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L'autre terrorisme
Satanisme et suicide d'enfantS
Publié dans La Presse de Tunisie le 21 - 11 - 2016

On ne sait que peu de choses sur le satanisme en Tunisie. A défaut de preuves concrètes sur d'éventuels pratiques ou rituels, mais que l'ont dit clandestins, et de témoignages impliquant des personnes identifiables, la rumeur court et alimente les réseaux sociaux et l'imaginaire. Pourtant, les indicateurs d'une jeunesse en détresse n'excluent pas les risques de déviation vers le satanisme tout comme le radicalisme religieux, deux formes d'expression différentes du terrorisme.
Le satanisme serait une forme silencieuse d'un terrorisme plus pernicieux que celui qui use des armes. Lui aussi, il rafle des vies humaines et jeunes, mais en silence sans que l'on voie la mort venir. On le connaît peu sans doute parce que, dans un pays arabo-musulman, aucune philosophie, aucune croyance, aucune secte n'a l'envergure ni le poids qui lui permettent de disputer la place de la religion dans la société. Mais aussi étonnant que cela puisse être, c'est le suicide d'une enfant, une adolescente de 14 ans, qui fait parler de satanisme, de l'existence de groupuscules composés de jeunes adeptes du diable (Satan) et qui va éveiller les soupçons sur son infiltration dans notre pays.
Que sait-on ? Que dit-on ?
Le suicide de Sarra, une ado de 14 ans sans histoires, selon sa famille et certains de ses amis, a été lié par d'autres parmi ses camarades du lycée El Mourouj 1 au satanisme. Cette « doctrine » repose sur l'adoration de Satan et trouve ses origines dans différentes civilisations antiques du Proche-Orient et d'Europe. Des camarades de Sarra racontent que quelques jours avant de passer à l'acte, elle aurait «participé à une soirée Halloween (une fête culturelle observée en Europe, aux USA et au Canada au cours de laquelle les fêtards se déguisent en monstres, ndlr), un tirage au sort aurait été fait pour désigner la personne qui allait se sacrifier pour Satan». Et ce fut Sarra.
L'histoire, digne d'un film d'horreur, n'étonne pourtant pas ces jeunes lycéens qui affirment et assurent que le satanisme existe bel et bien dans nos murs, qu'ils seraient autour d'une vingtaine, voire une trentaine à fréquenter le lycée d'El Mourouj 1 et bien plus ailleurs, dans d'autres quartiers et lycées. Le père de la défunte et la directrice du lycée, de leur côté, certifient qu'il n'en est rien. «Sarra était psychologiquement fragilisée par des problèmes familiaux et financiers», selon le papa qui, par un concours de circonstances, a perdu son usine et son travail et fait de la prison. «Elle était normale, on n'a rien remarqué de différent en elle, sauf une fois quand elle est venue au lycée avec un percing au sourcil, la surveillante générale lui avait sommé de le retirer, sans plus», raconte la directrice du lycée.
Alors pourquoi évoquer le satanisme, qui ne passe pas inaperçu en raison de ses signes ostentatoires, s'il n'en est rien ? Qui a été l'instigateur de cette histoire ? Les enquêtes judiciaire et administrative sont en cours, les résultats sont très attendus, car de la vérité qui jaillira de ces enquêtes dépendront les mesures sécuritaires et éducatives à prendre dans le cas où la rumeur sera vérifiée. Pour la directrice du lycée El Mourouj 1, après le suicide de Sarra, rien ne sera plus comme avant, «nous allons redoubler de vigilance et faire plus attention à tout ce qui se passe dans le lycée».
En attendant, le flou plane encore sur le suicide de Sarra d'autant qu'a eu lieu à quelques jours d'intervalle à El Mourouj 4, un deuxième suicide d'un jeune de 20 ans, travaillant dans un centre d'appel à La Charguia, lui aussi sans histoires, selon ses parents.
Mais qu'en est-il du satanisme en Tunisie ?
