Chaque semaine, lors des trois conférences de presse fédérales, des membres du gouvernement fédéral, ou leurs porte-parole, sont invités à répondre en direct à toutes les questions des journalistes membres de la BPK Les règles du jeu changent en faveur des journalistes à la Bundespresskonferenz, la conférence de presse fédérale à Berlin. Ce sont les journalistes qui invitent les ministres, ou leurs porte-parole, à la BPK pour se prononcer sur des thèmes fixés par les représentants des médias. Ces derniers mettent une pression monstre sur les représentants du gouvernement allemand en les mitraillant de questions auxquelles ils devraient apporter des réponses rapides et précises, au risque de perdre leur poste. Cette dure épreuve se déroule chaque lundi, mercredi et vendredi, quand les portes de la grande salle se referment pour donner le coup d'envoi d'une heure de confrontation souvent électrique. Les caméras enregistrent tout le débat entre des journalistes qui ne mâchent pas leurs mots et des invités qui pèsent bien leurs propos. De la chancelière aux ministres en passant par les membres du gouvernement, tout le monde répond présent à l'appel des journalistes. Une heure de temps Tout commence à l'heure et se termine une heure après. Le respect de l'horaire, garanti par la légendaire rigueur allemande, est aussi imposé par des raisons techniques, puisque cette séance de questions-réponses est diffusée en direct par les chaînes adhérentes et suivie en streaming par les journalistes étrangers, accrédités auprès de la BPK. En plus des adhérents, le groupe de journalistes tunisiens, invité par la Fondation Friedrich Naumman pour la liberté, avait le droit d'assister à la séance sans poser de questions. D'autres groupes viennent régulièrement de tout bord observer cette expérience unique d'autorégulation. Quelques minutes avant l'ouverture de la séance, M. Stephan Detjen, l'animateur des conférences, «Mitgliedsfragen», explique le fonctionnement de ce concept, unique en son genre, sans cacher sa fierté de cette tradition allemande. «En effet, c'est une opportunité pour les 900 journalistes accrédités pour balancer toutes leurs questions à des membres du gouvernement et leurs équipes, réunis sous le même toit, derrière un large podium en deux rangées, dont la première est réservée aux invités les plus intéressants de la séance», précise-t-il. Lors de sa présentation, M. Detjen rappelle qu'un ministre allemand avait démissionné le lendemain d'un passage à la BPK, lors duquel il n'a pas donné de réponses satisfaisantes à maintes questions posées par des journalistes. Dans cette arène, tout journaliste a le droit de poser n'importe quelle question, poursuit-il, et d'avoir une réponse claire. Pour ce faire, les membres du gouvernement sont obligés d'assister à la conférence, ou d'envoyer un porte-parole à leur place, ainsi que de répondre à toutes les questions. «De toute façon, ils ne peuvent pas quitter la salle avant la fin de la séance», souligne le responsable, avec un petit sourire révélateur. A vrai dire, une heure durant, les journalistes fixent les règles du jeu. Ils ne sont pas obligés d'entendre de longs discours de langue de bois avant de poser des questions limitées à l'ordre du jour. Car il n'y a ni ordre du jour ni discours des invités. Droit au but, les invités répondent directement aux questions. L'un des journalistes présents confie qu'il était prêt à répéter sa question plusieurs fois et de plusieurs façons pour obtenir une réponse. Ses questions posées au représentant du ministre es Finances, qui assiste à sa dernière conférence avant son départ du cabinet, portaient sur l'affaire de la Deutsche Bank. Cette thématique n'était pas énumérée par le porte-parole de la chancelière allemande, présent au premier rang, et qui a présenté les dossiers traités lors d'un dernier Conseil ministériel, à savoir une loi anticartel, des projets de développement du réseau électrique de haute tension, et la hausse des salaires des enseignants dispensant des cours visant l'intégration des migrants. A la fin de la séance, devant la grande salle, l'ambiance est conviviale entre journalistes et invités. De Bonn à Berlin Ce concept allemand n'est pas nouveau. Il date de 1949, soit quatre ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le chapitre noir de l'histoire allemande. A cette époque, le représentant de la BPK rappelle que la question qui se posait est : «Comment peut-on obtenir rapidement des informations aussi complètes que fiables ?». En réponse, la Bundespressekonferenz a été instaurée. La volonté du premier chancelier, Konrad Adenauer, et le contexte d'un pays en reconstruction qui exigeait le regain de confiance de la population ont été déterminants pour que ce concept spécial voie le jour. Et depuis, le flambeau est passé aux journalistes qui ont tenu bon pour garder les trois rendez-vous de la semaine. L'objectif est toujours le même : organiser des conférences de presse avec les principaux représentants du monde politique, de l'économie et de la culture. Après la réunification de l'Allemagne, la BPK a été transférée à la capitale historique, Berlin, après avoir été organisée au temps de la division à Bonn. Les journalistes étrangers qui travaillent en Allemagne et les Allemands qui ont travaillé à l'étranger s'accordent : il n'y a rien de comparable à la BPK ailleurs.