Par Abdelhamid Gmati On est donc parvenu à un accord à Kerkennah, fruit d'une série de réunions et de négociations. La société Petrofac devrait donc reprendre ses activités sur l'île. On devrait donc parler d'un succès du gouvernement. Mais qu'implique cet accord ? Selon le ministre des Affaires sociales, cet accord concerne la régularisation de la situation de 266 chômeurs diplômés, sur une durée de 3 ans, avec un taux de 30% la première année ; il implique, aussi, le financement par Petrofac et l'Etap à hauteur de 2,5 millions dinars, des projets de développement dans la région ainsi que l'amélioration de la situation sécuritaire. Des mesures seront également prises au profit des pêcheurs de la région ; et il y aura l'annulation des poursuites judiciaires engagées en avril dernier contre les manifestants ayant vandalisé et incendié des établissements et des biens publics. En somme, il y a eu satisfaction de toutes les revendications des contestataires, lesquels s'engagent à mettre fin à leur mouvement et à cesser de bloquer les routes et de paralyser la vie économique dans l'île. Ce retour à la normale satisfait-il le gouvernement ? Le chef du gouvernement, Youssef Chahed a tenu à féliciter tous les habitants de Kerkennah et ceux, qui ont contribué à la résolution de la crise. Et il a précisé que « la crise de Petrofac dure depuis 8 mois, et c'est l'absence de dialogue qui l'a approfondi ». Ceci explique-t-il que 350 entreprises textiles ont quitté la Tunisie causant la perte de 350 mille emplois ? Ainsi que d'autres entreprises étrangères et tunisiennes parties sous d'autres cieux. En tout cas, cet accord est un bon signe à deux mois de la tenue de la conférence internationale sur l'investissement à Tunis. Toutefois, il y a lieu de s'interroger sur le retard de ces accords. Car il y en a eu d'autres. Comme celui conclu, le 15 septembre dernier, entre la Fédération tunisienne de l'hôtellerie (FTH) et la Fédération générale des industries alimentaires, du tourisme, de l'artisanat et du commerce relevant de l'Ugtt, qui a permis l'annulation de la grève prévue, pour les 17 et 18 septembre 2016. D'autres grèves ont été annoncées et certaines ont été reportées. Comme celle des stations services prévues pour le 21 septembre et reportée au 4 et 5 octobre ou celles concernant plusieurs secteurs de l'éducation nationale. Il n'en reste pas moins que ces grèves sont tributaires d'accords à négocier qui tardent à être conclus. Ce qui veut dire que ces situations ne sont qu'en sursis. Comme celle à Kerkennah où tout dépendra de l'exécution des accords. Youssef Chahed a précisé, concernant la crise de Petrofac que «Les problèmes sociaux ne peuvent être résolus par la force. Seul le dialogue est capable d'arranger les choses, comme on l'a précisé lors du vote de confiance au gouvernement d'union nationale à l'ARP». Ce qui est tout à son honneur. Mais s'agit-il, dans ce cas, comme dans d'autres, de « problèmes sociaux » ? On relate que les militants de Hizb Ettahrir ont observé, mercredi, un sit-in appelant les habitants de l'île de Kerkennah à résister au gouvernement et à exploiter eux-mêmes leurs richesses. Les bannières de Hizb Ettahrir, qui sont identiques à celles des organisations terroristes, d'Al-Qaïda à Daech en passant par Ansar Charia, continuent à flotter dans l'île située au large de Sfax, où les militants de ce parti islamiste radical continuent d'alimenter les agitations sociales et d'appeler à chasser les «colons» et les «traîtres mercenaires» appelant à la négociation avec les autorités. L'ancien chef du gouvernement Habib Essid avait dénoncé l'implication de ce parti, ainsi qu'un autre, dans les événements de Kerkennah. A bien examiner les manifestations qui éclatent dans plusieurs localités, on se rend compte que les revendications des contestataires dépassent les exigences sociales et dégagent souvent des relents politiques et populistes. Et ils n'hésitent pas à user de violences, bloquant les routes et les activités et s'en prenant aux forces de l'ordre. Ils vont même jusqu'à exiger le limogeage de responsables régionaux. Ainsi en a-t-il été à Fernana. Et le fait que le gouvernement ait cédé à toutes leurs exigences, dont le remplacement du gouverneur et d'un délégué, n'augure rien de bon. Et le résultat n'a pas tardé : l'Union régionale du travail de Sidi Bouzid a demandé, vendredi dernier, par écrit, au chef du gouvernement, Youssef Chahed, le limogeage du gouverneur de la région Mourad Mahjoubi « qui a échoué lamentablement à assumer ses fonctions ». Rien ne dit que dans d'autres régions, les revendications, non sociales de ce genre, ne vont pas se multiplier. Youssef Chahed fait preuve de sagesse et de discernement en voulant éviter la violence dans la résolution de problèmes sociaux. Mais encore faut-il que ce soit des revendications sociales légitimes. Autrement, les fauteurs de troubles doivent être punis conformément à la loi. Sinon, nous vivrons encore, en sursis de troubles et de violences.