Par M'hamed JAIBI Une véritable réforme fiscale est aujourd'hui nécessaire en Tunisie, à la fois pour renflouer les caisses vides de l'Etat et pour doter notre système fiscal, disparate et inéquitable, d'une cohérence et d'une dynamique stratégique bien inspirées. Le règne des «mesurettes» inappropriées Depuis de longues années, l'Etat parle de réforme fiscale et ne finit par introduire, chaque année, par le biais de la loi de finances, que des «mesurettes» inappropriées et impopulaires destinées à combler maladroitement les besoins du budget. On taxe donc, une année, les recharges de téléphonie mobile, puis l'on renforce cette taxation. On taxe le voyage. On multiplie les «retenues à la source». On perçoit «provisionnellement» l'impôt sur des revenus hypothétiques non acquis, et l'on comptabilise les factures impayées...etc...etc...etc. Et, en guise de réforme, l'on songe à tout simplement augmenter les taux. Soit à pénaliser, une fois encore, la classe moyenne. De flagrantes incohérences De sorte que les insuffisances de notre système fiscal se sont transformées en flagrantes incohérences mettant en doute, à la fois, les bonnes intentions de justice et d'équité, et la volonté de produire une véritable fiscalité moderne, performante et incitatrice, apte à promouvoir et optimiser la dynamique de développement de ce pays émergent désirant s'amarrer à l'économie mondiale, qu'est la Tunisie. Ou, peut-être qu'était et que veut redevenir la Tunisie. Or, dans cette optique, il est utile de balayer devant sa porte et de pondre un système «clean» et sécurisé qui obéisse aux critères de performance et de fiabilité internationaux. Car notre économie se projette à l'international, où elle situe l'essentiel de sa croissance. Un système moderne équitable et transparent Il est grand temps de tourner le dos à la facilité des replâtrages incongrus, pour concevoir un véritable système fiscal digne du nom de système. Qui ne soit pas fait d'astuces, de pièges et de non-dits pouvant déboucher sur tous les rackets. Le temps de la rationalité, de la transparence et de la précision négociable sur la base de critères objectifs est venu, et la fiscalité doit s'adapter aux exigences de l'économie moderne. En encourageant chez les contribuables l'initiative, la réussite, le sérieux et l'honnêteté. Car il s'agit aussi de voir la fiscalité contribuer à atténuer deux handicaps dont souffre la société tunisienne : un chômage important et une pauvreté qui persiste, spécialement dans les régions mal ou peu développées. Imaginer de nouvelles pistes de réforme Par le moyen du droit comparé et de l'étude des expériences étrangères, il est devenu vital de quitter les sentiers battus arpentés par nos experts et planificateurs, pour identifier ou imaginer de nouvelles pistes de réforme fiscale. Qui ne soient pas de simples moyens de recoupements, de recouvrement, de taxation ou de pénalisation, mais des démarches nouvelles rompant avec les mentalités éprouvées. Certes, le budget de l'Etat est financé à 70% par la fiscalité, sachant par ailleurs que les ressources naturelles ont été réduites, depuis la révolution, à leur plus simple expression, et il apparaît évident que la loi de finances pour l'année 2017 ne pourra se débarrasser miraculeusement de tous les vestiges de la fiscalité en place. Mais il est indispensable que de nouvelles pistes et une nouvelle démarche soient introduites dès à présent. Se projeter dans l'avenir Cette projection dans l'avenir, le jeune nouveau chef de gouvernement en a autant besoin que les contribuables et les investisseurs potentiels que nous appelons de nos vœux. Des bruits qui courent au sujet de la prochaine loi de finances suggéreraient qu'elle pourrait augmenter simplement les taux de l'impôt sur les revenus et recourir à des trouvailles très classiques pour financer le budget de l'Etat. Le temps pressant et la situation étant, il est utile que l'opinion publique soit compréhensive et clémente. Mais il est, quoi qu'il en soit, vital de voir le gouvernement Chahed montrer clairement la voie d'une réforme fiscale authentique en gestation. Digne de l'union nationale.