Enfin, «les mesures douloureuses» font leur apparition. Dans le projet de la loi de finances 2017, ce sont les salariés qui payeront les pôts cassés Tout le monde attendait avec anxiété les mesures dites douloureuses, celles qu'on dit qu'elles vont faire redémarrer la machine économique grippée depuis l'avènement de la révolution du 17 décembre-14 janvier. Tout le monde donnait l'impression d'accepter «les douloureuses», mais à condition qu'elles n'affectent pas son style de vie et qu'elles ne touchent pas à ses propres intérêts. Les gouvernements Mehdi Jomaâ et Habib Essid ont tout fait pour renvoyer aux calendes grecques ces mesures douloureuses pour qu'on ne les accuse pas d'avoir volé la révolution à ses enfants et d'avoir cédé ses dividendes à ceux qu'elle est censée combattre, c'est-à-dire les corrompus et ceux qui ont bâti leurs richesses sur l'évasion fiscale. Et quand on parle des caisses vides de l'Etat, des emprunts contractés à un rythme infernal auprès du FMI et de la BM pour payer les salaires des fonctionnaires de l'Etat, dont le nombre a enregistré une augmentation de 300.000 entre fin 2010 et fin 2015, des augmentations salariales continues depuis 2011 et des milliers de recrutements inutiles, on oublie qu'il arrivera un temps où il faut dire basta et stop au clientélisme, à la politique de l'autruche et aux calculs électoralistes dont les auteurs agissent désormais au vu et au su de tous. Youssef Chahed dans la tourmente Aujourd'hui, «les douloureuses» font leur apparition, à travers, en première étape, le projet de la loi de finances 2017, que nos députés sont appelés à adopter avant le 10 décembre prochain, et que le gouvernement doit soumettre au Parlement d'ici le 15 octobre. Et bien que le gouvernement poursuive la finalisation des dispositions que contient le projet en question et publie quasi quotidiennement un communiqué ou deux démentant les rumeurs circulant sur l'augmentation de telle ou telle taxe (vignette, timbre de voyage, etc.), les observations et les remarques sur les nouveautés que proposera la loi ne sont pas rassurantes pour les Tunisiens, essentiellement ceux qui financent les caisses de l'Etat. Autrement dit, la peur s'est déjà installée auprès des salariés des secteurs public et privé qui payent leurs impôts (retenus à la source sur leurs salaires). Leur peur est on ne peut plus légitime de voir Youssef Chahed et sa ministre des Finances décider qu'ils vont supporter le plus gros lot des sacrifices à consentir. Youssef Chahed a beau répéter que ces sacrifices seront équitablement répartis et qu'ils ne seront pas faits sur le dos des salariés qui payent à l'Etat régulièrement ce qu'ils lui doivent. Sauf qu'il faut être un génie de la pédagogie et un as de la persuasion pour convaincre un salarié gagnant 1.700 dinars par mois d'accepter un prélèvement de 1% de son revenu annuel alors qu'il s'attendait à une majoration pour les années 2016 et 2017 qui lui est promise par le bureau exécutif actuel de l'Ugtt, avant de laisser la place aux nouveaux dirigeants qui s'installeront à la place Mohamed-Ali, fin janvier prochain. Dans son interview à la chaîne TV nationale et à la radio Mosaïque FM, Youssef Chahed demandait aux salariés d'accepter le report des majorations salariales jusqu'en 2019, c'est-à-dire après trois ans, ce qui reste du mandat électoral du 26 octobre 2014. Maintenant, ce n'est plus le gel des augmentations qu'on demande. C'est plutôt un impôt supplémentaire sur les salaires qui vont stagner durant les années 2017, 2018 et 2019. Et les surprises désagréables de se poursuivre. Les mêmes salariés, les propriétaires de voitures dites populaires (ils possèdent le plus grand nombre de voitures circulant sur les routes tunisiennes) verront le montant de la vignette augmenter de 25%. Pour ce qui est de la taxe de 20 dinars appliquée