Par Mahmoud HOSNI LA proposition faite récemment par les dirigeants de Nida Tounès à Youssef Chahed de présider l'instance politique de ce parti est-elle une initiative innovante ou cache-t-elle des calculs politiques partisans pour faire pencher la balance en faveur de Nida ? En fait, cette nébuleuse, en crise depuis des mois et dont les alliances n'ont cessé de se faire et défaire, offre aujourd'hui l'image d'un parti en gestation et en mutation incessantes, sur fond d'une bataille pour le leadership et le commandement. Au fil des semaines, cela laisse filtrer beaucoup plus une bataille de personnes qu'un conflit autour de choix idéologiques. Aussi la proposition faite au chef du gouvernement mérite-t-elle réflexion. Entre la présidence d'un gouvernement et celle d'un parti, Chahed a-t-il le choix ou peut-il assumer les deux sans que l'un ou l'autre en patisse ? Car, il ne faut pas perdre de vue que Nida Tounès est un parti en crise, une crise profonde autour du leadership. Youssef Chahed risquerait-il d'être entraîné dans cette guerre larvée et épuisante et ces conflits — parfois personnels — et d'être pris dans la tourmente et, à la longue, amené à prendre parti, et, partant, engagé dans une éventuelle polémique dont il se passerait bien en cette conjoncture difficile que traverse le pays ? En effet, Chahed, «parachuté» à la tête de Nida, pourrait mettre son avenir en jeu et être démis à tout moment, par ceux-là mêmes qui l'ont proposé. En plus, on revient ainsi aux anciennes pratiques des régimes déchus qui nomment les chefs de gouvernement membres du bureau politique. Or, aujourd'hui, toutes les données ont changé, à commencer par la désignation de Youssef Chahed chef du gouvernement d'union nationale, avec l'aval de pas moins de neuf partis. Une nomination qui n'entre pas dans le cadre des remaniements de routine, mais pour répondre à une série de défis majeurs : politiques, économiques, financiers et surtout sociaux. Chahed fait donc face à une montagne de dossiers aussi urgents et aussi impératifs les uns que les autres et dont il vient à peine d'examiner quelques-uns. A-t-il le loisir, avec les dossiers qui l'interpellent, de chapeauter un parti, en crise de surcroît, au risque d'être emporté par les vagues de la discorde ? Pour la Tunisie, ce neuvième gouvernement est celui de la dernière chance, celui auquel la Tunisie s'accroche comme une planche de salut pour commencer à sortir de la profonde crise. Pour reprendre l'adage des dirigeants politiques, disons que la patrie passe avant les partis et que Youssef Chahed devrait répondre à l'appel de la patrie et ne pas s'empêtrer dans un enchevêtrement inextricable qu'est la crise nidaïste. Il aura ainsi obéi à la voix de la sagesse et de la raison.