Aussitôt coincés par les supporters, menacés par leurs joueurs ou cherchant à fuir leurs responsabilités, nos dirigeants finissent par sacrifier l'entraîneur Un bon entraîneur, c'est celui qui fait les meilleurs résultats. Nous ne sommes pas en mesure d'infirmer cette règle-loi en football. Mais en même temps, il faut dire que le meilleur entraîneur au monde ne peut rien faire s'il n'a pas les moyens et les conditions nécessaires comme la qualité des joueurs, des vestiaires calmes, une logistique respectable, des salaires honorés... Bref, un minimum de confort et de stabilité pour pouvoir apporter le plus et mettre en application un projet sportif valable. Le limogeage des entraîneurs n'est pas une affaire axclusive tunisienne ou une tradition de nos dirigeants. Tous les clubs en Europe le font, grands ou petits. Et c'est toujours le même motif : insuffisance des résultats et «l'obligation» de sacrifier l'entraîneur. Cela se fait en Italie, en France et, à un degré moindre, en Angleterre où les dirigeants protègent l'entraîneur jusqu'au bout. Alors pourquoi s'en prendre à nos dirigeants quand ils licencient leurs entraîneurs? Fuir ses responsabilités Le limogeage des entraîneurs en Europe n'a rien à voir avec ce qui se passe chez nous. En Europe, quand la décision de limoger l'entraîneur est prise, c'est en dernier ressort. Les conditions sont optimales et même quand il y a un problème de relations entre les joueurs et leur entraîneur, ou des résultats qui ne suivent pas, cela est considéré comme l'erreur de l'entraîneur qui ne maîtrise plus la situation. Un point de vue discutable, oui, mais contrairement à notre championnat, il y a souvent une argumentation logique. Ici, la quasi-majorité des entraîneurs travaille dans des conditions désastreuses. Pas d'argent (les salaires sont impayés, les promesses ne sont pas tenues...), pas d'autonomie et de quiétude (les supporters sont menaçants et omniprésents à proximité des entraînements), pas de cohérence et de visibilité au niveau du comité directeur (conflits sportifs et personnels)... Bref, des conditions où le meilleur entraîneur au monde ne saura que faire. Pourquoi trop en vouloir à des entraîneurs qui gèrent des joueurs très peu doués et aux qualités surestimées? Pourquoi essayer de fuir ses responsabilités de dirigeant et tout imputer aux entraîneurs qui, souvent, ne choisissent pas les recrutements ni les stades sur lesquels leurs joueurs vont jouer ? Il y a aussi un point essentiel qui devra être pris en considération. De quel droit un président de club juge-t-il les compétences techniques d'un entraîneur alors qu'il ne lui a pas assuré des conditions confortables ? Dans notre championnat, les présidents de clubs, les présidents de section se font «petits» devant des joueurs qui font ce qu'ils veulent. C'est une réalité qu'on ne peut pas occulter. C'est le joueur qui gouverne aujourd'hui dans tous les clubs. Les entraîneurs qui veulent imposer des règles de discipline, qui veulent faire régner l'ordre et exercer leur autorité, sont dits «incompétents» et quand les résultats ne suivent pas, ce sont eux qui payent pour tout le monde. Des exemples de cette fragilité des dirigeants ? Chiheb Ellili qui a été libéré non pas parce qu'il est incompétent, mais dans un règlement de comptes entre anciens et actuels dirigeants. A l'ASMarsa, Hamouda Louzir, pris par ses engagements politiques, sacrifie un Buscher qui n'a pas voulu céder au chantage de quelques cadres de l'équipe qui tirent les ficelles depuis des années. Et en même temps, on ramène un Adel Sellimi, limogé il y a deux ans, justement pour conduite docile avec les joueurs (il a composé avec ces joueurs influents). A la JSK, un Mourad Belakhal qui manque tant de métier et qui gère le technique et l'administratif. Il ramène un Dumas pas convaincant et, le plus grave, vide son équipe des meilleurs pour ramener des joueurs presque terminés. C'est Hidoussi qui débarque, mais jusqu'à quand il va tenir ? Le limogeage des entraîneurs va se poursuivre encore pour les mieux et mal classés. Ce n'est pas une question de résultats, c'est une question de capacité à offrir un cadre propice de travail. Les entraîneurs passent, et souvent, les résultats ne changent pas pour le meilleur. Sans parler de la qualité du jeu aussi. Parce que justement, on n'a pas le courage de toucher le fond du problème : la qualité et le comportement des joueurs et le niveau d'encadrement qui leur est offert.