L'Octobre musical se tiendra du 15 au 30 octobre à l'Acropolium de Carthage. 15 concerts seront proposés par des artistes sensibles et talentueux qui partageront avec le public leur passion de la musique classique. Mustapha Okbi, initiateur et programmateur de cette manifestation, né il y a 22 ans, continue toujours avec le même entrain à cautionner une musique classique qui contribue à enrichir la diversité culturelle. Entretien Les adeptes de l'Octobre musical ont-ils augmenté en nombre ? Depuis plus de 20 ans, le public s'élargit de plus en plus évidemment. D'abord, il fallait quelques années pour roder les mélomanes et les habituer à une telle manifestation ainsi que les profanes à qui nous devions faire connaître la musique et le lieu. Nous avons un public de plus en plus nombreux et de plus en plus fidèle. L'Acropolium a une capacité d'accueil de 500 places qui permet d'apprécier de la meilleure manière ce type de musique classique. Il arrive des soirs où les spectateurs dépassent les 500 personnes. Ceux qui n'ont pas de place restent debout. Ils sont d'ailleurs prévenus d'avance. D'autres soirs, on reçoit environ 300 à 350 spectateurs qui est la moyenne par concert. Le public a-t-il des exigences particulières par rapport à la programmation ? Le répertoire classique est composé de la grande musique occidentale. Certains mélomanes préfèrent tel compositeur ou telle pièce. Mais chacun fait son choix dans le programme que nous lui présentons. En fait, il n'y a pas d'exigence particulière de la part du public. Le répertoire proposé est interprété par des musiciens de grand talent. Est-il difficile de faire une programmation d'un festival comme l'Octobre musical ? Nous sommes mieux outillés pour que les choses se passent plus facilement, mais difficile quand nous avons des exigences de confort, d'écoute, d'accueil et des exigences de la part des interprètes pour qu'ils soient le mieux préparés pour présenter leur concert. On prépare la programmation une année avant. Autrement dit, dès que l'Octobre musical se termine, nous entamons les préparatifs de la prochaine édition. Le calendrier des artistes est assez chargé et nous devons nous prendre à l'avance pour les inviter. Quelles sont les spécificités de la session 2016 ? Cette année, nous avons les partenaires habituels : l'Italie, l'Espagne, l'Autriche, la Pologne, la Tchéquie, la Belgique, le Portugal, la Russie et la Roumanie. Nous inaugurons la 22e session avec «Mujeres y Zaruela» présenté par la chorale «Duc de Calabre». Il s'agit d'un divertissement musical espagnol du XVIIe siècle. Trio «Migrantes» est la rencontre de 3 musiciens italiens qui interpréteront un répertoire de musique d'Argentine, du jazz européen et des sonorités orientales. «Le Fessure dell'anima» est un concert-spectacle mis en scène musico-théâtrale par le maestro italien Paolo Diari qui jouera Bach et Gershwin avec présentation d'images. D'Autriche Michel Knot au saxo et Bogdan Laketic à l'accordéon formeront un duo pour faire découvrir leur nouvel album «nouvelles couleurs du passé. «Bayan Bothers» de Pologne utiliseront la richesse musicale de l'accordéon dans un répertoire classique et moderne. La Belge, Roberte Mamou, l'égérie de l'Octobre musical présentera en première mondiale des extraits de son nouvel album. La Tchéquie sera représentée par le duo Miroslav Sekera au piano et Petr Macerek au violon qui joueront essentiellement la musique du film «Amadeus» de Milos Forman. Enfin, du Portugal, l'ensemble «Rumos» proposera un spectacle multimédia «Tocando Portugal» : un florilège de musique portugaise avec projection sur grand écran. Qu'en est-il de la participation tunisienne ? Nous avons programmé des formations tunisiennes en duo ou autres qui jouent de la musique classique. Par exemple, l'Orchestre