Les adeptes de Satan, généralement des jeunes, sont reconnaissables à leurs signes ostentatoires qui s'imprègnent de ce qui rappelle le mal, la colère, la laideur, l'agressivité, la mort ; ils s'habillent tout en noir, se barbouillent les yeux et les lèvres de noir et portent en guise d'accessoires des têtes de mort. Leur sigle : l'index et l'auriculaire soulevés en forme de V et on y lit le chiffre 666. Ils refusent la société et ses règles, Dieu et ses commandements, la religion et ses dogmes, le commun, l'ordre, les normes. En un mot, ils vénèrent l'antisystème, l'anti-religion, l'anti-dieu. Ce phénomène existe dans nos murs ? Aucun doute ni étonnement chez les jeunes interrogés sur le sujet : oui, possible ! «C'est le résultat d'un mal-être que peut ressentir n'importe quel jeune à un moment de sa vie», estime Fériel, une lycéenne de 18 ans, qui admet avoir connu cela mais sans le considérer comme une raison suffisante au suicide. Il n'en demeure pas moins que tous les sondages et études effectués après 2011 ont démontré une augmentation du nombre de suicides chez les jeunes et les enfants et celle des cas présentant des problèmes psychologiques comme la dépression chez les Tunisiens, les jeunes étant les plus fragiles. L'un des derniers sondages est éloquent à ce sujet et fait état d'une progression constante du pourcentage de jeunes dont l'état psychologique suscite l'inquiétude. Ainsi, entre 2015 et 2016, les cas souffrant de pressions psychologiques sont passés de 25 à 46%, les cas d'angoisse à 57% (47% en 2015), la tristesse et la colère touchent respectivement 20% des sondés (contre 16% en 2015) et 34% (contre 23% en 2015). En définitive, 1 adolescent sur 4 serait dépressif.
D'un point de vue social et scientifique, les raisons de cet état psychologique chez les jeunes sont puisées dans son quotidien : échec ou difficultés scolaires, situation sociale défavorisée, problèmes au sein de la famille ou encore orientations sexuelles. Du côté de l'intellectuel, le problème est encore plus profond, plus grave et plus large.
«C'est le vide culturel qui mène les jeunes vers la déviance, l'anarchie, le radicalisme, le terrorisme ou encore le satanisme. Le vide intellectuel, spirituel dans le sens philosophique du terme et culturel est un terreau fertile pour toute sorte d'extrémisme, de dépravation et de violence. Ce que nous vivons depuis 2011 est responsable de ce vide : le mélange politique et religion a tout dénaturé ; or, l'islam politique n'est pas la religion et la religion musulmane n'a rien à voir avec le terrorisme. Ce qui aurait dû être une révolution politique, économique et culturelle s'est transformé en une anarchie totale. Au bout de près de six ans des événements de 2011 qui devaient apporter un changement créatif, les jeunes sont égarés dans un vide culturel et cultuel, les vrais intellectuels qui sont porteurs d'un projet civilisationnel sont absents des cercles du pouvoir, des médias, des dialogues nationaux. Le suicide des jeunes est une autre forme de terrorisme. Certains ont cherché à s'affirmer dans ce qu'ils appellent le Jihad, d'autres dans le satanisme ou le suicide. L'Etat est aujourd'hui face à un gros problème et à une lourde responsabilité. Les maisons de la culture doivent rouvrir leurs portes, les ministères de la culture, de l'education et de l'enseignement supérieur sont appelés à travailler ensemble pour mettre au point des programmes qui intéressent et attirent les jeunes, les forment, leur ouvrent des horizons et les protègent de l'oisiveté, de la drogue et de ces courants étrangers à la société tunisienne comme le radicalisme, le satanisme (moindre proportion) dont le seul but est de mener le pays et la société vers l'inconnu. Le consensus tant recherché par les politiques doit être trouvé autour d'un projet culturel commun qui rétablit la grandeur historique de la Tunisie», explique M. Ridha Bennani, professeur universitaire spécialisé en philologie et langues sémitiques comparatives et dans l'histoire de l'ancien Proche-Orient.
Il s'agit en somme pour l'élite de tout bord d'engager dans les plus brefs délais des débats culturels et politiques de fond, des joutes sur les valeurs civilisationnelles que la société tunisienne, qui se prévaut de 3.000 ans de civilisation et d'avant-gardisme, a prônées et qui sont aujourd'hui en péril tout comme sa jeunesse.


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