Les entrepreneurs tunisiens ont intérêt à faire preuve de plus d'audace et de créativité Certes, l'investissement régional n'est pas au point mort. D'après le dernier bulletin de conjoncture de l'API (Agence de promotion de l'investissement), les neuf premiers mois 2016 ont enregistré une hausse au niveau de l'investissement déclaré dans les zones de développement régional (+47,8% à 1165,8 millions de dinars). Mais cela n'est que la partie émergée de l'iceberg. Le joli paysage cache, en fait, une réalité amère. « Le taux de mortalité des entreprises dépasse largement les 50%. En moyenne, 25.000 entreprises disparaissent chaque année, alors qu'on n'en crée que 45.000 », regrette Karim Ghenim, président de l'Atic (Association tunisienne des investisseurs en capital), lors du forum de la finance alternative, tenu hier à Tunis, sur le thème : « Comment accélérer le développement des entreprises dans les régions ? ». La situation est encore plus dramatique puisque le taux de mortalité s'élève à 80%, selon Samir Bachouel, directeur général de l'API, à cause, notamment, de l'accès difficile aux sources de financement et au climat des affaires qui s'est remarquablement détérioré au cours des dernières années. « Les chefs d'entreprise accusent souvent les différents investisseurs en capital d'être à l'origine de la faiblesse de l'investissement dans les régions de l'intérieur du pays et même à l'origine de la disparition des entreprises qui n'ont pas pu bénéficier d'un accompagnement financier plus soutenu. Mais ce constat est très subjectif et la réalité est différente », critique le président de l'Atic. Pour lui, l'entreprise tunisienne est, naturellement, fragile à cause de la faible implication financière des entrepreneurs au moment où le coût d'investissement connaît des dérapages importants. Les entrepreneurs préfèrent, en fait, s'endetter, notamment auprès des banques, que d'injecter leurs fonds propres, d'où une charge lourde et supplémentaire — les intérêts — avant même le démarrage du projet. « C'est d'ailleurs pour cette raison que nous considérons la multiplication des primes d'investissement décidée par le nouveau Code d'investissement comme un point négatif qui risque de fragiliser davantage les entreprises tunisiennes », avoue-t-il. Manque de créativité L'autre obstacle que ne cesse de connaître l'entreprise tunisienne, selon Karim Ghenim, c'est la pénurie des ressources humaines dans ce pays qui a toujours été considéré comme un gisement de compétences. En effet, selon l'Utica (Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat), par exemple, plus de 150.000 offres d'emploi demeurent insatisfaites à cause de la pénurie de compétences et, à moindre degré, de main-d'œuvre qualifiée, alors que le pays compte près de 700.000 chômeurs. « A cela s'ajoute la lourdeur administrative qui, dans beaucoup de cas, empêche les entrepreneurs de profiter d'une opportunité ou d'un marché et, souvent, les dissuade d'investir dans telle ou telle région », déplore Karim Ghenim. Mais ce n'est pas tout. La liste des obstacles à l'entrepreneuriat et des facteurs expliquant l'échec des entreprises est longue. « La plupart des projets qu'on nous propose pour financement sont si faibles côté innovation. Malheureusement, il y a un déficit flagrant de créativité. Les projets qu'ils présentent sont plutôt standards et manquent d'originalité. Ils sont donc peu intéressants pour les investisseurs en capital », regrette-t-il. Autre lacune majeure, c'est la faible perspective de développement. C'est ce qui explique, d'ailleurs, pourquoi plusieurs projets ne trouvent pas de financement ou échouent au bout d'une année ou deux. « Pour surmonter toutes ces barrières, il faut changer de culture entrepreneuriale et accepter d'adopter les bons reflexes et les bons comportements », recommande Karim Ghenim. A noter qu'une initiative baptisée «Tunisia 500 » a été lancée lors du forum de la finance alternative par Carthage Business Angels, le CJD (Centre des jeunes dirigeants de Tunisie), l'Apbef (Association professionnelle des banques et des établissements financiers), l'Atic (Association tunisienne des investisseurs en capital) et Wikistartup. Objectif : créer 500 startup durant les prochaines années avec un pic en 2020.