symphonique de Chady Garfi, un concert de deux jeunes violonistes prodiges tunisiennes : Zeinab et Houda Mestiri, des jumelles de 15 ans de l'école de Riadh Fehri du conservatoire de Sidi Bou Said. Il y aura le fameux guitariste Walid Tahri accompagné d'une flûtiste française, Valérie Altwegg, qui se retrouveront autour d'un beau programme de Bach à Graanados et de Mozart à Piazzolla. «Rapsodies romantiques» réunit deux interprètes roumains : Andrea Grigoras et Bogdan Grigoras et deux récitants tunisiens : Hatem Bouriel et Nabil Basti autour de l'œuvre du grand poète Mihai Eminescu. Un concert franco-tunisien 4+4 est à découvrir absolument. Quant à la clôture de l'Octobre, elle sera assurée par l'Orchestre de l'Opéra de Tunis. Nous avons donc une présence tunisienne plus importante que par le passé avec 4 concerts conséquents. Y a-t-il des artistes que vous rêvez d'inviter à l'Octobre musical mais qui sont hors de vos moyens ? Il y a ceux qui ont participé à l'Octobre musical et ont été enchantés de se retrouver à l'Acropolium et ont réalisé des succès magnifiques. On ne fait pas tellement appel au vedettariat. Ce n'est d'ailleurs pas le concept de l'Octobre musical. Ce sont de grands artistes confirmés mais sans être forcément des vedettes. D'autant plus que le public est très satisfait de la prestation de ces artistes-là. Il y a aussi qui reviennent à l'instar de Roberte Mamou qui est l'une des plus fidèles de l'Octobre musical. C'est avec elle que j'ai commencé la manifestation. Elle est là tous les ans parce qu'elle est magnifique et aime le pays et aussi se retrouver dans cet espace. Cette année, elle présentera des extraits de son album «Mozart et Cimarosa». «Mûsîqât» organisé à Ennejma Ezzahra coïncide avec l'Octobre musical, est-ce que cela vous gêne ? Dès les premières sessions de Mûsîqât qui a choisi le mois d'Octobre et je comprends bien car ce mois est superbe où il ne fait ni trop chaud, ni trop froid. J'ai toujours dit que plus il y a d'animations dans nos salles et espaces et mieux c'est pour tout le monde. Mûsîqât est un complément à l'animation de la région. C'est un festival qui est davantage orienté vers les musiques du monde et l'Octobre musical est destiné à la musique occidentale. Chacun trouve son compte de même que le public. Le concept de l'Octobre musical est-il exportable dans d'autres villes que Tunis ? Il y a eu à Sfax et à Sousse des Octobres musicaux. Souvent les artistes qui se présentent à l'Octobre musical se produisent dans ces régions ou alors participent à des master-class soit dans les conservatoires de Tunis, soit à l'occasion de journées consacrées à la musique classique. Après l'Octobre musical qu'en sera-t-il de la programmation de l'Acropolium ? L'Acropolium accueillera des associations caritatives qui se produiront au profit d'activités de bienfaisance dans les régions, par exemple la construction d'une école, la participation à l'équipement d'un Centre pour des enfants démunis ou apporter de l'aide aux habitants de villages perdus. Nous faisons beaucoup ce genre d'actions sociales. Qu'est-ce qui manque aujourd'hui au développement de la culture en Tunisie ? Il manque peut-être plus d'acteurs dans le secteur culturel. Je parle ici d'acteurs entrepreneurs. Un artiste doit être entouré mais doit être son propre entrepreneur pour pouvoir vivre de son art et le transmettre. Aujourd'hui, l'artiste, s'il n'a pas un producteur derrière lui pour le soutenir, il doit donner beaucoup de lui-même pour pouvoir s'exprimer. L'artiste peut-il vivre uniquement de son art ? Quand j'avais 17 ans, je me suis essayé à la peinture et un ami peintre a vu ce que je faisais et m'a dit que je mourrais de faim comme tous les artistes. J'ai alors laissé tomber lâchement la peinture au profit d'autres activités