 7 novembre 1962, dans les locaux de la Radio tunisienne, il a prononcé un discours fondateur dans lequel il a annoncé l'organisation, chaque année à la même période, de la semaine du théâtre tunisien qui fut supprimée à sa destitution le 7 novembre 1987. Les troupes nationales, régionales et universitaires proposaient leurs nouvelles créations et participaient à un concours de la meilleure production théâtrale assorti d'un prix. Outre son côté historique, «Bourguiba et le théâtre» est loin d'être une compilation des faits et événements, mais c'est une interrogation sur la question de l'art dans notre société, son rôle, son fonctionnement et son implication dans la vie des citoyens. 206 pages de lecture critique qui apostrophent le lecteur amateur ou pas de théâtre. Et comme disait Nietzsche : «Nous avons l'art pour ne pas mourir de la vérité». Bourguiba et le théâtre, de Abdelhalim Messaoudi - Ed. Dar Afeq (206p.) - Prix : 18 dinars