Les artistes de Soubia et Lab619 nous parlent du Cairo Comix, du Comic Con et de la BD en Tunisie. Lors de la deuxième édition du Cairo Comix, «Tawahoch» de Seif Eddine Nechi et Aymen Mbarek a remporté le prix de la meilleure bande dessinée numérique. Le festival égyptien dédié à la BD a gagné du terrain en deux ans seulement et est en train de devenir un rendez-vous fédérateur pour les artistes et dessinateurs du monde arabe. Sa deuxième édition a eu lieu à l'université américaine du Caire, du 30 septembre au 2 octobre, avec des expositions des travaux de bédéistes arabes, des invités internationaux, des rencontres où le public peut voir les artistes à l'œuvre et une exposition à la mémoire de l'artiste égyptien Naguib Farah dont le personnage fétiche «Abou Al-dhourafaa» a inspiré l'affiche de cette édition. «Tawahoch», notre lauréat de la meilleure BD numérique, est une exploration picturale de l'univers de la violence engendrée par Daesh et relayée par les médias. Son nom est inspiré du livre de référence de l'Etat islamique «Idarat at-tawahoch» (Gestion de la barbarie). Après un passage par le magazine Lab619, Seif Eddine Nechi (seifnechi.blogspot.com) et Aymen Mbarek ont lancé ensemble le blog Soubia.com où ils ont continué à faire ce qu'ils aiment le plus, créer des BD. «Cette œuvre est différente de ses précédentes sur Soubia car elle aborde un thème plus "sérieux" et d'actualité. Nous avons repris les clichés des crimes perpétrés par Daesh dont les victimes se transforment en diagrammes à bâtons, en simples statistiques sur les écrans des médias», nous explique Seif Eddine Nechi. L'année dernière, des Tunisiens ont également figuré dans le palmarès du Cairo Comix. Il s'agit de l'équipe du magazine Lab619 (consultez notre article sur le collectif : http://bit.ly/2emZjwZ) qui a remporté le prix du meilleur magazine en papier, et dont la bédéiste Nouha Hbaieb a assisté au festival en 2015. «Cairo Comix est réellement destiné aux artistes arabes, avec quelques invités étrangers. C'était une occasion pour rencontrer d'autres dessinateurs et initiatives arabes comme la nôtre, telles que Samandal du Liban et TokTok d'Egypte», témoigne Nouha Hbaieb. Grâce à ces rencontres, elle a pu collaborer sur des projets à l'échelle arabe, comme «Fi bilad al alf barkoun», où chaque artiste a parlé de la BD dans son pays, avec des dessins dans son dialecte local. Un contexte difficile Début septembre à Tunis, les artistes de Soubia et de Lab619 ont participé à la première édition du Comic Con, un salon dédié aux arts numériques et à la culture pop. «C'est un événement qui renforce le mouvement bande dessinée en Tunisie et dans le monde arabe. Il y avait cette année un panel sur la BD et on a pu faire connaître le Lab619», estime Nouha Hbaieb. Pour Seif Eddine Nechi, ce fut une bonne expérience et une découverte de différentes communautés, comme la communauté manga et les cosplayers. «L'événement leur est principalement dédié. Le potentiel est là, mais on découvre un grand intérêt pour les mangas par rapport à d'autres styles, comme celui dans lequel j'évolue. En termes de BD, il y a surtout le salon international de Tazarka», ajoute-t-il. Pour lui, le contexte reste difficile pour la bande dessinée en Tunisie. Avec le manque d'espaces de rencontre, l'absence de marché et les problèmes de l'édition, la BD tunisienne évolue toujours grâce à des initiatives isolées. «En Tunisie, il y a des problèmes plus urgents mais, pour moi, c'est ma priorité. Je fais ma part à travers la BD», résume Seif Eddine Nechi. Sans se décourager, ces initiatives comptent sur leurs propres moyens et se frayent leurs chemins, comme en témoignent les prix remportés au Cairo Comix l'année dernière et cette année. Pour Soubia, un nouveau projet est en cours et pour le Lab619, une rencontre avec le public aura lieu lors du festival du film d'animation Ta7rik, du 21 au 23 octobre, à l'Institut français de Tunisie.