à ceux qui voyagent par avion, elle s'appliquera à l'avenir à ceux qui préfèrent les bateaux. Et les retraités... ? L'on se demande que va faire Youssef Chahed pour convaincre l'Ugtt, dont la majorité des adhérents se trouvent parmi les salariés de l'Etat, d'accepter ces nouvelles dispositions ? Et quand on sait que Houcine Abassi et les lieutenants qui quitteront l'Ugtt fin janvier 2017 ne sont pas disposés à s'en aller la tête basse, on devine bien l'embarras dans lequel se trouve le chef du gouvernement. Youssef Chahed — faut-il le souligner — a le sentiment (bien qu'il ne le dévoile pas) qu'il n'est pas suffisamment soutenu par les signataires du Pacte de Carthage l'ayant porté au palais de La Kasbah et lui demandant d'imaginer tout seul les solutions urgentes, à long et à moyen termes, et d'en assumer les conséquences au cas où elles ne cadreraient pas avec leurs calculs ou attentes électoraux. Pour le moment et dans l'attente de la finalisation définitive du projet de la loi de finances 2017, trois scénarios sont proposés. Et tous les trois sont pour l'augmentation des impôts sur les revenus, avec des variations multiples dont seuls les connaisseurs peuvent comprendre les détails et ils sont rares ces connaisseurs qui savent tout, mais qui ne parviennent jamais à transmettre leur savoir à ceux qui en ont besoin. Et ce ne sont pas nos retraités qui attendent leurs explications savantes dans la mesure où ils tremblent déjà de voir leurs pensions diminuer au cas où l'Etat s'attacherait à l'un des trois scénarios qui circulent sur les médias et qui sont toujours de simples projets jusqu'à ce que les députés disent leur dernier mot. Quant aux gros poissons, c'est-à-dire ceux qui doivent à l'Etat des milliards de dinars en impôts non payés à temps et ceux qui ont vidé les caisses de l'Etat à volonté, c'est — paraît-il — à Sihem Ben Sedrine qu'on en a confié le dossier. La présidente de l'Instance vérité et dignité n'est — semble-t-il — pas pressée pour faire le travail. Elle préfère, plutôt, dépenser son énergie à rédiger les communiqués où elle donne les leçons à quiconque se hasarde à lui reprocher sa gestion cavalière de l'Instance. Voici ce qui pourrait changer Le projet de loi pour l'exercice 2017 prévoit, dans sa première version, la révision du barème de l'impôt sur le revenu et l'ajustement des taux d'imposition pour les adapter aux catégories de revenus imposables. Trois scénarios sont prévus dans ce cadre. Le premier scénario stipule l'augmentation des taux d'impôt sans toucher aux catégories dont les revenus annuels sont situés entre 0 et 50 mille dinars. Cette mesure va engendrer un manque à gagner estimé à 350 millions de dinars, d'après un premier draft du projet de loi de finances 2017. D'après le ministère de Finances, cette mesure n'aura pas d'impact négatif sur les personnes aux revenus annuels évalués à 19.500 dinars, soit un salaire mensuel de 1.390 dinars. Le deuxième scénario prévoit l'augmentation des taux d'impôt et l'élargissement de la fourchette des catégories imposables. Cette mesure engendrera un manque à gagner estimé à 400 millions de dinars et n'aura pas d'impact sur les personnes dont les revenus annuels ne dépassent pas 20.150 dinars, soit un salaire mensuel de 1.420 dinars. Pour le troisième scénario, il est prévu d'augmenter les taux d'impôt et d'élargir davantage les catégories imposables. Cette disposition entraînera un manque à gagner évalué à 390 millions de dinars et n'aura pas d'impact négatif sur les personnes aux revenus annuels estimés à 21.150 dinars, soit un salaire mensuel évalué à 1.450 dinars. Le projet de loi de finances 2017 prévoit, dans le cadre de cette révision du barème d'impôt, d'étendre l'exonération d'impôt dont bénéficient les salariés aux revenus qui ne dépassent pas 5 mille dinars, à d'autres personnes physiques.