«The other side», une exposition d'œuvres à la frontière de la photographie et de l'art numérique réalisées par l'artiste russo-canadienne résidente en Tunisie Sabina Richards à Dar El Marsa. Sabina Richards est une jeune artiste, originaire d'Azerbaïdjan. Après la chute de l'Union soviétique, elle par étudier aux Etats-Unis et obtient en 2001 un Master de Beaux-arts et de journalisme. Ensuite, elle part au Canada et prend en charge une galerie d'art à Toronto. Elle travaille en parallèle ses propres œuvres et se voit décerner plusieurs prix. Son moyen d'expression ainsi que les sujets traités sont assez originaux. Sa technique picturale se situe à la frontière de la photographie et de l'art numérique. En 2012, elle quitte le Canada et part arpenter le monde, faisant ainsi découvrir son art. Elle arrive finalement en Tunisie où elle décide de s'installer — en compagnie de son mari et de son fils — et de continuer à créer de nouvelles œuvres aussi intrigantes et aussi attachantes les unes que les autres. «The other side» ou «l'autre côté» est le fruit d'une décennie de travail, si ce n'est plus. Sabina nous explique que chaque œuvre a un sens bien particulier, et représente sa façon de voir les choses. Ses œuvres sont très différentes, et appartiennent chacune à une période bien déterminée. Le jour du vernissage, l'ambassadeur du Canada, Carol Mc Queen, ainsi qu'un grand nombre d'amateurs et de plasticiens ont fait le déplacement pour découvrir le résultat de plus d'une décennie de travail et de recherches effectuées par l'artiste depuis le début de sa carrière. «Lust for Gold», «Sweeterthanblood», «Eve», «Night sacrament», «FlemishWitches», etc, ce sont toutes des œuvres qui reflètent l'amour de Sabina pour les maîtres anciens, le surréalisme et le mysticisme. De la période médiévale jusqu'à la période contemporaine et même au-delà, Sabina imagine chaque époque et exprime cette imagination à travers ses œuvres. Mi-voilés, mi-dévêtus, mi-humains, mi-fantasmagoriques, les corps des modèles présentés affectent des poses intrigantes, symboliques, ou grotesques. Une série de portraits féminins combine esthétiquement le contemporain et le classique. La palette des couleurs nous rappelle les huiles des maîtres du classique (Léonard De Vinci ou Horace Vernet, etc.). Parmi ces œuvres, on est interpellés par des portraits de femmes enceintes, nous rappelant la représentation «réaliste» de la femme enceinte, d'Arnolfini de Jan Van Eyck, sauf que dans son travail, Sabina transforme le caractère réaliste de l'œuvre en une présentation surréaliste. Elle nous plonge dans une sorte de rêve riche en significations. Les œuvres procèdent à un traitement radical du clair-obscur: le noir profond sans objet s'oppose de façon tranchée à la chair. Il ne renvoie pas à un arrière-plan sombre. Et son importance dans le tableau n'en fait pas un simple faire-valoir du sujet. Tandis que la lumière, qui semble provenir du personnage lui-même, et non d'un extérieur, le fait exister de façon autonome. Dans un même tableau s'entrecroisent des sujets, des univers et des esthétiques apparemment inconciliables. Les attributs, les éléments d'une scène ou d'un paysage, qui situeraient le personnage dans un contexte, sont parfois remplacés par un monochrome, ce qui rend les portraits intemporels, sans indice clair pour les situer dans une époque ou un milieu. On est alors subtilement entraîné aux confins de l'art contemporain et des sujets classiques. C'est que la méthode employée pour la création de ces œuvres est un alliage de photographie, de peinture numérique et d'éléments tridimensionnels. Le résultat du mélange de ces différentes techniques, ce sont ces images irréelles, des personnages et des lieux qui existent de l'autre côté de la réalité. Chaque composition de cette série recèle de nombreux éléments symboliques, mais Sabina en laisse l'interprétation au spectateur. Face à ses œuvres, le spectateur est confronté à un ensemble apparemment arbitraire de fragments, comme devant une énigme à résoudre, une image à interpréter, et chaque lecture leur confère un sens nouveau. C'est l'un des aspects du travail de montrer que la libre interprétation dépend de l'observateur, qu'elle est fragile et fugace, variable avec le temps, les circonstances et les individus. Il appartient à chacun d'aller forger sa propre interprétation de l'art dans la richesse de ces œuvres qui égayent le grand hall de la galerie Dar El Marsa jusqu'au 15 octobre prochain.